1 Pourrez-vous toûjours voir vôtre cabinet plein Qui vous fatigueront avec un front ferein Pourrez-vous fupporter qu'un fat de qualité Un efprit de malignité Dans le monde a fçû fe répandre, On achette un bon livre afin de s'en moquer. On ne lit que pour critiquer. Vous riez, vous croyez ma frayeur chimerique, Que je vous fais grand tort, que vous ne devez pas Des plus grands mots faifant un affemblage, En face on vous dira que les vôtres fon beaux Jufques à vous preffer d'en dire des morceaux. Tout comme un autre elle s'explique, Irez-vous voir jouer une piece nouvelle, Il vous imputera tout ce qu'on dira d'elle, Il vous faudra courir tous les hazards. Mais me répondrez-vous, fortez d'inquiétude, Il est vray, mais comment pourrez- vous éviter Les chagrins qu'à la Cour le bel efprit attire ? Vous ne voulez point la quitter. Cependant l'air qu'on y refpire Eft mortel pour les gens qui fe mêlent d'écrire. A rêver dans un coin on fetrouve réduit; Ce n'eft point un conte pour rire: Dés que la renommée aura femé le bruit Que vous fçavez toucher la lire, Hommes, femmes tout vous craindra? Parce qu'ils ne fçauront en mille ans que vous dire. Ils ont là-deffus des travers Qui ne peuvent fouffrir d'excufes: Ils penfent quand on a commerce avec les Mufes Qu'on ne fçait faire que des vers. Ce que piête la fable à la haute éloquence, Ce que l'hiftoire a confacré, Ne vaut jamais rien à leur gré Ce qu'on fçait plus qu'eux les offenfe. On diroit à les voir de l'air préfomptueux Plus fouvent fans y rien comprendre, On les voit les blâmer, on les voit les défendre. Dans la débauche & dans le jeu nourris, On les voit avec même audace Parler & d'Homere & d'Horace, Comparer leur divins écrits, Confondre leur beautez, leur tour, leurs caracteres, De badinages, de chimere, Quelques Seigneurs reftez d'une Cour plus galante De la fcience étonnée & mourante. Mais pour combien de tems aurez-vous leur fecours? Les trois fatales fœurs qui n'épargnent perfonne Que ferez-vous alors? vous rougirez fans doute Amarante, vous chanterez Plus d'un exemple vous répond Des malheurs dont icy je vous ay menacée : De tant de veritez confervez la memoire, Ne cherchez plus une frivole gloire Vous que le Ciel n'a point fait naître Croyez-en mes confeils! ne l'aquerez jamais. CHANSON. ON connoit peu l'amour lors qu'on oze affûrer Qu'avec la jaloufie il ne fçauroit durer: Loin de le ralentir, tout ce qu'elle confeille. Un amour heureux qui s'endort. |