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Qui merite tous ces foupirs,

Il ne daigne tourner fes regards fur les autres.
A fes charmes auffi quels charmes font égaux;

Elle a les yeux auffi doux que les vôtres,
Et n'a pas un de vos défauts.
Venus alors rougit de honte,

Et lançant fur fon Fils des regards enflammez,
Quoy donc, dit-elle, à vôtre conte
Une mortelle me furmonte

Hé bien, l'illuftre Enfant dont vous vous allarmez,
Prés de moy tiendra vôtre place

Je veux (& le deftin ne m'en dédira pas )
Que, quoy-qu'il dife, ou quoy-qu'il fasse,
On y trouve toûjours une nouvelle Grace:
Toutes vont par mon ordre accompagner fes
L'Amour tremble à cette menace ;

pas.

Il veut flatter Venus: mais Venus à ces mots
Se jette dans fon char, & vole vers Paphos.
Dans fon cœur la colere à la honte s'affemblée ;
Le chagrin de l'Amour s'accroît par ce courroux :
Et comme le chagrin & nous

Ne pouvons demeurer ensemble;
Nous avons refolu d'abandonner l'Amour,
Pour venir faire nôtre cour

Au beau Prince qui luy reffemble.

Voila ce que les Ris & les Jeux m'ont conté :
Ce Prince eft fi charmant qu'on les en peut bien croire,
L'Amour eft aujourd'huy jaloux de fa beauté :

Un jour viendra que Mars le fera de fa gloire.
Puiffe-t-il toûjours grand, être toûjours heureux!
Puiffe le jufte Ciel accorder à nos vœux,
Pour luy de nombreuses années ;

Qu'il paffe des Héros les exploits inouïs,
Et qu'un jour, s'il fe peut, fes grandes destinées,
Egalent celles de Louis.

MADRIGAL.

J

E ne fçaurois paffer un jour

Sans me ressouvenir du beau berger que j'aime Quand j'y pense un plaifir extrême

Vient redoubler l'ardeur que j'ay pour fon retour. Trifte devoir dont je n'ose me plaindre

A ce retour, helas! n'aurez-vous rien à craindre ?
Si, pour y penser seulement,

Des plus tendres tranfports je fens la violence,
Quand je reverrai mon amant

Que ne fera point sa présence?

A

MADEMOISELLE

DE LA

CHAR CE.

Pour la Fontaine de Vanclufe.

1673.

Q

Uand vous me preffez de chanter
Pour une fontaine fameufe

Vous avez oublié que je fuis parefleuse,
Qu'un fimple Madrigal pourroit m'épouvanter,
Q'entre une fanté languiffante

Et d'illuftres amis par le fort outragez
Mes foins font toûjours partagez.

Par plus d'une raifon devenez moins preffante.
Daphné, vous ne fçavez à quoy vous m'engagez ?
Peut-être croyez-vous que toûjours infenfible,
Je décriray dans mes vers

Entre de hauts rochers dont l'afpect eft terrible
Des prez toûjours fleuris, des arbres toûjours verds.
Une fource orgueilleufe & pure,

Dont l'eau fur cent rochers divers
D'une mouffe verte couverts
S'épanche, bouillone, murmure,

Des agneaux bondisfans fur la tendre verdure,
Et de leurs conducteurs les ruftiques concerts.

De ce fameux defert la beauté furprenante
Que la nature feule a pris foin de former
Amufoit autrefois mon ame indifferente.
Combien de fois, helas! m'a-t-elle fçû charmer!
Cet heureux tems n'eft plus : languissante, attendrie,
Je regarde indifferemment

Les plus brillantes eaux, la plus verte prairie,
Er du foin de ma bergerie

Je ne fais même plus mon divertiffement.
Je paffe tout le jour dans une réverie
Qu'on dit qui m'empoifonnera.

A tout autre plaifir mon efprit se refuse,
Et fi vous me forcez à parler de Vaucluse,
Mon cœur tout feul en parlera.

Je laifferay conter de fa fource inconnue
Ce qu'elle a de prodigieux,

Sa fuite, fon retour, & la vafte étenduë
Qu'arofe fon cours_furieux.

Je fuivray le penchant de mon ame enflâmée,
Je ne vous feray voir dans ces aimables lieux
Que Laure tendrement aimée.

Et Petrarque victorieux.

Auffi-bien de Vauclufe ils font encor la gloire,
Le tems qui détruit tout refpecte leurs plaifirs
Les ruiffeaux, les rochers, les oy feaux, les zéphirs,
Font tous les jours leur tendre hiftoire.

Ouy, cette vive fource en roulant fur ces bords

32

Semble nous raconter les tourmens, les tranfports,
Que Petrarque fentoit pour la divine Laure.
Il exprima fi bien fa peine, fon ardeur,
Què Laure malgré fa rigueur
L'écouta, plaignit fa langueur,
Et fit peut-être plus encore.

Dans cet antre profond où fans autre témoins
Que la Naïade & le Zéphire,

Laure fçût par de tendres foins

De l'amoureux Petrarque adoucir le Martyre?
Dans cet antre où l'Amour tant de fois fut vainqueur,
Quelque fierté dont on fe pique

On fent élever dans fon cœur

Ce trouble dangereux par qui l'amour s'explique Quand il allarme la pudeur.

Ce n'eft

pas feulement dans cet antre écarté
Qu'il refte de leurs feux une marque immortelle.
Ce fertile valon dont on a tant vanté.
La folitude & la beauté

Voit mille fois le jour dans la faifon nouvelle
Les Roffignols, les fereins, les pinçons;
Répeter fous fon verd ombrage

Je ne fçai quel doux badinage

Dont ces heureux amans leur donnoient des leçons.

Leurs noms fur ces rochers peuvent encor fe lire, L'un avec l'autre eft confondu,

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