milieu, & foutenu par une colonne de cuivre. L'aigle où l'on chante l'evangile dans le fanctuaire eft auffi de cuivre, il eft un peu elevé, & on monte par trois degrez dans une espece de petite tribune, lorfqu'on y chante l'evangile. Le candelabre de cuivre qui eft à l'entrée du fanctuaire', foit pour fa grandeur foit pour fon travail, ne cede gueres au beau candelabre de S. Remy de Reims, contre fequel S. Bernard a autrefois declamé. Le tombeau de S. Rictrude eft hors du chœur, & orné d'une très-belle cuivrerie, avec ces deux vers.

Hic eft, quo jacuit totum veneranda per orbem
Riftrudis, virtutis iter, pietatis imago.

Les reliques de la Sainte font confervées dans le trefor. auffi bien que celles de fainte Eufebie. Elles font renfermées dans deux riches chaffes d'argent, ornées d'agathes & de plufieurs autres pierres precieufes, ouvrage incomparable de Jacques Coëne abbé regulier de Marchienne, qui affifta au concile de Trente, & qu'on regarde avec justice comme le restaurateur du monaftere, puifque tout ce qu'il y a de grand & de beau vient de lui, eglife, ornemens, argenterie, cuivrerie, cloître, edifices, tout eft de lui. C'eft ce que nous apprenons de ces vers qui font à la chapelle de S. Etienne, où il eft enterré.

Multa licet fatum rapiat, non omnia tollit.

Virtus non moritur, nec benefalta cadunt.
Hic cujus præclara vides monumenta viator,

Adem inftauratam, cœnobiumque nitens,
Munere perfunctus vitæ, pietate, fideque
Vivit, & eximia laude beatus erit.
Felix cui bene capta datum eft perfecta videre,
Queis tabulæ eximia fulva coronis erunt !

Voici fon epitaphe qui eft dans la même chapelle.

REVERENDI IN CHRISTO PATRIS DD. JACOBI COENE ABBATIS EPITAPHIU M.

Coënius hic recubat Brugenfi Jacobus ab urbe,
Conditione abbas, religione pius,
Confpicuus vita, celeber fludio ædificandi.
Obvia teftantur tot monumenta fatis.

Luftra oito & menfes bis quinque expleverat abbas,
Sic captum hic finit, rite coronat opus.

EJUSDEM AD MONACHOS.

Difcite commonachi, noftro exantlare labores
Exemplo, cœptam currere rite viam.
Difcite & hic faciles, quando nec ferrea nobis
Fata pepercerunt, folvere lege pari

Obiit XIV. calendas Novembris anno MDLII..

Le cloître repond à la magnificence de l'eglife. Il eft vouté & vitré. La voute eft dorée, & les vitres font peintes. Ces peintures nous reprefentent la vie de notre Sei. gneur, digne objet de la meditation des religieux, qui autrefois paffoient une bonne partie de la journée dans le cloître.

Les religieux de Marchienne difent tous les jours les litanies avant la grand-meffe, ancien ufage de l'ordre, qu'ils ont retenus. Les dimanches ils chantent trois grandes meffes, avant la troifiéme on fait la proceffion, à laquelle le diacre & le foudiacre portent des textes, après la proceffion le celebrant chante les litanies. Il fe fied à la meffe durant le gloria in excelfis, l'epitre, le graduel & le credo. Pendant que le diacre chante l'evangile à l'aigle, le celebrant accompagné du foudiacre le recite tout bas à l'autel. C'eft le diacre qui encense l'autel à l'offertoire, il encenfe auffi l'autel matutinal & le chœur le chantre & le grand prieur en particulier & les religieux en general

de

pas

de quatre coups d'encens chaque côté. Je ne dois omettre ici qu'entre les raretez qui font dans le trefor, on y conferve une très-belle croix donée par S. Thomas de Cantorbie, où il y a plufieurs pierres precieuses, & entr'autres une agathé d'une groffeur prodigieufe, la chafu. ble du Saint, & un oftenfoir de cristal en forme de croix pour expofer le faint Sacrement. Voici encore une chose finguliere que nous vîmes à Marchienne, & dont je n'ai jamais entendu parler. C'eft un bœuf familier, qui quittoit fon troupeau & venoit trouver celui qui l'appelloit.

Comme nous étions près de l'abbaye de Hafnon, nous Hafnon fumes bien aife d'aller voir monfieur l'abbé, que nous refpectons beaucoup, comme un homme qui fait honeur à l'ordre, & qu'on doit regarder comme le reftaurateur de fa maifon, puifque l'ayant trouvée prefque toute ruinée, il l'a fi bien retablie & pour le fpirituel & pour le temporel, qu'il l'a rendue une des meilleures abbayes du pays, & la pofterité s'étonnera qu'un feul homme ait pu faire tant de bien à fon monaftere. Lorfque nous arrivâmes chez lui, il venoit encore de mettre en fond fix milles forins pour l'entretien de la bibliotheque. Pour rendre ce fond plus folide, il avoit fait paffer l'affaire en chapitre du confentement de toute fa communauté, & il devoit encore le faire confirmer par monfieur l'evêque d'Arras. Nous croyions n'être à Hafnon qu'une heure ou deux, mais le bon abbé nous retint le refte de la journée. Nous vîmes cependant la bibliotheque, où nous trouvâmes des manufcrits que nous n'avions pas vû la premiere fois. Entre autres un très-beau texte des evangiles, dont tous les com-mencemens de chaque evangile font écrits en caracteres d'or ou d'argent, un manufcrit des lettres de S. Auguftin, un de S. Gregoire, la chronique de Sigebert & quelques. autres plus recens dont je rapporterai ici les titres. Henricus de Pyro cognomenio Brunonis legum doctor, quondam S. Pauli Leodienfis canonicus, poftea ad ordinem Carthu fienfem converfus, de Efu & abftinentia carnium, Bartholomeo facra Theologia profeffori Carthufienfi in Rüremonda.

