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Marcian dans ces lieux n'oze porter la guerre,

Ét filles & femmes enfin, des maîtres de la Terre
Je n'y fçaurois trouver un azile affûré
Contre l'affreux deftin qui nous eft preparé.
EUDOXE.

Ah ! qu'une promte mort m'eût épargné d'alarmes.
L'IMPERATRICE.

A Trafimond, ma fille, allez montrer vos larmes,
Faites-luy bien fentir tout ce qu'il perd en vous,
Et par quelques foupirs allumez fon courroux.

SCENE VII.

L'IMPERATRICE, CAMILE.

L'IMPERATRICE.

U'un jeune & tendre cœur, à tromper eft facile.
CAMILE.

QU

Quoy! Madame, en effet......

L'IMPERATRICE.

Connois-moy bien, Camile,

Du Prince Trafimond j'ay mal payé les foins,

Quoy qu'il ait fait pour moy, je ne l'en haïs pas moins, Pour être genereux autant qu'il eft aimable

En eft-il moins fils d'un Prince deteftable?

Et me pourrois-tu croire un affez lâche cœur

Pour aimer un des fils de mon perfecuteur,
Si je feints d'aprouver le feu qu'il fait paroître,
Si j'engage ma fille à l'ozer reconnoître,

Ce n'eft que pour fervir ma vangeance : & je veux
Qu'un long embrazement s'allume par leurs feux,
Par là je vais armer un frere contre un frere
Des droits du fang, l'amour ne s'embarasse guere.
Il détruit tous les jours des obftacles plus grands,
Et l'on ne conte point des Rivaux pour parens ;
Ouy ! je verray bien-tôt de fanglantes batailles
Du cruel Genferic déchirer les entrailles,
Et tandis qu'il fera d'affreux foucis rongé,
Je jouiray des maux où je l'auray plongé,
Je fçay que je trahis un Prince que j'estime,
Que de mes paffions, ma fille eft la victime,
Que pour Huneric fe declare le fort
Je perds en Trafimond, mon unique fupport,
Et fi Trafimond eft maître de Carthage

que

Je n'en auray pas moins de douleur & de rage,
Mais mon cœur ne connoît ny honte ,ny danger
Dés que d'un ennemy je trouve à me vanger;
Je verray d'un œil fec cette guerre intestine
Qui du pere & des fils caufera la ruïne,
Et quand j'aurois le fort & dupere & des fils,
Il eft doux de perir avec fes ennemis.

R

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H

SCENE PREMIER E.

TRASIMOND, NARBAL.

TRASIMON D.

Elas! à quel ennuis mon cœur eft-il en proye?
Ne fçaurois-je goûter une tranquille joye.

O Ciel!injufte Ciel!mon frere eft mon Rival,
Ne me trompay-je point, m'as-tu dit vray, Narbal?
Il veut m'ôter Eudoxe, il quitte Sophronie,
Et le Roy jusques-là, pouffe la tyrannie.

Quel ufage, grands Dieux ! fait-il de fes ferments:
Mais n'as-tu point appris avec quels fentiments.
L'Imperatrice a vû ce deffein temeraire ?

Ma Princeffe à leurs vœux fera-t'elle contraire?
Prétent-t'on fe fervir du fouverain pouvoir ?
NARBAL.

D'elle-même, Seigneur, vous le pourrez fçavoir.

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SCENE

I I.

TRASIMOND, EUDOXE, NARBAL.

V

EUDOXE, à Trafimond qui eft quelque tems à la regarder fans luy rien dire.

Ous ne me dites rien, Seigneur, ha! tout confpire.....

TRASIMOND.

Je cherche dans vos yeux, ce que je dois vous dire.
EUDOX E.

Ne le trouvez-vous pas toûjours dans vôtre cœur ?
Mais fans doute pour moy, ce cœur se taît, Seigneur,
Il ne partage point l'ennuy qui me devore,
Si vôtre cœur pour moy s'intereffoit encore,
Vous n'auriez pas befoin pour faire un long difcours,
De chercher dans mes yeux d'inutiles fecours.
Quel changement en vous s'eft fait depuis une heure,
Ah! je ne voy que trop qu'il eft tems que je meure
Rien ne doit maintenant m'empêcher de perir,
Quand on n'eft plus aimée, ingrat il faut mourir.
TRASIMOND.

Je ne vous aime plus, que fais-je donc, Madame?
Lors qu'incertain, confus, le defespoir dans l'ame,
Et retenant des pleurs qui font prêtes à couler.
Je cherche dans vos yeux à pouvoir démêler,

Si c'eft comme à ma Soeur ou comme à ma Prince fe

Que je vous dois parler ....

EUDOXE.

Hé! de quelle foiblefle

Soupçonnez-vous mon cœur, Dieux ! ne fçavez-vous

pas....

TRASIMOND.

Vôtre crainte a fini mon funefte embarras,
Eudoxe m'aime encor, je n'ay plus rien à craindre,
Rival, Roy, Pere....

EUDOX E.

Helas! que nous fommes à plaindre,

On ne s'amufe point à foupirer pour moy,
Les brutales fureurs, les menaces du Roy
Sont du Prince Huneric les redoutables armes,
Contre qui vous fçavez que je n'ay que mes larmes.
TRASIMOND.

Vous contez donc pour rien le fecours de mon bras?
EUDOXE.

Contre un frere, Seigneur, je ne le conte pas,
Quelque forte que foit la haine qui m'anime,

Je ne voudray jamais, qu'elle vous coûte un crime.

TRASIMOND.

Hé! vous aimerez mieux rendre heureux mon Rival.

Adorable Princesse, ha! que vous aimez mal,
Mais malgré vos raifons, s'il pouffe l'infolence
Jufqu'à vous faire un jour la moindre violence,
Il fçaura ce Rival, ce que peut le couroux •

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