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res machines, eft plutot un amufement philofophique qu'un résultat de raisons propres à persuader un efprit attentif & appliqué. S'échauffer avec l'Auteur des Américaines en faveur du méchanifine des brutes, jufqu'à dire que c'est une vérité que Dieu a révélée aux petits & aux foibles, pendant qu'il l'a cachée aux grands & aux favants de la terre; que c'eft ne vouloir pas plier fous la main du Tout-Puifant, que de n'adopter pas le paradoxe Carthélien; c'eft profeffer tout l'enthoufiafme des fyftêmes. Dire qu'aucun étre ne peut fouffrir, à moins qu'il n'ait péché, afin de conclure delà que les bêtes ne fouffrent pas, c'eft abufer d'un paffage de S. Auguftin (a) qu'on n'entend pas, contredire le Livre de Job (b), & ne favoir luer les fouffrances d'un être dénué de réflexion. pas évaIl eft ridicule de mefurer les douleurs des brutes fur les nôtres. M. de Buffon croit que leur fenfibilité phyfique diminue à mesure que leur organisation s'éloigne de celle de l'homme; elle paroît finir abfolument & perdre tous fes refforts dans l'huitre, l'animal-fleur, la fenfitive, le polybe, la dione a mufcipula; on ne la retrouve plus au delà de cet espace de l'échelle graduée des êtres (c).

(2) On peut voir fur cette matiere un excellent Traité du P. Merlin: Véritable Clef des Ouvrages de S. Augustin, 2 part. p. 123.

(b) L'Hiftoire du faint Homme, & tout le réfultat de fon Livre, démontre le contraire; on diroit qu'il n'a écrit que pour l'établir.

(c Parce que la claffe des êtres fenfibles fe perd imperceptiblement dans la claffe de ceux qui font privés de fentiment. Des demi-Philofophes ont prétendu abroger les trois regnes de la nature, ne faire qu'un regne, qu'une vie, qu'une fubftance. Rien de plus propre à bouleverfer

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Quelle que foit la fenfibilité des brutes, on peut la comparer à celle d'un homme en rêve ou en délire. Ceux qui ont dit l'ame des bêtes matérielle, n'ont pas entendu qu'elle étoit matiere, mais qu'elle ne pouvoit en aucune façon exifter ni agir hors de la fociété de la matiere; cette idée qui femble vraie, ne nous dit rien fur la nature & l'effence de la chofe qu'elle prétend expliquer. Il paroît qu'il y a du ridicule à dire qu'un efprit puifle être dégradé au point de n'avoir d'autre deftination que de chaffer un lievre, de détruire les fouris, de chanter des airs fauvages; & il y en a plus encore, à croire que cet efprit meurt avec le corps. Le parti d'admettre un principe qui n'eft ni matiere, ni efprit, eft peutêtre le plus raifonnable.

D. Un être qui ne feroit ni corps ni efprit ne renfermeroit-il pas contradiction? C'est au moins ce que l'Auteur du Dictionnaire philofophique aflure comme incontestable?

R. Pourquoi y auroit-il plutôt contradiction à n'être ni corps ni efprit, qu'à n'être ni homme ni brute, ou à tenir le milieu entre quelques autres extrêmes d'une claffe générale d'êtres? pourquoi les chofes qui ne font pas corps ne pourroient-elles pas être partagées en différentes claffes ? Quelle contradiction y a-t-il à n'être ni compofé, ni pen

toutes les idées, & à mettre la confufion dans le langage. L'infenfibilité des nuances empêche-t-elle qu'un être ne fente, & qu'un autre ne fente pas? De la couleur blanche on arrive infenfiblement à la couleur noire, donc toutes les couleurs font blanches. Il en eft de même du fon, il n'y en a qu'un; le moyen de faire des tableaux & des violons après cette découverte ?

fant; à n'avoir ni parties, ni intelligence? Connoif fons nous affez l'efprit & la matiere pour affurer qu'ils font feuls poffibles dans l'univerfalité des créatures? Au contraire, ce que nous connoiffons de ces deux chofes fi éloignées l'une de l'autre, nous perfuade qu'il y a entre les deux bien de la place pour ranger des êtres mitoyens qui ne toucheroient ni l'une ni l'autre des extrémités. Et qui oferoit refufer à Dieu le pouvoir de créer quelque efpece de fubftance, qui ne fût ni étendue, ni intelligente? Qui oferoit lui refufer le pouvoir de créer quelque efpece d'êtres qui eût une petite portion de fentiments néceffaires à fa confervation, fans avoir cependant ni liberté, ni intelligence, ni le pouvoir de penser, de réfléchir, de comparer? Il a créé des fubftances capables d'inSenfibilité telligence & de fentiment *; ce font les ames des phyfique. hommes. Il en a créé qui ont l'intelligence, & qui n'ont pas le fentiment; ce font les Anges. Il en a créé qui n'ont ni intelligence ni fentiment, & ce font celles qui ne font compofées que de matiere. N'auroit-il pas pu en créer auffi qui euffent quelque portion de fentiment, Lans intelligence:

