Imágenes de páginas
PDF
EPUB

A ta voix font tombez les nombreux édifices

Où fe nourriffoient fes fureurs :

A ta voix elle rentre en ce gouffre d'horreurs.
Destiné pour punir les vices.

A de fi grands fuccez tout le Ciel applaudit;
De longs gémiffemens l'abîme retentit.

Que d'ames ton fecours dérobe à fes fupplices?
Ah! pour fauver ton peuple, & pour vanger la Foy,
Ce que tu viens de faire eft au dessus de l'homme.
De quelques grands noms qu'on te nomme,
On t'abaisse, il n'est plus d'affez grands noms pour toy;
Mais dans les bras de la victoire

Plains toy de ton bonheur, crains l'excez de ta gloire.
Voy le fort qu'à ton peuple elle va préparer.
Ta main puiffante & fecourable

Tire ce peuple aimé d'une erreur déplorable,
Et par une autre erreur tu le vas égarer ?

Inftruit par cent & cent exemples

Qu'à de moindre mortels on a bâti des Temples,
Contre ta modeftie on oze murmurer.

Quy, fi ta pieté n'y mettoit des obftacles,

Tes jours fertiles en miracles

Nous forceroient à t'adorer.

EPITRE

CHAGRINE

A MADEMOISELLE

DE LA CHARC E.

[d’huy ?

Sept 1685

È bien; quel noir chagrin vous occupeaujourM'eft venu demander avec un fier fourire

Un Jeune Seigneur qu'on peut dire
que luy.
Vous gardez un profond filence,
A-t-il repris, jurant à demi-bas ?

Auli beau que l'Amour, auffi traître

Eft-ce que vous ne daignez pas,

De ce que vous penfez, me faire confidence?
Je n'en fuis pas peut-être affez digne. A ces mots,
Pour joindre un autre fat, il m'a tourné le dos.

Quel difcours pouvois-je luy faire, Moy, qui dans ce même moment Repaffois dans ma tête avec étonnement De la nouvelle Cour la conduite ordinaire ! M'auroit-il jamais pardonné

La peinture vive & fincere

De cent vices aufquels il s'eft abandonné ?
Non, contre moy le dépit, la colere,

Le chagrin, tout auroit agi.

Mais, quoy-que mes difcours euffent pû luy déplaire, Son front n'en auroit point rougi.

Je fçay de fes pareils jusqu'où l'audace monte :
A tout ce qu'il leur plaît ozent ils s'emporter ?
Loin d'en avoir la moindre honte

Eux-mêmes vont en plaisanter.

De leurs déreglemens Hiftoriens fidelles,
Avec un front d'airain ils feront mille fois
Un odieux détail des plus affreux endroits.
On diroit à les voir traiter de bagatelles

Les horreurs les plus criminelles,
Que ce n'eft point pour eux que font faites les Loix ̧
Tant ils ont de mépris pour elles!

1

Avec gens fans merite & du rang le plus bas
Ils font volontiers connoiffance:
Mais auffi quels égards, quelle déference
Voit-on qu'on ait pour eux ? Helas!

Ils font oublier leur naiffance
Quand ils ne s'en fouviennent

pas.

Daignent-ils nous rendre vifite:
Le plus ombrageux des époux
N'en fçauroit devenir jaloux.
Ce n'eft point pour nôtre merite,

Leurs yeux n'en trouvent point en nous : Ce n'eft que pour parler de leur gain, de leur perte, Sedire que d'un vin qui les charmera tous On a fait une heureufe & fùre découverte,

Se montrer quelques Billets doux,

Se dandiner dans une chaife

[ocr errors]

Faire tous leurs trocqs à leur aise,

Et fe donner des rendez-vous.

Si par un pur hazard quelqu'un d'entre eux s'avife
D'avoir des fentimens tendres, refpectueux,
Tout le refte s'en formalife.

Il n'eft pour l'arracher à ce penchant heureux
Affront qu'on ne luy fafle, horreurs qu'on ne luy dif e
Et l'on fait tant qu'enfin il n'oze être amoureux.

Caufer une heure avec des Femmes, Leur présenter la main, parler de leurs attraits, Entre les jeunes gens font des crimes infamés Qu'ils ne fe pardonnent jamais.

Où font ces cœurs galans? où font ces ames fiéres ? Les Nemours, les Montmorencis

Les Belgardes, les Buffys,

Les Guifes, les Baffumpieres?

S'il refte encor quelques foucis Lorfque de l'Achéron on a traversé l'onde, Quelle indignation leur donnent les recits De ce qui fe paffe en ce monde ?

Que n'y peuvent-ils revenir !

Par leurs bons exemples peut-être

On verroit la tendreffe, & le refpect renaître
Que la débauche à sçû bannir,
Mais des deftins impitoyables

Les Arrêts font irrevocables,

Qui paffe l'Achéron ne le repaffe plus :
Rien ne ramenera l'ufage
D'être galant, fidelle, sage,

Les jeunes gens pour jamais font perdus !

A bien confiderer les chofes
On a tort de se plaindre d'eux:
De leurs déréglemens honteux
Nous fommes les uniques causes.

Pourquoy leur permettre d'avoir
Ces impertinens caractéres ?

Que ne les tenons-nous comme faifoient nos meres
Dans le refpect, dans le devoir !
Avoient-elles plus de pouvoir,

Plus de beauté que nous, plus d'efprit, plus d'adresse?
Ah! pouvons-nous penfer au tems de leur jeuneffe?
Et fans honte, & fans defefpoir,
Dans plus d'un réduit agréable,
On voyoit venir tour à tour
Tout ce qu'une fuperbe Cour
Avoit de galant & d'aimable,

« AnteriorContinuar »