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nue. Ainfi on ne doit point prendre à la lettre les traits que leur adresse l'Avocat du Comte entraîné par l'obligation de défendre fa caufe.

Le Marquis de Saint Maixant n'avoit pas furvécu long-tems à la Marquife de Bouillé. Ils avoient renoncé à fe marier, quoique la Marquife fût devenue veuve. Ainfi les deux principaux Acteurs de la Tragédie étoient échapés à la Justice, dans le tems que Les regards pénétrans cherchoient les auteurs du crime. Dieu vouloit se réferver à lui feul la punition de leurs

crimes.

La Ducheffe de Ventadour, & la Comteffe du Lude raffurerent la SageFemme. On tint confeil: on résolut que les Accufés appelleroient des procédures criminelles; que la Pigoreau prendroit la voie de la Requête civile contre les Arrêts qui decrétoient & qui ordonnoient la confrontation des témoins; qu'ils feroient Appellans comme d'abus de l'obtention & publication des Monitoires, & interjetteroient appel de la Sentence du premier Juge qui avoit condamné la Matrone à une peine capitale; & que, pour faire une grande diverfion, la

Pigoreau attaqueroit la maternité de la Comteffe, en réclamant l'enfant en. qualité de mere; & que les Dames foutiendroient que l'accouchement de la Comteffe étoit une impofture qu'elle mettoit en oeuvre pour fe fuppofer un enfant. Pour mieux exécuter leur deffein, elles feignirent de n'être pas d'intelligence avec la Pigoreau.

la

On a raifon de dire que le Procès qu'Henri IV. appelloit la guerre de l'écritoire, eft une vraie image de la guerre. On y a recours à des ftratagêmes, on y cache fa marche, on y temporife, & on élude la décifion. Si l'ambition fe fignale à la guerre, cupidité fe fignale au Palais : ces deux paffions combattent avec la même vivacité, le même acharnement. La dif férence entte les victoires qu'on gagne à la guerre, & celles qu'on gagne au Palais, c'eft que les premieres augmentent la fortune des conquérans, & les dernieres ruinent les vainqueurs.

La Sage-Femme mourut avant que ces incidens fuffent jugés: fon crime l'accompagna dans le tombeau. Après fa mort, Guillemin fon fils avoua qu'elle lui avoit fouvent dit que la Comtef Le étoit accouchée d'un fils que Bau

lieu avoit enlevé, & que celui qui avoit été remis à Baulieu à l'Hôtel de Saint Géran, étoit le même qui avoit été fouftrait. Ce Témoin ajoûta qu'il· avoit caché cette vérité pendant la vie de fa mere, & qu'il la révéloit à préfent qu'elle ne pouvoit plus lui nuire. Il avoua auffi que les Dames de Ventadour & du Lude avoient aidé fa mere de fecours d'argent, & des lumieres de leur confeil.

La demande des Accufés, & l'intervention des Dames de Ventadour & du Lude, furent difcutées dans fept Audiences, les trois Chambres affemblées.

La Pigoreau qui réclamoit le jeune Comte comme fon enfant parla la premiere. On vit alors renouveller la Caufe de deux meres qui fe difputent un enfant; Caufe qui fut jugée par Salomon, Caufe fi propre à faire briller l'éloquence des Avocats.

Plaidoyer

pour la Pi

Me Pouffet de Montauban parla pour la Pigoreau, fuivant le goût de ce temslà, il hériffa fon plaidoyer de traits de goreau, faufl'Hiftoire, de la Fable, de paffages le mere. d'Auteurs profanes. Je ne rappellerai que ceux qui femblent être faits exprès pour le fujet. Il dit en entrant dans sa

matiere: c'est un fils qui trouve deux meres, en cela bien plus heureux que ces enfans infortunés qui n'en trouvent point, parceque le crime la leur cache. Ce font deux meres dont l'une a trouvé fon fils, l'autre le cherche: la véritable mere le voit, le demande; & on le lui refufe: la fauffe mere pense le voir, mais elle n'embraffe qu'une idole, qui eft l'ouvrage ou de fon cri me ou de fon erreur: ou elle trompe ou elle eft trompée. Ma Partielui demande fon fils, le fruit de sa couche, le gage de fon amour. La Comteffe de Saint Géran lui fait la même demande ou de fon fils, ou de fon fantôme.

Il dit enfuite que la Pigoreau a accouché non pas par miracle, non point par magie; mais naturellemeut. Il fait · une peinture fort naturelle & fort touchante, lorfqu'il parle de la joie d'une mere après les douleurs de l'enfantement: elle a, dit-il, le plaifir d'être regardée par les yeux de l'enfant aufquels elle a donné le jour.

Il fait enfuite l'hiftoire d'Henri de Baulieu enfant poftume né le 30 Juin 1639. Il applique au jeune Comte la naiffance de cet Henri, fon baptême, le parrein & la marreine qu'il a eus; fuivant

fuivant cette idée, c'est Henri de Baulieu qui a été remis au Maître d'Hôtel, qui a été élevé à l'Hôtel de Saint Geran, qui a été Page du Comte; c'est celui que la Comteffe abufée veut faire paffer pour fon fils. Il traite de fable toute l'hiftoire que les témoins ont dépofée, où ils atteftent l'enlevement de l'enfant, & toutes les circonstances qui ont fuivi.

En parlant du baptême où le Foffoyeur de l'Eglife fut parrein de l'enfant, il dit avec efprit: c'est un mauvais préfage à un enfant d'avoir pour parrein celui qui enterre les morts, de prendre un nom d'une main funefte, d'être dans cette cérémonie qui fuit de près la naiffance, entre les bras de celui qui creufe les tombeaux. Il déclare que fa Partie ne prend aucun intérêt dans la deftinée de la Sage-Femme; qu'elle confent qu'on lui faffe fon procès, pourvû qu'on ne la comprenne pas dans l'inftruction. Il raconte enfuite la procédure que le Comte a faite.

Il vient à la voie de la Requête civile que la Pigoreau a embrassée contre le decret prononcé contre elle. Son grand moyen eft que, fi le detret fubfiftoit, on foumettroit la vérité Tome I.

L

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