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fe retirant elle vit approcher l'Abbé Gagnard, qui ne la reconnut pas, & qui parut fort embarraffé.

Quand on interrogea Beleftre fur ce partage, il répondit que c'étoit une fociété de jeu qu'il avoit avec Gagnard; & quand on interrogea Gagnard là deffus,il répondit qu'il n'avoit eu avec Beleftre aucune fociété de jeu. Des Accufés qui fe coupent rendent leur crime certain.

La de la Comble déposa encore que dans une autre occafion, elle avoit vû à Beleftre un collier de perles fines; qu'elle lui avoit coufu autour de lui, dans une ceinture de chamois,cent Louïs au cordon. Beleftre convint qu'il avoit accoutumé de porter autour de lui dans une ceinture cent Louis au cordon. La de la Comble ajouta, qu'ayant reproché à Belestre qu'il avoit fait grand tort à ceux à qui il avoit pris tout Pargent qu'il lui montroit; il lui avoit répondu que ces gens-là n'étoient pas à plaindre, qu'ils en avoient affez, que tous les biens étoient communs, & qu'il n'y avoit que la maniere de les prendre.

Cette dépofition nous met devant les yeux les cent Louis au cordon, du

Comte de Mongommery, & le collier de perles fines de la Comteffe.

Elle parla auffi de la Demoiselle que Gagnard entretenoit, & qui étoit accouchée depuis fix femaines d'un garçon dont on le difoit pere. Beleftre. depuis le vol acquit une Terre dans le Maine de 7. à 8000. livres. On produifit le contract. Une Demoiselle fut la terre où Gagnard employa fon argent; & un garçon qu'il en eut fut la récolte qu'il y fit.

Les autres témoins révelerent plufieurs circonftances qui donnerent de nouvelles lumieres à une vérité qui n'en avoit pas befoin.

Ce qui eft furprenant, c'eft que dans le tems qu'on informoit de ce vol contre deux innocens, tous les voleurs de Paris fçavoient que Beleftre & Gagnard étoient les feuls coupa bles les filoux les nommoient fur le Pont neuf. Le bruit en alla jufqu'au Mans, où cette vérité étoit l'objet de l'opinion publique. Des voleurs qui devoient avoir part au vol, en étant fruftrés, méditerent de faire une querelle à Beleftre & à Gagnard. Voilà ce qu'on apprit par l'information.

On trouva fur Beletre, quand on l'arrêta & qu'on le fouilla, une Gazette d'Hollande, où l'on difoit que ceux qui avoient fait le vol dont le Sieur d'Anglade avoit été accufé avoient été exécutés à Orleans; & un billet où Gagnard lui mandoit qu'il prit garde à lui, qu'il falloit éloigner l'Abbé de Fontpeire. Voilà deux écrits dont on tira des inductions bien fortes.

La défenfe de Gagnard fut de dire qu'il étoit en campagne, lorfque le vol avoit été commis: mais il avoit remis les clefs à Beleftre, afin qu'il en fît de fauffes, & il avoit partagé le vol avec lui.

Beleftre, pour dépayfer le Juge qui lui demanda où il avoit pris tant d'argent, répondit qu'il l'avoit gagné à l'armée en tenant la Cantine à Courtray, & qu'il avoit fait en jouant contre un Flibuftier un gain de 2000. li yres. On découvrit, en remontant à Ja force, que tout cela n'étoit que fuppofition.

Il ne falloit pas tant de preuves pour, convaincre ces deux voleurs ; puisque, malgré Pobfcurité des conjectures employées contre des innocens, ceux-ci avoient été condamnés.

Il étoit impoffible que ce concours de tant de preuves fi évidentes n'opérât pas la condamnation de ces deux bri

gands.

La Demoiselle d'Anglade avoit promis de montrer par fa feconde propofition, que l'Arrêt qui avoit condamné fon pere & fa mere, ne pouvoit être d'aucun ufage à Beleftre & à Gagnard; & qu'envain ils concluoient de-là qu'ils ne pouvoient pas avoir commis le vol; parceque c'étoit, difoient-ils, l'unique ouvrage du Sieur & de la Dame d'Anglade.

Cette feconde propofition s'établit par le parallele des indices & des conjectures employées contre les deux innocens, avec les preuves évidentes qui démontrent le crime de Beleftre & de Gagnard. Il eft facile de difcerner par cette comparaifon l'innocence d'avec le crime.

On répandit un Mémoire de Beleftre. & de Gagnard: on l'attribua au Comte de Mongommery. Quoique fon intérêt l'engageât à juftifier ces deux Criminels, je ne crois pas qu'il ait pût fe le permettre aux dépens de fa pro-. bité.

La Dame d'Anglade répondit à ce

Mémoire

Mémoire. Je n'en rapporterai que les

de la Dame endroits qui m'ont paru curieux, &

d'anglade.

Portrait de

Beleftre.

ceux qui peuvent contribuer à l'éclairciffement de cette affaire, & à faire connoître ces deux Scélérats. On y trouvera des répétitions; mais elles font unies à de nouvelles circonftances, & elles font inféparables du dilcours où elles font enchaffées. Voici comme la Dame d'Anglade parle de Beleftre.

Pierre Vincent, originaire du Mans, fils d'un Tanneur fans biens, Soldat dans le Régiment de Normandie, depuis Sergent dans la Compagnie de Boifguyet du même Régiment, où il fe donna le furnom de Beleftre, complice d'un affaffinat de guet à pens lâchement exécuté dans la Ville du Mans fur un pauvre Meûnier, feul & abandonné à la fureur de trois Scélérats, fut condamné aux Galeres par Jugement du Prevôt du Maine de l'année 1676.

Ce premier crime, où il s'engagea par complaifance pour une fille qui prodiguoit les faveurs au public, fut fon coup d'effai. Des filouteries à Paris & à Verfailles, des vols dans les maifons, des vols de grands chemins,

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