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dans des Incrédules de toute efpece, font-elles bien fréquentes?

R. On n'en a vu qu'un très-petit nombre con→ ferver jufqu'à la fin l'attachement qu'ils avoient voué à des systêmes anti-chrétiens. La Mettrie, Boulainvilliers, l'Auteur du Chriftianifine dévoilé, &c. font des exemples frappants en ce genre de converfion. Ce dernier a déclaré, qu'il avoit Suite toujours refpecté la Religion dans fon cœur; qu'en l'Apol, de la Relig. T. 2. écrivant contre elle, il avoit étouffé la voix de fap. 25, édi confcience; qu'il s'étoit laiffé entraîner par la fou- de 1769. gue de fon imagination, par les éloges & les applaudiffements des Philofophes. Il a fermé la porte à ceux qui l'avoient féduit ; il a demandé & reçu les derniers Sacrements. Maupertuis qui avoit réduit les preuves de l'existence de Dieu à Ar+n RB, mourut entre les bras de deux Capucins. Montagne, qu'on peut regarder comme l'avant-coureur de l'incrédulité moderne, mourut en fe levant de fon lit pour adorer l'Euchariftie. On fait combien de fois l'Oracle de nos Philofophes eft revenu de fa haine contre le Chriftianifme, auquel il avoit juré une guerre éternelle; un fonge effrayant a fervi plus d'une fois à lui faire confeffer fes crimes aux pieds des Miniftres de l'Eglife (a): ce qui a fait dire que les Incrédules vivoient comme s'ils ne devoient jamais mourir, & qu'ils mouroient comme riuntur ut femper vidu

(a) En 1760, il redevient Chrétien, il entend la Meffe, même celle de minuit à Noël ; il convertit des Calvinif tes, &c. Voyez fa Lettre à M. Albergati. En 1766, il fait une Ode païenne fur la mort du Dauphin, précédée & fuiyie de quantité de Libelles impies & lubriques. En 1768, il fe convertit de nouveau, fe confeffe au Pere Adam, &c, En 1769, il fait l'hiftoire de Louis XV, où l'on retrouve toutes les richefes de l'incrédulité & du libertinage,

Vivunt us

nunquàm mo rituri, mo

ri.

Voyez ci

des hommes qui efperent de vivre toujours. Ils ne nous font point honneur, difoit, au rapport de Bayle, M. de Sainthibal, fameux efprit fort, quand ils font au lit de la mort; ils fe déshonorent, ils fe démentent, ils meurent comme les autres.

D. Que faut-il penfer de ceux qui confervent jufqu'à une extrême vieilleffe, & jufqu'à la mort, une malheureuse fermeté dans leurs égarements?

R. On n'en peut conclure autre chofe, finon que la prévention, le refpect humain, une paffion invétérée, font capables de résister à toutes les lumieres & à toutes les fecouffes de la confcience.-

Si, dans l'alternative de doute & d'une espece Meffus, p. 2. de perfuafion qui partagent la vie de quelques impies, la mort furvient au temps où regne l'illu fion des fophifmes, ils fe refufent à tout retour vers Dieu. Le P. Malbranche croit que l'entêtement & l'opiniâtreté de quelques vieillards impies viennent en partie de la confiftance & de l'inflexibilité des fibres du cerveau, de laquelle réfulte, fe. lon lui, une indocilité prefque invincible. Un Hiftorien élégant & judicieux pense à-peu-près de même (a). Un célébre Orateur s'en prend à la confiance que les vieillards ont ordinairement en leurs lumieres & en leur longue expérience (b). Il est bien naturel d'en chercher la raifon dans la juftice & la févérité des jugemens de Dieu, qui aveugle fes ennemis, & leur ôte la lumiere dont ils ont refufé de jouir. Ceux qui veulent toujours trouver des remords dans les Incrédules & les pé

(a) Inclinatá ætate mores fenfufque in fua forma indu refcunt. Sacch. H. S. J.

(b) Pravi errores confirmatâ in fenibus prudentiæ fidu sid roborantur. C. Porée de cred. in doct.

ΠΟΠ

verunt vias

cheurs fcandaleux, ne connoiffent pas, dit Mon- Ipfi verò fieur Boffuet, toutes les voies de Dieu. Ils ne font cogno pas affez de réflexion fur le mortel affoupiffement meas, quibus & la fauffe paix, où il laiffe quelquefois fes plus mea: fi ingrands ennemis.

D. N'est-ce point une espece de myftere que l'attachement d'un grand génie à des hypothèses puériles, contradictoires dans toutes leurs parties, & fon éloignement des vérités les mieux établies & en même temps les plus confolantes?

