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aux Amateurs d'Histoire Naturelle, la "description générale de tous les individus, quadrupèdes et oiseaux que je me suis procurés dans mes courses, et que je possède actuellement; j'y joindrai les gravures coloriées de ceux qui sont inédits, et de ceux qui jusqu'à présent sont encore inconnus; on y verra des genres absolument neufs, des variétés considérables dans les espèces. Quoique la Girafe ait été décrite et gravée dans quelques Auteurs, cela ne m'empêchera pas de recommencer ces deux opérations ce qui a été dit jusqu'à présent sur cet animal et les dessins qui en ont été faits ne ressemblant guères à l'original qui existe dans mon Cabinet, et à l'étude que j'ai faite de ses mœurs dans son Pays Natal.

LA partie Hollandoise de la Guyanne soumise

à la domination de la Compagnie d'Occident est peut-être la moins connue des Naturalistes quoiqu'elle soit sans contredit de toute l'Amérique Méridionale celle qui offre dans tous les genres les productions les plus curieuses et les plus extraordinaires. Placée sous le climat brûlant de la Zône Torride, à 5 degrés Nord de la Ligne, cette Région, encore enveloppée de la croûte des temps, recèle si je puis m'exprimer ainsi, le foyer où la Nature travaille ses exceptions aux règles générales que nous croyons lui connoître ; elle a, sur une étendue d'environ cent lieues de côtes, une profondeur presqu'illimitée; c'est là que le fleuve SURINAM promène ses eaux majestueuses. Sur sa rive gauche, à trois lieues de la Mer s'élève PARAMARIBO, Chef-lieu de cette vaste Colonie; c'est ma patrie et le berceau de mon enfance. Elevé par des parens instruits qui travailloient à se procurer par eux-mêmes les objets intéressans et précieux qui sont répandus dans ce Pays, j'avois continuellement sous les yeux les produits de leurs acquisitions; je jouissois à mon aise de leur Cabinet trèsintéressant : j'aurai, dans la suite, occasion d'en parler. Dès mes plus jeunes années, ces tendres parens qui ne pouvoient un moment se déta

cher de moi, souvent exposés par leurs goûts à des Voyages lointains, à de longs séjours aux extrémités de la Colonie, m'emmenoient avec eux, et me faisoient partager leurs courses, leurs fatigues et leurs amusemens. Ainsi j'exerçai mes premiers pas dans les Déserts, et je naquis presque Sauvage. Quand la raison, qui devance toujours l'âge dans les Pays brûlés, eut commencé à luire pour moi, mes goûts ne tardèrent point à se développer; mes parens aidoient, de tout leur pouvoir, aux premiers élans de ma curiosité. Je goûtois tous les jours sous d'aussi bons maîtres, des plaisirs nouveaux : je les entendois disserter, d'une façon qui étoit à ma portée, sur les objets acquis et sur ceux qu'on espéroit se procurer dans la suite: tant d'idées et de rapports, s'amassoient dans ma tête confusément à la vérité dans les commencemens, mais peu à peu avec plus d'ordre et de méthode; la Nature a donc été ma première institutrice parce que c'est sur elle que sont tombés mes premiers regards,

Bientôt le désir de la propriété et l'esprit d'imitation, passions favorites de l'enfance, vinrent donner de l'impétuosité, je pourrois dire de l'impatience, à mes amusemens. Tout disoit à mon amour-propre que je devois aussi me faire un Cabinet d'Histoire-Naturelle, je me laissai caresser par cette idée séduisante, et, sans perdre de temps, je déclarai traîtreusement la guerre aux animaux les plus foibles, et me mis à la poursuites des Chenilles, des Papillons, des Scarabées; en un mot de toutes les espèces d'Insectes,

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Lorsqu'on travaille pour son propre compte, on peut, avec des moyens bornés, des talens novices et peu développés, faire un mauvais ouvrage; mais, on a ce me semble, toujours assez bien réussi pour soi-même si l'on n'a négligé, ni temps, ni soins, ni peines et si l'on y a déployé toutes ses facultés, toutes ses forces. D'après ces dispositions, indices presque certains des succès, je voyois se former sous mes mains et s'accroître de jour en jour ma jolie collection d'Insectes; j'en faisois le plus grand cas; je l'estimois outre mesure : j'en étois l'unique créateur; c'est dire assez combien je la trouvois supérieure à celle de mes parens l'orgueil est un aveugle qui fait marcher de pair les chefs-d'œuvres de la Sottise et du Génie.

Tout concentré dans ma jouissance, je n'avois pas encore senti que toujours l'obstacle se présente et vient se placer entre l'entreprise et le succès.

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Dans une de nos courses nous avions tué un Singe de l'espèce que dans le Pays on nomme Baboën; c'étoit une femelle : elle portoit sur son dos un petit qui n'avoit point été blessé ; nous les enlevâmes tous les deux; de retour à la Plantation, mon Singe n'avoit point encore désemparé les épaules de sa mère; il s'y cramponnoit si fortement que je fus obligé de me faire aider par un Nègre pour l'en déracher; mais, à peine séparé, il se lança comme un oiseau sur une tête de bois qui portoit une perruque de mon père; il l'embrassa de toutes ses pattes, et ne voulut absolument plus la

quitter; son instinct le servoit en le trompant; il se croyoit sur le dos et sous la protection de sa mère; il étoit tranquille sur cette perruque; je pris le parti de l'y laisser et de le nourrir avec du lait de Chèvre; son erreur dura environ trois semaines; après quoi, s'émancipant de sa propre autorité, il abandonna la perruque nourricière, et devint par ses gentillesses l'ami et le commensal de la maison.

Je venois d'établir, sans m'en douter, le Loup dans la bergerie; un matin que je rentrois dans ma chambre dont j'avois eu l'imprudence de laisser la porte ouverte, je vis mon indigne élève qui faisoit son déjeuné de ma superbe collection; mon premier transport fut de l'étouffer dans mes bras; mais le dépit et la colère firent bientôt placé à la pitié, quand je m'aperçus qu'il s'étoit livré lui-même, par sa propre gourmandise, au plus cruel supplice; il avoit, en croquant les Scarabées, avalé les épingles qui les enfiloient; c'est en vain qu'il faisoit mille efforts pour les rendre. Ses tourmens me firent oublier le dégât qu'il me causoit; je ne songeai plus qu'à le secourir; et mes pleurs et tout l'art des Esclaves de mon père que j'appelois de tous côtés à grand cris, ne purent le rendre à la vie cet accident me renvoyoit fort loin sur mes pas; mais il ne put me rebuter; je me livrai bien vite à de nouvelles recherches; et, non content d'un trésor unique, j'en voulus réunir plusieurs. Je songeai, par une progression naturelle, aux Oiseaux. Nos Esclaves ne m'en fournissoient point assez à mon gré; je m'armai de la Sarbacane et de l'Arc Indien;

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