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PREFACE.

3.

OIN de remplirici d'ennuyeuxcomplimens,
Un inutile & long prélude;

Sans crainte, fans inquietude,
Je livre mes amusemens
A la critique la plus rude.
Cette efpece de fermeté

Ne vient point de la vanité

Que m'auroient

pu donner les plus fameux fuffrages: De plus juftes raifons font ma tranquillité.

Du tems qui détruit tout, je crains peu les outrages i Le grand nom de Louis, mêlé dans mes ouvrages Les conduira fans doute à l'immortalité.

Tome I.

A

GE

ELEGI E

'REUX Licidas, ami fage & fidelle, Dont l'efprit eft fi fort, de qui l'ame eft fi belle, Vous, de qui la raifon ne fait plus de faux pas, Ah! qu'il vous eft aifé de dire: N'aimez pás. Quand on connoît l'amour, fes caprices, fes peines, Quand on fçait comme vous, ce que pesent ses chaînes: Sage par les malheurs; on méprife aisément Les douceurs dont il flate un trop credule amant.. Mais quand on n'a pas fait la trifte experience Des jaloufes fureurs, des dépits, de l'abfence; Que pour faire fentir fes redoutables feux, Il ne paroît fuivi que des tis & des jeux : Qu'un cœur refifte mal à fon pouvoir suprême ! Que de foins, que d'efforts pour empêcher qu'il n'aime! Je feai ce qu'il en coûte? & peut-être jamais L'amour n'a contre un cœur émouffé tant de traits: Infenfible au pla!fir, infenfible à la gloire Que promet le fuccés d'une illuftre victoite, Je ne fais point encor tombée en ces erreurs

Qui donnent de vrais maux pour de fauffes douceurs :
Mes fens fur ma raifon n'ont jamais eû d'empire,
Et mon tranquille cœur ne fçait comme on foûpire.
Il l'ignore, Berger; mais ne préfumez pas.
Qu'un tendre engagement fût pour luy fans appas.
Ce cœur que le Ciel fit délicat & fincere,
N'aimerois que trop bien, fi je le laiffois faire.
Mais, grace aux immortels, une heureuse fierté
Sur un fi doux penchant l'a toûjours emporté.
Sans ceffe je me dis qu'une forte tendreffe
Eft malgré tous nos foins l'écueil de la fageffe:
Je fuis tout ce qui plaît, & je sçai m'allarmer
Dés que quelqu'un paroît propre à fe faire aimer.
Comme un fubtil poifon je regarde l'estime,
Et je crains l'amitié bien qu'elle foit fans crime.
Pour fauver ma vertu de tant d'égaremens,
Je ne veux point d'amis qui puiffent être amans;
Quand par mon peu d'appas leur raison eft féduite,
Je cherche leur défaut, j'impose à leur merite
Rien pour les ménager ne me paroît permis,
Et dans tous mes amans je vois mes ennemis.
A l'abri d'une longue & füre indifference,

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Je jouis d'une paix plus douce qu'on ne perfe,
L'efprit libre de foins, & l'ame fans amour
Dans le facré valon je paffe tout le jour :
J'y cuëille avec plaifir cent & cent fleurs nouvelles
Qui braverónt du tems les atteintes cruelles ;
Et pour fuivre un penchant que j'ai reçû des Cieux

Je confacre ces fleurs au plus jeune des Dieux.
Par un jufte retour on dit qu'il fçait répandre
Sur tout ce que j'écris un air galant & tendre.
Il n'ofe aller plus loin, & fur la foy d'autruy
Tantôt je chante pour, & tantôt contre luy :
Heureuse fi les maux dont je feins d'être atteinte
Pour mon timide cœur font toûjours une feinte?

CHANSON.

AH! que je fens d'inquietude!

Que j'ay de mouvemens qui m'étoient inconnus :
Mes tranquilles plaifirs, qu'êtes-vous devenus ?
Je cherche en vain la folitude.

D'où viennent ces chagrins, ces mortelles langueurs ?.
Qu'est-ce qui fait couler mes pleurs

Avec tant d'amertume & tant de violence?

De tout ce que je fais mon cœur n'eft point content.
Helas? cruel Amour, que je méprifois tant
Ces maux ne font-ils point l'effet de ta v2 ogeance?

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