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Notre-Da

Les religieufes garderent fi bien les reliques de S. Cref pin, qu'elles n'ont jamais voulu les rendre, & tous les ans lorfque les religieux de S. Crefpin portent en proceffion la chaffe du Saint à la cathedrale, ils vont la prendre à Notre-Dame, & les magiftrats s'engagent pardevant Notaires de la faire rapporter après la proceffion.

Nous voilà infenfiblement tombé fur l'abbaye de Notre-Dame, la troifiéme de l'ordre de S. Benoift & la plus illuftre de toutes celles qui font aujourd'hui à Soiffons. Elle doit fon origine à Lentrude, femme du fameux Ebroin maire du palais, qui la dota fi richement, qu'il fe trouve peu d'abbaye de filles, qu'on puiffe lui comparer. On y comtoit autrefois jufqu'à trois cens religieufes, & quarante reclufes, fans parler des religieux destinez pour leur adminiftrer les facremens, & avoir foin de leurs affaires, dont la communauté a été changée en un chapitre de chanoines. Etherie qui en a été la premiere abbeffe fut tirée de l'abbaye de Joüare, elle a été fuivie d'un trèsgrand nombre de princeffes, qui l'ont gouvernée. Les plus illuftres ont été Gizele fille du roi Pepin, que l'empereur Conftantin avoit demandé à ce prince pour être l'époufe de fon fils; Theodrade four de S. Adalard & coufine germaine de l'empereur Charlemagne, Rotilde fille de l'empereur Charles le Chauve, Mathilde fille de Raimond comte de Toulouse & de Conftance fille de Louis le Gros roi de France, Catherine de Bourbon, fans parler des da. mes de Lorraine. Aujourd'hui elle a pour abbeffe madame Catherine-Marguerite de Fiefque, dont l'illuftre maifon eft fi connue, qu'il n'eft pas neceffaire que je m'étende fur fes ancêtres. Pour en donner l'idée qu'elle merite, il fuffit de dire que la maifon de Fiefque a donné à l'eglife deux fouverains pontifes, Innocent I V. & Adrien V. foixantequatre cardinaux, & plus de quatre cens tant archevêques qu'evêques. Que fainte Catherine de Gennes en eft fortie auffi-bien que Boniface & Thomafe de Fiefque, qui par leur vie fainte & miraculeufe ont merité d'être beatifiez par le S. Siege.

Comme l'abbaye de Notre-Dame eft ancienne & illuf.

tre, nous étions bien aife d'y voir tout ce qui pouvoit fervir à notre inftruction, madame l'abbeffe nous reçut avec cette bonté, qui eft naturelle aux perfonnes de fa naiffance. Elle nous fit tout ouvrir & une dame religieufe d'un merite diftingué nous accompagna par tout. Nous y vîmes un très-beau cartulaire, où il y a des titrès très-anciens & en grand nombre, & je doute fort qu'il y ait aucune abbaye de filles en France, qui en ait. tant. Nous y vîmes auffi des manufcrits très-beaux, entr'autres les livres de la cité de Dieu de S. Auguftin écrits en lettres Lombardes il y a huit ou neuf cens ans, les vies des anciens peres du defert, la vie de S. Drausin evêque de Soiffons, celle de S. Voué, & plufieurs livres de prieres. L'appartement de l'abbeffe eft magnifique, tous les lieux reguliers repondent à la grandeur de la maison. Le cloître eft un des plus beaux que j'aye vû dans les monafteres de religieufes, le refectoire eft grand & vouté. L'eglife eft la plus ancienne de toutes celles qui font aujourd'hui dans la ville, fur tout le fanctuaire. On y voit à l'entrée les tombeaux de faint Draufin evêque de Soiffons & de saint Voué, qui n'ont rien de cette magnificence, qui attire l'admiration des étrangers; mais qui ont affez pour s'attirer la veneration des peuples. L'autel qui eft tout de marbre peut paffer peut paffer pour un des plus beaux qu'on puisse voir. Je ne dis rien du choeur des dames, qui eft orné de grands tableaux qui reprefentent la vie de la Vierge, peints par les plus habiles maîtres de Paris. C'est l'ouvrage de la pieté de madame l'abbeffe de Fiefque. Les chaffes de S. Draufin, de S. Voüé, & de faute Sigrade mere de faint Leger evêque d'Autun & martyr au-deffus des grilles du choeur. Le threfor de l'eglife eft très-riche. Car fans parler de la chaffe de S. Crefpin qui eft toute d'argent. Le reliquaire qui contient une portion confiderable du bois de la croix du Sauveur, ne fe peut affez eftimer, le grand texte des evangiles orné d'une infinité de pierres précieuses, eft d'une magnificence achevée. Je ne dis rien des autres reliques, que Nivelon evêque de Soiffons, qui avoit fa niece abbeffe de Notre-Da.