N

Prior Hafnonienfis de Efu carnium 1493.

Modus vivendi in ordine S. Benedikti ante Johannem RaDE facre theologia bacalaureum, & in jure canonico licentiatum abbatem, S. Matthie Trevirenfis. De Simonia in receptione monachorum auctore eodem priore.

Tractatus de abftinentia carnium allatus de Colonia àmo. nafterio S. Martini Colonienfis ordinis S. Benediti.

Tractatus contra multiplicationem divinorum officiorum in ordine S. Benedicti, à priore Hafnonienfi editus. Item tractatus, quod extra obfervantiam non eft falus.

Tractatus Johannis Trithemii de ftatu & ruina ordinis S. Benedicti. A la fin de ce traité on lit ces mots. Lectus fuit præfens tractatus in capitulo provinciali ordinis S. Benedicti provincia Moguntina, in Hirfaugia celebrato, ad menfam, anno Domini MCCCC. XCIII. Dominica Jubilate, & fequen tibus diebus ufque ad finem. Omnibus autem abbatibus inibi adu. natis volentibus & confentientibus, ftatutum fuit ut imprimeretur, & in futuris capitulis provincialibus ad menfam publice legeretur, ut patet in ftatutis.

Collatio de republica ecclefiæ & monachorum ordinis divi Benedicti, habita Colonia per R. P.D. Johannem abbatem Spanheimenfem idibus Septembris MCCCCXCIII.

Ejufdem Trithemii liber de cura paftorali.

Tractatus novus fuper reformatione ordinis monaftici, auctore Michaele Bureau. A la tête de ce traité il y a une lettre addreffée à l'auteur avec ce titre.

Colendilimo magiftro noftro Michaeli Bureau, facrarum lită terarum interpreti doftissimo, Julianus Guimonus unus ex fratribus Majoris monafteri, S. P. D.

Nous partîmes le lendemain de grand matin pour nous s. Amand. rendre à S. Amand, tant pour nous édifier, que pour revoir les manuscrits que nous avions déja vû autrefois. Je ne repeterai pas ici ce que nous avons dit de cette illuftre abbaye dans notre premier voyage litteraire, il fuffit en un mot de dire qu'elle paffe pour la plus reguliere des Pays-bas. La bibliotheque étoit autrefois excellente en manufcrits. Les religieux fe plaignent d'une perfonne d'autorité, qui en a enlevé une bonne partie des meilleurs. Il en refte pourtant encore un bon nombre, qui font fort precieux. La plupart contiennent des ouvrages des Peres de l'eglife, & plufieurs anciens Grammairiens. Outre ceux-là nous y vîmes des anciennes glofes fur la regle de S. Benoit écri tes il y a plus de huit cens ans, l'Emine y eft expliquée en cette forte: Emina appendit libram unam que geminata facit Sextarium. Ainfi felon l'auteur de cette glofe, qui par fon antiquité merite quelque autorité, l'Emine de S. Benoist étoit une mefure qui contenoit une livre, c'està-dire seize onces de vin, ce qui approche fort du fentiment du P. Mabillon, qui lui en donne dix-huit. Voici auffi ce que ces mêmes glofes difent fur le mot de caliga. Caliga vel à calo pedum dite, vel quia ligantur. Nam focci non ligantur, fed tantum intromittuntur. Calo enim vocatur lignum, fine quo confui calceamente non poffunt. Parmi les livres de Théologie, nous vêmes les commentaires de Gil. bert de la Porrée evêque de Poitier fur les livres de la Trinité de Boëce. Son portrait eft à la tête avec cette inf cription. Magifter Gillebertus Piitavenfis epifcopus altiora Theologica Philofophiæ fecreta,diligentibus, attentis, & pulfantibus referans difcipulis quatuor, quorum nomina fubfcripta funt quia digni funt. Au- deffous de ce portrait on voit celui de trois de fes difciples, celui du quatriéme eft dans la lettre initiale. Au-deffous de ces trois portraits on lit cette inf cription. Jordanus Fantasma, Ivo Carnotenfis decanus, Johannes Belet. Hitres & ille quartus intenfiore ftudio attenti, mentis acie perfpicaciffimi, & fola veritatis fpecie coalti, fub Pictavenst epifcopo viguerunt difcipuli, quorum anima requiefcant in pace. L'infcription de celui qui eft representé dans la lettre ini