R. Le Chrétien, inftruit par les faintes Ecritures de la conduite que Dieu a promis de tenir à l'égard des hommes, ne trouve point en cela un bien grand myftere: il en trouveroit au contraire un très-grand, fi, malgré l'abus que plufieurs font de leur raifon & de leurs facultés, ils étoient à l'abri de la féduction & de l'aveuglement. Il en feroit même troublé en quelque forte dans la foi de fa Religion; parce que tout cela ne lui paroîtroit pas s'accorder avec les anathêmes prononcés, tantôt contre des hommes féduits par la fuffifance & l'orgueil, tantôt contre ceux qui combattent leur créance par des œuvres condamnées de Dieu, & incompatibles avec la fainteté de la Loi (a).

juravi in irá

(a) Il n'y a pas dans toutes les Ecritures faintes de menace plus forte & plus multipliée que celle-là: Perdam fapientiam fapientium & prudentiam prudentium reprobabo. I. Cor. 1. Comprehendam fapientes in aftutid eorum. I. Cor. 3. Abfcondifti hæc à fapientibus & prudentibus, & revelafti ea parvulis. Matth, 11. Stultitia enim eft illi, & non poteft intelligere, quia fpiritualiter examinatur. I. Cor. 11. In judicium ego in hunc mundum veni, ut qui non vident, videant; & qui vident, eaci fiant. Joan. 9. Domine quid factum eft, quia mani-' feftaturus es nobis te ipfum, & non mando?... Si quis

troibunt in requiem meam. Pl. 94.

1

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Tertullien croyoit que Dieu avoit laiffé à deffein quelque mélange de ténèbres dans les plus grandes vérités, pour aveugler les hommes fuperbes qui réfifteroient à fa parole, ou les hommes corrompus qui déshonoreroient leur Foi par les vices qu'elle réprouve : que les faintes Ecritures elles-mêmes étoient devenues pour les Hérétiques, une pierre de fcandale (a). « Il y a, difoit »S. Auguftin, dans la Religion affez de lumiere éclairer les cœurs droits, & affez de nuages pour aveugler les impies. » La notion même de Dieu renferme des ténèbres fuffifantes pour obfcurcir & égarer la marche d'une raison téméraire. Autant l'existence de l'Être fouverain eft démontrée, autant la nature eft-elle impénétrable. Envain a-t-elle fait l'objet des méditations des Philofophes les plus célèbres, elle s'eft perpétuellement dérobée à leurs efforts impuiffants: faut-il s'étonner fi des hommes pleins de fuffifance & d'orgueil, humiliés de l'inutilité de leurs recherches, égarés par la foibleffe d'une raifon qu'ils croient fi forte & fi dure, entreprennent de perfuader que ce qu'ils ne peuvent pas comprendre, n'existe pas; & que prenant les bornes refferrées de leurs petites

diligit me, fermonem meum fervabit, &c. Joan. 14. Verba Prophetarum quæ per omne Sabbathum leguntur, judicantes impleverunt. A&t. XIII, 27.- Finis autem præcepti eft charitas de corde puro, & confcientiâ bond & fide non fiad. A quibus quidam aberrantes converfi funt in vaniloquium. I. Tim. 1. Habens bonam confcientiam quam quidam repellentes circa fidem naufragaverunt. Ibid. v. 19.

(a) Nec periclitor dicere, ipfas quoque Scripturas fic effe ex voluntate Dei compofitas, ut hæreticis materiam fubminiftrarent. De Præfcript. cap. 39.

facultés

facultés les bornes mêmes de l'être infini, pour ils attribuent ridiculement l'éternité & la puiffance à la matiere & au mouvement? On trouvera d'autres pensées relatives à ce fujet, dans un excellent Difcours fur l'Incrédulité, par le P. Chapelain, p. 178, 186, 188, 191, 200; dans un Sermon du P. Bourdaloue fur les Euvres de la Foi. Domin. T. 2, p. 317 & fuiv.

S. VI.

D. Ces réflexions expliquent bien comment la Religion & l'existence même de Dieu peuvent être rejettées par des hommes éclairés felon le monde; mais n'y a-t-il pas un grand nombre de libertins qui fe rangent parmi les Athées & autres Incrédules de fyftême, fans appartenir néanmoins à cette claffe de raisonneurs?

R. Il y en a un très-grand nombre ; ce qui a fait groffir à quelques Auteurs le Catalogue des vrais Incrédules. C'eft ainfi que le P. Merfenne comptoit jufqu'à 50000 Athées à Paris ; fouvent douze dans une maifon. Pour réfuter ce calcul & réduire prefque à rien le nombre des impies fyftématiques, il fuffit de diftinguer les différentes claffes qu'un défaut d'attention a confondues.

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D. Comment les diftinguez-vous?

R. On peut les réduire en cinq claffes: l'Incrédule ftupide, l'Incrédule vicieux, l'Incrédule du bel air, l'Incrédule affecté, & l'Incrédule par principes.

D. Qu'entendez-vous par ces différentes dénominations?

R. L'Incrédule ftupide eft un homme qui n'a jamais élevé fon esprit jufqu'à l'Auteur & à la deftination du monde, il ne sent point la force des

B

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