font

me, rapporta de Conftantinople. Je me contenterai d'écrire ici ce qu'on en lit dans le Necrologe du monaftere. Idus Septembris obiit Dominus Nivelo epifcopus Suellionenfis, qui dedit ecclefiæ noftræ in reverfione peregrinationis fuc civitate Conftantinopolitana, Zonam B. Mariæ Virginis: cum vafe, & imagine ipfius, & de camifia ejufdem, caput B. Juda cum vafe, brachium S. Euftathii marıyris, de fafcia qua involutus fuit puer JESUS, de Sandalie Domini, de Sindone munda, de ligno vivifica crucis in duobus locis cum duobus vafis, de S. Clemente, de lecto B. Virginis, de capillis S. Georgii, de S. Pantaleone, de S. Bafilio, de pellicio S. Helia, de Spongia Domini, & de Spinea corona, de vesti mento purpureo. Pro quo in die fui obitus abbatiffa Helvidis af fenfu capituli fui de acquifitionibus fuis de CHARLI, & de aliis locis ad procurandum in granario frumentum accipi conftituit, & in cellario vinum optimum, & pro beneficiis quæ contulit noftræ ecclefiæ,conventus concefit fibi unam præbendam unius monialis in hofpitali noftræ ecclefiæ. Quod ne quis diminuat vel auferat, pleno capitulo fub excommunicationis interdicto prohibitum eft. Outre les reliques dont il eft fait ici mention, nous vî • mes encore dans le threfor les heures de faint Pierre de Luxembourg & fon chapelet, dont les grains font fort gros. Il y a quelques années que le tonnerre étant tombé à Notre-Dame, il y fit un terrible fracas, parmi tous fes effets on nous fit remarquer qu'il avoit effacé de l'Epitaphe d'une abbeffe qui commençoit ainfi : Cy gift très-haute & très-puiflante Princeße, &c. ces mots Trés-haute & trèspuiffante Princeße. Cela s'eft fait par un effet naturel, mais Dieu qui fe fert tous les jours des effets de la nature, pour nous donner des inftructions, nous fait en cette rencontre une belle leçon, qui nous apprend qu'en religion il n'y a plus de grandeur & de puiflance, que celle qu'on s'acquiert par de grandes vertus. La profeffion monaftique eft un holocaufte qu'on offre à Dieu, & dont la victi me par confequent doit être entierement détruite. Carloman prince François étoit dans ce fentiment, lorfqu'après avoir abandonné la couronne de France à fon frere Pepin, il fe retira au Mont-Caffin, où il fit un fi grand facrifice de toutes fes grandeurs, qu'il y vêcut affez long

tems inconnu, & y exerçoit les plus vils emplois de la cuifine.

