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LES

OTSEAUX.

Idylle.

L'Air n'eft plus obfcurci par des brouillards épais.

Les Prez font éclater les couleurs les plus vives,
Et dans leurs humides palais

L'hyver ne retient plus les Nayades captives.
Les bergers accordant leur mufette à leur voix,
D'un pied leger foulent l'herbe naissante :
Les troupeaux ne font plus fous leurs ruftiques toits.
Mille & mille oyseaux à la fois

Ranimant leur voix languiffante,

Réveillent les échos endormis dans ces bois.
Où brilloient les glaçons, on voit naître les rozes:
Quel Dieu chaffe l'horreur qui regnoit dans ces lieux ?
Quel Dieu les embellit? le plus petit des Dieux

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Fait feul tant de métamorphoze, Il fournit au Printems tout ce qu'il a d'apas.

Si l'amour ne s'en mêloit pas,

On verroit périr toutes chofes.
Il est l'ame de l'univers,
Comme il triomphe des hyvers

Qui defolent nos champs par une rude guerre,

D'un cœur indifferent il banit les froideurs.

L'in

L'indifference eft pour les cœurs,
Ce que l'hyver eft pour la terre.

Que nous fervent, helas! de fi douces leçons !
Tous les ans la nature en vain les renouvelle,!
Loin de la croire à peine nous naiffons,
Qu'on nous apprend à combattre contre elle.
Nous aimons mieux par un bizarre choix,
Ingrats, efclaves que nous fommes,
Suivre ce qu'inventa le caprice des hommes,
Qué d'obéïr à nos premieres loix.
Que vôtre fort eft different du nôtre
Petits oyfeaux qui me charmez
Voulez-vous aimer, vous aimez :

Un lieu vous déplaît-il, vous paffez dans un autre ;
On ne connoît chez vous ni vertus, ni défauts :
Vous paroiffez toûjours fous le même plumage,
Et jamais dans les bois on n'a vû les corbeaux
Des Roffignols emprunter le ramage:
Il n'eft de fincere langage,

Il n'eft de liberté que chez les animaux.
L'ufage, le devoir, l'auftere bienséance,
Tout exige de nous des droits dont je me plains ;
Et tout enfin du cœur des perfides humains
Ne laiffe voir que l'apparence.

Contre nos trahifons la nature en courroux,
Ne nous donne plus rien fans peine.

Nous cultivons les vergers, & la plaine,

Tandis, petits oyfeaux, qu'elle fait tout pour vous:

Tome 1.

G

Les filets qu'on vous tend font la feule infortune

Que vous avez à redouter:

Cette crainte nous eft commune.

Sur nôtre liberté chacun veut attenter :

Par des dehors trompeurs on tâche à nous furprendre.
Helas! pauvres petits oyfeaux,

Des rufes du chaffeur fongez à vous défendre!
Vivre dans la contrainte eft le plus grand des maux.

CHANSON.

R Evenez charmante verdure,

Faites regner l'ombrage, & l'amour dans nos bois :
A quoy s'amufe la nature,

Tout eft encor glacé dans le plus beau des mois?
Si je viens vous preffer de couvrir ce Bocage,
Ce n'est que pour cacher aux regards des jaloux
Les pleurs que je répans pour un Berger volage.
Ah je n'auray jamais d'autre befoin de vous ?

REFLEXIONS DIVERSES.

I.

Q

[ hende,

Ue l'homme connoît peu la mort qu'il appre- 1686.
Quand il dit qu'elle le furprend !

Elle naît avec luy: fans cefle luy demande

Un tribut dont en vain fon orgueil se défend.

Il commence à mourir long-tems avant qu'il meure:
Il périt en détail imperceptiblement.

Le nom de mort qu'on donne à nôtre derniere heure
N'en eft que l'accompliffement.

II.

Eftres inanimez, rebut de la nature,
Ah! que vous faites d'envieux!
Le tems loin de vous faire injure

Ne vous rends que plus précieux.

On cherche avec ardeur une Médaille antique :
D'un Buste, d'un Tableau le tems hauffe le prix,
Le voyageur s'arrête à voir l'affreux débris

[ fique,

D'un Cirque, d'un Tombeau, d'un Temple magni-
Et pour nôtre vieilleffe on n'a que du mépris !

III.

De ce fublime esprit dont ton orgueil fe pique,
Homme, quel ufage fais-tu ?

Des plantes, des métaux, tu connois la vertu,
Des differens païs les mœurs, la politique,
La caufe des frimats, de la foudre, du vent,
Des Aftres le pouvoir fuprême :
Et fur tant de choses fçavant

Tu ne te connois pas toy-même !

IV.

La pauvreté fait peur, mais elle a fes plaifirs.
Je fçai bien qu'elle éloigne auffi-tôt qu'elle arrive,
La volupté, l'éclat, & cette foule oifive
Dont les jeux, les feftins rempliffent les defirs.
Cependant, quoy-qu'elle ait de honteux & de rude
Pour ceux qu'à des revers la fortune a foumis,
Au moins dans leurs malheurs ont-ils la certitude
De n'avoir que de vrais amis.

V.

Pourquoy s'applaudir d'être belle ?

Quelle erreur fait comter la beauté pour un bien?

A l'examiner il n'eft rien Qui caufe tant de chagrin qu'elle. Je fçay que fur les cœurs fes droits font absolus, Que tant qu'on eft belle ont fait naître Des defirs, des transports, & des soins affidus : Mais on a peu de tems à l'être,

Et long-tems à ne l'être plus.

VI.

Miferable jouet de l'aveugle fortune,
Victime des maux & des loix,

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