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détruifant les mœurs: il dit à-peu-près comme ce Berger défefpéré dont parle un ancien Poëte: Virg. Ecl. 4 Omnia vel medium fiant mare. Que m'importe le bien de l'Etat, la gloire & le bonheur de mes femblables? Mon ame dépouillée de fes espérances, détrompée de fon immortalité, détachée du culte qui établiffoit fa communication avec le Ciel, avec les hommes, avec toutes les parties de la création, s'ifole, & fe rétrecit; réduite à la nature & au fort de l brute, elle donne à fes prétentions & à fes vues les mêmes bornes & le même intérêt. Le Fanatifme déchaîné contre l'objet qu'il pourfuit, est arrêté dans tout le reste par la voix de la Religion: l'Atheisme permet tout, & ne met point de bornes à fes dégâts. Parce qu'un prifonnier furieux fe fert de les chaî nes pour affommer fon camarade, dira-t-on qu'il eût été moins redoutable s'il n'eût point été enchaîné? Le Fanatifme n'eft qu'un mal paffager, une fièvre qui quitte le malade avec la fermentation du fang. L'Athéifme eft un mal habituel, qui ronge & qui défole fans relâche. S'il n'eft pas toujours furieux, fon filence même, dit un Philofophe, fait des ravages horribles, c'eft le filence de la mort. On a fait des hiftoires ridicu lement exagérées des malheurs produit par le Fanatifine fi l'Atheisme avoit jamais dominé fur la terre, il n'y auroit point d'Hiftorien pour écrire fes dégâts; le genre-humain s'anéantiroit, comme il eût été anéanti fous Néron s'il n'avoit eu qu'une têta- L'Athéifme a auffi fes fanatiques, témoin un Vanini, témoins les jeunes Athées d'Abbeville, condamnés par arrêt du Parlement de Paris (a).

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(a) Ils infultoient publiquement à la pompe la plus folemnelle de la Religion; ils brifoient le crucifix & les

Lucrece nous apprend que le mépris des Dieux agitoit fortement tous les refforts de l'ame d'Epicure (a). Le Systême de la Nature décide qu'il eft impoffible de ne point s'échauffer en faveur d'une chofe qu'on croit fort importante: or fut-il jamais Auteur qui crût fon fyftême plus important? Les Editeurs ne ceffent de l'appeller important, & très-important. Qu'est-ce que cette fureur inquiete de faire des Profélites, que J. J. Roufleau reproche fi juftement aux Athées, finon un vrai Fanatifme? Or fi tout Panatifme eft exécrable, quel nom donner à celui-ci ? & fi le Fanatifine feul peut difputer à l'Athéifme la premiere place dans la claffe des fléaux, que fera-ce de ces deux monftres réunis ? Concluons cette Volt. Epit. matiere, en difant, avec le Philofophe, que nous du Livre des avons déja plus d'une fois oppofé aux Athées, que Trois Impof. l'existence de Dieu

à l'Auteur

Eft le facré lien de la Société,

Le premier fondement de la fainte équité,
Le frein du fcélérat, l'espérance du Juste.
Si les Cieux, dépouillés de leur empreinte auguste,
Pouvoient ceffer jamais de le manifester,
Si Dieu n'exiftoit pas, il faudroit l'inventer.
Que le Sage l'annonce & que les Rois le craignent.
Rois, fi vous m'opprimez, fi vos grandeurs dé-
daignent

Les pleurs de l'innocent que vous faites couler,
Mon Vengeur est au Ciel, apprenez à trembler.

images, imitoient les faints myftères par dérifion, ado-
roient des Livres obfcènes & impies en fe mettant à ge-
noux, &c. V. l'arrêt du Parlement de Paris, donné le 4

Juin 1766.

(a) Quem nec cura Deúm, nec fulmina, nec minitanti Murmure compreffit cælum, fed eò magis acrem Virtutem irritant animi. L. 1, de Nat. rerum,

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CATÉCHISME

PHILOSOPHIQUE.

LIVRE SECOND.

L'AME DE L'HOMME.

D.

CHAPITRE PREMIER.

