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arguments qui démontrent l'existence de Dieu; ni la foibleffe des objections des Athées; tout ce qu'il peut faire, c'eft d'affecter le maintien de ces gens-là, & d'en prendre le ton. Il prononce des blafphêmes, fans favoir ce qu'il dit; c'eft un écho qui répéte des fons. Un tel homme mérite qu'on ait pitié de lui.

L'Incrédule vicieux a peut-être des facultés qui donneroient l'effor à fon âme, s'il ne les étouffoit dans leur germe. Il n'a d'autre plaifir que celui de s'abrutir tous les jours davantage, en réprimant les mouvements de fa confcience & les lumieres de fon entendement. Son occupation la plus férieufe eft de s'amufer: ce n'eft pas qu'il y trouve beaucoup d'agrément, il n'a plus de goût pour rien, mais il craint de trouver un moment de repos où la raison pourroit fe réveiller; & pour en prévenir plus fûrement les leçons, il devient Athée, & s'affocie à quelques blafphémateurs. Aujourd'hui il eft tranquille, il triomphe; il n'y a point de Dieu, il n'y a point d'âme. Demain tout eft changé; il croit, il tremble, ou du

moins il doute.

L'Incrédule du bel air aspire au ton du fiécle; ce n'eft pas uniquement en commettant le vice avec effronterie qu'on y parvient, il faut être Philofophe; il le devient. Un Philofophe, felon lui, eft un homme qui fe diftingue du Peuple en ce qu'il ne croit rien; il fait du Livre de l'Esprit du Dictionnaire philofophique les lectures favorites; il n'a jamais rien lu de fi fort, rien de mieux raisonné, rien de mieux lié, rien de plus amufant; il s'effaie, il commence à tourner en ridicule la Religion; il y réuffit, & il est tout furpris de trouver en lui tant de génie & d'efprit; fon incrédu

lité finit avec les applaudiffements qu'il reçoit de fes femblables, & avec la manie d'être le finge des modes.

L'Incrédule affecté adopte un air grave & auftere: c'est un mafque qui couvre une tête vuide. Son cœur a auffi peu de fentiment que son esprit a d'intelligence. Le ton qu'il prend eft parfaite ment aflorti à fa mine. Il a cherché la vérité dans fa fource; la nature lui a parlé, il a lu tous les Ouvrages des hommes célèbres, par-tout il a vu l'Athéilme. Cet homme ne mérite que du mépris; des raifons feroient inutiles, & ne feroient que flatter fa faftueufe ignorance.

L'Incrédule par principes eft celui dont nous avons difcuté la poffibilité. S'il en exifte de ce gente, leur erreur peut venir de quelque funefte impreffion, qu'ils ont reçue dans leur jeunesse, d'une éducation défectueufe, de quelque principe erroné admis fans examen, du faux point de vue où ils ont envisagé la vérité, des distractions qui empêchent la raison de fe faire entendre, &c. Nous ne répéterous pas ce que nous avons dit là-deffus.

P. 2 & 14.

D. Ne peut-on point diftribuer la troupe des V. ci-deffus Incrédules en des rangs différents de ceux que vous venez d'établir?

R. Un Auteur moderne les partage en quatre clafles, qui comprennent effectivement tous les hommes de cette efpece que nous ayons jamais connus. La premiere eft celle des Rieurs, qui ne font que tire, fourire, & ricaner fuivant l'occafion; & ne difent jamais rien, de crainte de fe compromettre. La feconde claffe eft celle des Plaifants, qui ayant fait une ample provifion de pointes, de quolibets, de bons mots, d'anecdotes eccléfiaftiques un peu gaillardes, font chargés de

les placer à propos, d'égayer la conversation, ou de la détourner, lorfque devenant trop profonde ou trop férieuse, elle paroît ne pas devoir fe ter miner en faveur des Philofophes. Dans la troifieme claffe brillent les Queftionneurs, dont l'office confiste à dérouter les champions de l'Evangile, en les accablant de queftions, fans leur donner le temps d'y répondre. Les Raifonneurs forment la quatrieme claffe: ce font les Difputeurs & les Argumentateurs de la Société, & c'eft fans doute le rang le plus honorable; mais un excès de zèle les jette dans des erreurs monftrueufes & dans des contradictions énormes; malheur auquel les enrôlés des autres claffes ne font pas expofés; ce qui pourroit faire conclure que la claffe des Rieurs eft la plus en fûreté, au moins pour cette vie, comme elle eft la plus nombreuse.

