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doute on

Dans le Après tant de raisons convaincandoit prendre tes, la Cour n'étoit elle pas obligée le parti qui de reconnoître l'Accufé pour Martin mariage, & Guerre, quifque dans le doute même

favorife le

l'état de

l'enfant.

elle devoit prendre ce parti qui favorifoit le Mariage, & l'état de l'enfant qui en étoit iffu? Suivant la Loi Civile, (a) & les Interpretes, quand on ne confidéreroit que l'Accufé, on fe détermineroit toujours à ce jugement; parcequ'il vaut mieux dans le doute s'expofer à laiffer un coupable impuni qu'à perdre un innocent.

Il ne fert de rien d'alleguer, que fi l'Accufé a plufieurs Témoins qui dépofent en la faveur, il y en a encore un plus grand nombre qui dépofent contre lui; parceque les dépofitions de ceux qui fe déclarent pour lui doivent prévaloir, étant plus vraifemblables, & étant en faveur du mariage & de l'état des enfans. C'est une regle conftante, qu'on ajoûte plus de foi à deux Témoins qui affirment qu'à mille Témoins qui nient. Atiftote,dans fon troifieme Livre de Métaphyfique, en rapporte la raison. Celui, dit-il, qui affirme a une raifon de créance plus certaine que celui qui nie. Il faut (a) C. in fine, de re judicata.

ajoûter que ce qui fait prévaloir une affirmation, c'est qu'elle eft précife & circonftanciée; au lieu qu'une dénégation eft vague & indéfinie. (a)

A l'égard du témoignage de Carbon Barreau & des autres,qui ont rapporté des faits particuliers & Ipécieux,ils ont été valablement reprochés, & les ob

(a) Voici ce que j'ai dit pour établir cette maxime dans un Proces où j'ai écrit. La preuve d'une négative vague est impoffible. La Loi dit per rerum naz turam factum negantis probatio nulla. L. Actor. C. de probationibus; Et Perefius fur la même loi,expliquang ce que veut dire per rerum naturam dit que cela fignifie ¡atione naturali, par la raison naturelle cite Ariftote, qui dit qu'il n'y a nulle caufe d'une négation , nulla negationis fubeft caufa, nulla directa probatio. Pour pouvoir prouver une négative, il la faut reftraindre à des circonstances de tems & de lien, ou lui fubftituer une affirmative équivalente;comme fi quelqu'un dit: ce jour-là je ne fus pas en un tel endroit, parceque je fus ailleurs: eodem die in eo loca non fuiffe: Voilà la négative restrainte à des circon ftances, je fus ailleurs, alibi, voilà l'affirmative. Malcardus, qui nous a donné un Traité immenfe fur les preuves, dit conformément à la loi, negativem per rerum natustam esse improbabilem. Con, 1092. n. 5. Perezius dit qu'on n'excepte que la négative de droit & de qualité; la négative de droit: je nie qu'un a&te foit valide, qu'ane' perfonne ait droit fur un certain bien; la negative de qualité je nie qu'un tel foir héritier, qu'un tel fonds foit en roture ou en fief. Mafcardus dit dans la même Conclufion, au nombre 7. qu'un témoin qui fait me dépofition régative eft fafpect de faux, & qu'on ne doit point lui ajoûter foi Teftem deponentem fuper negativa effe fufpectum de falfo, illique fi dem effe non adhibendam. La raifon elle-même nous ait voir qu'une propofition vague & indéfinie, telle qu'une négative qui n'eft reftrainte par aucune cir. constance,ne peut porter aucune lumiere dans l'efprito

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jets (a) bien prouvés. Le langage du foldat qu'on rapporte n'eft d'aucune confidération, puifqu'il n'a point été ouï: ce n'eft donc qu'un oui-dire qui ne fait aucune foi en juftice.

Quant aux fignalemens de Martin Guerre qu'on oppofe, ils fe trouvent dans l'Accufé, fi on excepte fa groffeur qu'on dénie à Martin Guerre, & la hauteur de la taille qu'on attribue à celui-ci. Il n'eft pas étrange que Martin Guerre, qui étoit grêle & menu fi l'on veut, étant extrêmement jeune; après une fi longue abfence paroiffe plus gros & plus fourni. Combien d'exemples pareils pourroit-on citer? Un homme qui devient gros femble aux yeux être devenu plus petit. La diffemblance deSanxiGuerre avec l'Ac cufé ne prouve rien. Combien de fils qui n'ont aucun rapport avec leur pere? Sa reffemblance avec les foeurs eft d'un plus grand poids, puifque c'eft une reffemblance de perfonnes à peu près. de même âge, parvenues dans un état où la nature ne fait plus de change

ment..

On ne doit faire aucun fonds fur ce

(a) On appelle au Parlement de Touloufe & de Provence les reproches contre les Témoins des objets.

qu'on allegue, que l'accufé ne parle point le Bafque, qui eft le langage du lieu de fa naiffance. N'apprend-t'on pas par les Enquêtes qui ont été faites, que Martin Guerre eft forti de fon pays à l'âge de deux ans, ou environ?

Le caractere de libertin & de débauché qu'on donne à Arnaud du Tilh n'eft pas un argument contre l'Accufé, puifqu'on démontre qu'il eft Martin Guerre. On ne l'a point accufé de débauche, ni de libertinage, dans les trois ou quatre années qu'il a vécu avec Bertrande de Rols. Ces plaidoyers pour & contre font ceux que fit Monfieur Coras pour éclaircir la vérité, lorfqu'il rapporta le Pro cès, fi on excepte le ftile, & la maniere de rendre les Moyens. Voici ce qu'il repliqua contre l'Accufé.

Repliqu

Guerre

Les Témoins qui dépofent contre lui contre le nient en affirmant; puifqu'en difant faux Martia qu'il n'eft pas Martin Guerre, ils affirment qu'il eft Arnaud du Tilh. Ainfi la regle n'a ici aucune application. D'ailleurs une dénégation qui eft reftrainte par les circonftances du tems, du lieu & des perfonnes, ceffe d'être vague, & elle a autant de force qu'une affirmationer B vj,

A l'égard des marques & cicatrices qu'on voit dans l'Accufé, & qu'on a reconnues dans Martin Guerre, ce fait n'eft point prouvé par plufieurs Témoins qui s'accordent; mais chaque marque a un Témoin fingulier qui affure l'avoir vûe dans Martin Guerre. C'eft une regle,que mille Témoins finguliers ne font aucune preuve : on excepte l'ufure, la concuffion. Quant aux foubredents & aux traits & linéamens du vifage, qu'on dit être les mêmes dans Martin Guerre que dans l'accufé ; combien l'Hiftoire cite-t'elle de ces fortes de reffemblances? Sura, étant Proconful en Sicile, y rencontra un pauvre Pêcheur qui avoit précisément les mêmes traits de vifage, & la même taille en groffeur & grandeur que lui: les mêmes geftes que Sura avoit accou tumé de faire étoient familiers à ce Pêcheur : il avoit la même contenance, & ouvroit comme lui d'une façon particuliere la bouche en riant, & en parlant. Ils étoient tous deux begues: ce qui donna lieu à Sura de dire qu'il étoit furpris d'une fi parfaite reffemblance, puifque fon pere n'avoit ja m is téen Sicile. Que votre furprise ceffe › lui dit le Pêcheur ma mere a été

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