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Elle craint que ta main ne reprenne la foudre
A qui rien ne peut refifter.

Quelle gloire pour toy ! quel plaifir pour la France,
De vanger aujourd'huy fur ces ambitieux
Les divers attentats qu'avec tant d'infolence
Leurs peres ont formé contre tes grands ayeux!
Accoûtumez à voir leur audace impunie,

Ces peuples n'employoient leurs trefors, leur genie,
Qu'à te faire par tout de nouveaux ennemis :
Ils penfoient t'accabler fous le fais des intrigues,
Et n'ont fait que remplir par d'impuiffantes brigues
Ce que les deftins t'ont promis.

Ainfi quand des hyvers les terribles orages
Contraignent un grand fleuve à fortir de fes bords
De ce fleuve irrité fameux par fes ravages
On croit par une digue arrêter les efforts:
Mais bien loin que fon onde à ce frein s'accoûtume,
Sa colere s'accroît, il mugit, il écume,

Il renverse demain ce qu'il laiffe aujourd'huy,
Et plus fort que la digue à fon cours oppofée
Elle n'eft fur la rive où l'on l'avoit pofée

Q'un nouveau triomphe pour luy.

Non, content de vanger tes ayeux & ta gloire,
Tu dompte l'hérefie, elle expire à tes yeux:

Tu fais de fon débris ta plus chere victoire,
Ardent à foûtenir la querelle des Cieux.
Ta le dois, leurs faveurs diverfes, continuës,
Jamais fur les mortels ne furent répandues
Si liberalement quelles le font fur toy,
Quoy que le diadême ait de grand, d'agréable,
Des prefens dont aux Cieux on te voit redevable,
Le moindre eft de t'avoir fait Roy.

Mais le Doge paroît que Gennes la Superbe
:
Eft un charmant fpectacle attachée à ton char!
Confufe d'avoir vû fes tours plus bas
Elle n'ofe fur toy porter un feul regard.

que

1 herbe

Ton grand cocur eft touché des foupirs qu'elle pouffe
Tu rendras, je le voy, fa fortune plus douce;
Mille fois tes bontez ont borné tes exploits,
Tu verrois l'univers foumis à ta puiffance,
Si depuis vingt moiffons, de ta feule clemence
Tu n'avois écouté la voix.

EGLOGUE

IRIS.

A terre fatiguée, impuiffante, inutile,
Préparoit à l'hyver un triomphe facile :
Le Soleil fans éclat précipitant fon cours
Rendoit déja les nuits plus longues que les jours,
Quand la Bergere Iris de mille appas ornée
Et malgré tant d'appas Amante infortunée,
Regardant les buiffons à demi dépoüillez,

Vous que mes pleurs, dit-elle,ont tant de fois mouillez
De l'automne en courroux reffentez les outrages.
Tombez feüilles, tombez, vous dont les noirs ombrages
Des plaifirs de Tirfis fefcient la fûreté,

Et payez le chagrin que vous m'avez coûté.

Lieux toûjours oppofez au bonheur de ma vis

C'eft icy qu'à l'Amour je me vis affer vie !
Icy j'ay vû l'ingrat qui me tient sous ses loix :
Icy j'ay foupiré pour la premiere fois : #
Mais tandis que pour luy je craignois mes foibleffes
Il appelloit fon chien, l'accabloit de careffes,
Du defordre où j'étois loin de se prévaloir,
Le cruel ne vit rien, où ne voulut rien voir !
Il loüa mes moutons, mon habit, ma houlette?
Il m'offrit de chanter un air fur fa mufette :

Il voulut m'enseigner quelle herbe va paiffant,
Pour reprendre fa force, un troupeau languiffant.
Ce que fait le Soleil des brouillards qu'il attire,
N'avoit-il rien, helas! de plus doux à me dire!

yeux;

Depuis ce jour fatal que n'ay-je point fouffert!
L'absence, la raison, l'orgueil, rien ne me fert.
J'ay de nos vieux Pasteurs confulté le plus fage;
J'ay mis tous les confeils vainement en ufage;
De victimes, d'encens, j'ay fatigué les Dieux;
J'ay fur d'autres bergers fouvent tourné les
Mais ni le jeune Atis, ni le tendre Philene,
Les délices, l'honneur des rives de la Seine,
Dont le front fut cent fois de myrthes couronné
Sçavans en l'art de vaincre un courage obstine,
Eux que j'aidois moy-même à me rendre inconftante,
N'ont pû rompre un moment le charme qui m'enchante,
Encor ferois-je heureufe en ce honteux lien,

Si ne pouvant m'aimer mon Berger n'aimoit rien.
Mais il aime à mes yeux une beauté commune,
A poffeder fon cœur il borne fa fortune
C'est pour elle qu'il perd le foin de fes troupeaux,
Pour elle feulement raisonnent fes pipeaux,
Et loin de fe laffer des faveurs qu'il a d'elle
Sa tendrèffe en reprend une force nouvelle.

Bocages, de leurs feux uniques confidens,
Bocages que je haïs, vous fçavez fi je ments;
Depuis que les beaux jours à moy feule funestes,
D'un long & trifte hy ver eurent chaffé les reftes

Jufqu'à

Jufqu'à l'heureux debris de vos frefles beautez,
Quels jours ont-ils paffez dans ces lieux écartez!
Que n'y reprochiez-vous à l'ingrat que j'adore
Que malgré fes froideurs, helas, je l'aime encore!
Que ne luy peigniez-vous ces mouvemens confus,
Ces tourmens, ces tranfports, que vous avez tant vûs?
Que ne luy difiez-vous pour tenter la tendreffe,
Que je fçai mieux aimer que luy, que fa maîtreffe?
Mais ma raifon s'égare, ah! quels foins, quels fecours
Dois-je attendre de vous qui servez leurs amours!
Les Dieux à mes malheurs feront plus fecourables.
L'hyver aura pour moy des rigueurs favorables.
Il approche, & déja les fougueux aquillons
Par leur fouffle glacé défolent nos valons,
Laneige qui bientôt couvrira la prairie
Retiendra les troupeaux dans chaque bergerie,
Et l'on ne verra plus sous vôtre ombrage affis
Ni l'heureufe Daphné, ni l'amoureux Tirfis,
Mais helas, quel espoir me flatte & me console !
Avec rapidité le tems fuit & s'envolle,

Et bientôt le printems à mon ame odieux
Ramenera Tirfis & Daphné dans ces lieux.
Feuilles vous reviendrez, vous rendrezcesbois fombres,
Ils s'aimeront encor fo s vos perfides ombres.
Et mes vives douleurs, & mes tranfports jaloux
Pour mon ingrat Amant renaîtront avec vous.

Tome I.

B

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