S. VII.

D. Ne trouve-t-on pas à la Chine une Républi→ que entiere d'Athées, qui eft la fecte des Lettrés? R. Cette République eft auffi imaginaire que celle de Platon. Le Chef des Incrédules modernes affure que les Lettrés Chinois font Déiftes, qu'ils reconnoiffent les peines & les récompenfes d'une autre vie, un Paradis & un Enfer (a) L'Auteur de l'Esprit nous apprend que les Jéfuites re

P.9

(4) Effai fur l'hift. gén. T. I, c. 6, p. 91. Diner de Boul. P. 43. Il enfeigne le contraire dans la Philof. de l'Hift. ch. 18, p. 95. Dans le Dict. Philof. art. Ame, il revient au premier fentiment, & reconnoît, dans les Lettrés Chinois, la croyance d'un Dieu & d'une Providence. Il ne faut pas s'attendre à quelque chofe de bien conféquent de la part de ces Meffieurs. Ils ont foumis les faits, comme les raifonnemens, à la loi du caprice,

connoiffent l'Athéifme des Lettrés Chinois, mais il fait tort à ces Peres, qui ont constamment affuré le contraire. Le P. Parennin, qui connoiffoit beaucoup mieux les Chinois que M. Helv...., réfute victorieusement cette imagination dans une Lettre à M. de Mairan. Lett. édif. I. xxj. p. 134 & fùiv ... Il y a à la Chine trois Religions, outre la Chrétienne qui y fleurit aujourd'hui plus que jamais. 1.° Celle du Roi, des Princes, des Lettrés, qui offrent des facrifices au Tien, Ciel; au Xanti, vertu du Ciel. 2.° L'idolâtrie. 3.° La fecte des Sorciers.... Les Rédacteurs du Dictionnaire de Trévoux, article Chine, difent qu'il y a un grand nom bre d'Athées dans cet Empire; mais dans l'article Pho, ils remarquent que cet Athéifme n'est pas raifonné, que c'eft une fuite de l'aveugle déférence pour la doctrine du prétendu Pho, qui en mourant a déclaré, à ce que difent fes fectateurs, que le néant étoit le Pere de toute chofe. C'est l'Autos Epha, qui fait des Athées à la Chine, comme il en fait parmi les petits Maîtres en Europe: un Savant à la mode l'a dit; cela fuffit, on ne raisonne pas au-delà; le libertinage & de mauvais raifonnements en font auffi un grand nombre parmi les Chinois comme parmi nous: mais il eft faux qu'en général les Savants de la Chine foient Athées, comme il eft faux qu'ils le foient parmi nous. Nous montrerons ailleurs ce que c'eft qu'un Savant Chinois: il faut bien fe garder d'avoir une idée fort avantageufe Infrà L. 4. de ces Docteurs, auxquels nos Philofophes nous renvoient avec tant de confiance.

S. VIII.

D. Que faut-il penfer de quelques hommes célèbres, que les Incrédules fe font affociés, mal

ch. 3, art. 6.

S. 6.

gré le témoignage que leur vie & leurs écrits ont rendu à la Religion?

R. L'impiété, dit M. Séguier dans fon excellent Requifitoire du 15 Août 1770, ne craint point de violer la cendre des morts, de calomnier leur efprit, & croit peut-être encore honorer leur mémoire: elle les reffufcite pour tirer des noms con. nus, qu'elle ufurpe, l'afcendant dont elle a befoin. On jugera de la valeur de ces imputations par les deux preuves capitales alléguées contre M. de Fénélon. La premiere eft que M. de Fénélon a parodié ainfi un air de Lulli:

Jeune, j'étois trop fage,

Et voulois tout favoir;

Je ne veux en partage
Que badinage,

Et touche au dernier âge
Sans rien prévoir.

Sur quoi nous obfervons, 1.° que le fait eft controuvé. M. de Voltaire dit qu'il le tient du Marquis de Fénélon. Il a soin de citer un mort; tandis que le Marquis vivoit, M de Voltaire n'a eu garde de réclamer fon témoignage. Comment le Marquis de Fénélon, qui avoit beaucoup de reliHiftoire de gion, au jugement de M. de Voltaire lui-même, Louis XV auroit-il découvert une anecdote femblable, furtout au Chef des Incrédules? C'eft la remarque du fils de ce pieux Seigneur. Ceux qui ont lu les Erreurs de Voltaire, Voltaire peint par luimême, Tableau philofophique de l'Esprit de Voltaire, &c. connoiffent affez fa bonne foi pour le juger capable d'appuyer un fait fabuleux d'un faux témoignage. 2. Les vers en question font dans

T.1, p. 209.

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