V. ci-deffus,
P. 200.

D. Cette opinion, qui paroît la plus fimple, n'a-t-elle pas fes difficultés? Ces ames immatérielles, fans être fpirituelles, font-elles produites par une création continuelle, meurent-elles avec le corps, &c.?

R. Comme nous avouons que nous ne connoiffons l'effence conftitutive de ces ames, & que pas nous avons affuré fa place à l'aine de l'homme, nous fommes difpenfés de répondre à ces queftions.... Ceux qui aiment à mêler toujours quelques idées fyftématiques avec des vérités indépendantes de tout fyftême, peuvent croire

que le

Créateur, en répandant fur la terre la matiere fémi-
nale univerfelle pour la confervation & la répro-
temps allo-
duction des efpeces (a), lui a au même
cié cette fubftance neutre, dont la nature nous
échappe, & dont nous n'entrevoyons que l'exif-
tence; fubftance propre à animer les corps orga-
nifés, & à exercer fon activité au moment qu'elle
fe trouve placée dans un compofé d'organes, où
elle peut fe donner l'effor; mais qui hors delà
refte dans l'inaction & dans une espece d'inertie.
Cette idée qui fimplifie extrêmement l'état de la
nature, & qui produit les explications les plus gé-
peu
nérales & les plus finies, s'accorde, à fort
chofe près, avec ce que le Cardinal Ptolomeï, le
P. Kumeth, Hirnheim, M. le Cat, &c. ont écrit
fur ce fujet. M. Boffuet: (Difc. fur l'Hift. univ.
2. part. n. 1.) Le P. Kircher (Mund. fubt. 2. part.
P. 337) raisonnent d'après la même opinion.

de

(a) Le P. Kircher, avec la plupart des Chymiftes, ap pelle ce principe général des corps organifés, Spiritus fa lino fulphureo-mercurialis. M. de Buffon aime mieux le défigner fous le nom de molécules organiques. C'est une erreur fans doute de dire, avec ce Naturalifte, que ces molécules font actives par elles-mêmes; elles ne font ni plus actives par elles-mêmes, ni même plus en mouvement que le feu dans les pierres & dans la poudre à canon: Maupertuis leur attribue une espece de mémoire, des defirs, des averfions, &c. Toutes ces imaginations font propres à confirmer l'affertion de J. J. Rouleau, qu'il y a Emile, T. 2 » plus d'erreurs dans un Corps d'Académiciens, que dans P. 155. tout le Peuple Huron.

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CHAPITRE I I.

Immortalité de l'Ame.

S. I.

D. N'EST-CE 'EST CE PAS par zèle pour le dogme confolant de l'immortalité, que les Sages de tous les fiécles ont enfeigné la fpiritualité de l'ame?

R. Point du tout. Le Philofophe éclairé n'adopte pas une opinion, parce qu'elle eft confolante ou avantageufe, mais parce qu'elle eft vraie. Si l'ame pouvoit être matiere, il faudroit le dire & l'enfeigner: la vérité feule mérite les regards du Sage. La matiere ne peut ni agir ni penfer; l'idée de la matiere eft incompatible avec la fimplicité & le fentiment intime du moi, comme nous l'avons dit. Voilà ce qui a décidé les Philofophes; ils ont envisagé la chofe même, & point les conféquences.

D. Si l'ame étoit matérielle, ne faudroit-il pas évidemment conclure qu'elle meurt avec le corps?

R. Il faudroit encore, avant que de déduire cette conféquence, prouver qu'une matiere capable d'intelligence n'eft pas capable de l'immortalité, & qu'il eft plus impoffible de concevoir une matiere immortelle qu'une matiere penfante. La penfée eft auffi excellente que l'immortalité; fi la matiere eft élevée jufqu'à l'une, pourquoi n'atteindroit-elle pas l'autre ? La fpiritualité de l'ame n'eft pas la feule preuve de fon immortalité. 1.° La Religion Chrétienne eft un fait établi par des preuves victorieufes; cette Religion m'enseigne

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