Avant que de fortir de Notre-Dame je romarquerai ici, que parmi les perfonnes illuftres dont il eft parlé dans le Necrologe; voici ce qu'on y lit de Conftance foeur de Louis le Jeune Roi de France. 111. nonas Februarii obiit Conftantia, regali progenie orta, mater venerabi. lis Mathildis abbatiffa, pro qua fingulis annis recipimus decem modios frumenti, & xx. folidos, in cujus anniverfario abbatiffa Mathildis filia ejus, conftituit nobis dari fplendidum gene. rale, & liba, & optimum vinum. Ce qui me fait croire que Conftance s'étoit retirée à Notre-Dame de Soiffons auprès de fa fille. Car cette chafte Princeffe ne pouvant fuporter les grands debordemens de Raimond comte de Toulouse fon mari, le quitta & fe retira dans un cloître, comme nous apprenons d'une très - belle lettre qu'Alexandre III. écrivit à Louis le Jeune fon Frere, pour l'exhorter à lui perfuader de retourner avec fon mari, ce qu'aucun hiftorien du Languedoc n'a encore remarqué. Or il eft affez probable, que le cloître qu'elle choisit pour le lieu de fa retraite, fut Notre-Dame de Soiffons, afin d'avoir la confolation d'être auprès de fa fille..

Une autre chofe que j'ai a remarquer ici, c'eft que le fameux Pafchafe Radbert abbé de Corbie, qui étoit de basse naissance, avoit été élevé à Notre-Dame de Soiffons, & y avoit puifé les principes de ces grandes vertus qui l'ont rendu digne d'être mis au nombre des Saints. On fçait qu'il n'a pas été feulement Saint, mais auffi trèsfçavant, qu'il eft le premier qui a écrit fur le Saint Sacrement, & qui nous a donné des armes pour combattre les heretiques, qui ont ofé depuis combattre la réalité du Corps & du Sang du Sauveur dans l'Euchariftie. Le Pere Sirmond Jefuite nous a donné un volume entier de fes ouvrages, le Pere Dacheri a imprimé fon livre de la Virginité qu'il dedia à l'abbeffe & aux religieufes de Notre-Dame. J'ajoûterai à cela que lorfque Louis le Debonnaire fonda l'abbaye de Corbie en Saxe, il fonda aussi celle d'Herivord, où il mit des religieufes de Notre-Dame de Soiffons.

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L'abbaye de S. Jean desVignes la principale des trois abbayes de chanoines reguliers qui font à Soiffons a été fon. déc par Hugues feigneur de Château-Thiery l'an 1076. fur une petite élevation qui étoit autref is environnée de vignes. Quoiqu'elle foit fort recommandable par fa gran. deur, elle l'eft encore davantage par fa regularité. Car on dit qu'elle n'a pas encore eu befoin d'être reformée. Les religieux fe levent à minuit, ils font l'office avec beaucoup de majesté, ils vivent dans une fi grande retraite, que lorfqu'ils font quelque vifite en ville chez leur parens ou chez leurs amis, ils doivent toûjours être revenus à l'office, ils gardent un filence exact depuis les vêpres, ou du moins depuis complies jufqu'au lendemain après primes, dans les jeûnes de l'avent & du carême ils ne mangent qu'un morceau de pain à la collation, encore le carême faut-il le demander, car lorfqu'ils font affemblez au refectoire, un religieux s'avance au milieu du refectoire, & fe tournant du côté du prieur, il lui dit Placet detur panis, & il repond Placet. Tous les lieux reguliers fe reffentent de la grandeur de la maison, c'est-à-dire qu'ils font beaux. L'eglife eft grande, élevée, bien percée & très-bien decorée. Il y a fur tout une cuivrerie qui fe fait admirer, les deux fleches de pier res font très-belles, & fe font voir de loin, la fonnerie eft: excellente. La bibliotheque eft affez bonne, tous les li vres y font enchaînez felon l'ancien usage, car l'abbaye. de S. Jean des Vignes a toûjours été fortattachée à fes premieres pratiques. On y voit encore quelques manus crits, que l'injure des tems n'a pas diffipé. Les principaux font une bible avec des concordances, un grand & trèsbeau manufcrit des lettres de S. Jerôme. Les morales de S. Gragoire, &c..

Les deux autres abbayes de Chanoines reguliers, font S. Leger, où il y a un abbé regulier, & S. Crefpin en Chaie. Elles font toutes deux de la congregation Gallicane, qui en les reformant leur a rendu leur premier luftre. Il y a encore hors de la ville une communauté de chanoineffes regulieres dans le monaftere de S. Paul. Elles avoient fait autrefois un échange de leur maison avec les chanoines re

guliers

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