L'Ame eft-elle fpirituelle?

S. I.

A QUOI QUOI fe réduifent la plupart des dilputes qui ont occupé de tout temps les Philofophes, au fujet de la fpiritualité de l'ame?

R. A décider fi la matiere eft capable d'intelligence & de penfée.

D. Eft-il bien évident que la matiere ne puiffe être élevée à ce degré d'excellence & de perfection?

R. Nous avons démontré que la matiere n'avoit pas même la puiffance de fe mouvoir, &

art. 3.

1. 1, ch. 2; que tout mouvement devoit lui venir d'une cause étrangere. Du mouvement il y a bien loin à la penfée. Quand même la matiere pourroit fe mouvoir, on n'en pourroit encore rien conclure en faveur de fa faculté de penfer. On fent par-là combien le fyftême des Matérialistes eft en deçà de toute probabilité. Toutes les idées que nous avons de la matiere concourent à la représenter comme une fubftance purement paffive, & c'est même la définition que des Philofophes en ont donnée. Or un être purement paffif qui feroit une intelligence, qui formeroit la penfée, & qui auroit l'incomprehenfible activité de l'efprit humain, eft une abfurdité ridicule.

D. N'est-ce pas donner des bornes à la puiflance de Dieu, que de lui refufer le pouvoir de produire une matiere pensante?

R. Pas plus que de lui refufer le pouvoir de faire que deux & deux ne foient pas quatre. Placer dans la puiffance de Dieu des contradictions, des idées deftructives les unes des autres, c'est infulter fa majesté fouveraine, & répandre des nuages fur la foi de fa toute-puiflance.

D. Malgré tous les attributs connus de la matiere, n'y a-t-il pas eu des Philofophes qui ont reconnu la poffibilité d'une matiere penfante ?

les

R. Un Anglois nommé Locke, & un François nommé Voltaire, ont travaillé à accréditer cette idée, mais elle n'a point profpéré chez les Sages. Locke à cette occalion a été exalté par Matérialistes comme un génie profond; mais le Chevalier de Ramfay, qui fe connoiffoit bien en hommes, & qui connoiffoit Locke en particulier, Lettre à en porte un jugement bien différent. « Locke,

M. Racine.

dit-il, génie fuperficiel, qui a écrit les éléments.

de la Philofophie, plutôt que des principes approfondis, étoit, je crois, un Socinien dé»cidé. Quand l'autorité ne guide plus un Philofophe, il s'égare toujours. »

D. Sur quel fondement ces Meffieurs établis foient-ils leur opinion?

R. Sur ce que nous ne connoiffons pas affez la nature intime de la matiere, pour prononcer fur ce qui lui convient, & ne lui convient pas.

D. Ce fondement eft-il bien folide?

que

R. C'est comme fi j'attribuois à tous les êtres que nous ne connoiffons pas parfaitement, des qualités oppofées aux qualités que nous en connoiffons. Je ne connois pas tout ce qui eft dans l'efprit de M. L**. & dans l'efprit de M. V***; mais je n'en ferois pas moins ridicule de croire c'eft un affemblage fymmétrique de petites pierres taillées en quarré, ou bien en rhomboïde. Il faut rendre justice à M. Locke; malgré les doutes qu'il a tâché de faire naître fur ce fujet, il a rendu hommage à la vérité, & il démontre luimême l'incompatibilité de la matiere & de la pensée. « Il paroît, dit-il, avec la derniere évi-L. 2, ch. 25 dence, que puifque nous n'avons aucune autre idée de la matiere, que comme de quelque chofe dans quoi fubfiftent plufieurs qualités fenfibles qui frappent nos fens; de même nous » n'avons pas plutôt fuppofé un fujet dans lequel exiftent la penfée, la connoiffance, le doute, &c. » que nous avons une idée auffi claire de la fubftance de l'efprit, que de celle du corps. » ajoute: « il eft impoffible de concevoir que la ma- L. 4, ch. 10! tiere puiffe tirer de fon fein le fentiment, la perception, la connoiffance. Car divifez-la en autant de parties qu'il vous plaira, donnez-lui

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