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mais la force de l'habitude ne va jamais jusqua ôter toute liberté de fe tourner au vice ou à la vertu, au moins par degré & par des progeffions fucceffives.

D. Quelle eft la maniere la plus fimple de démontrer la liberté contre tous les fophifmes des Fataliftes?

R. C'eft de raifonner de la maniere fuivante : Il y a un Dieu jufte & fage; il y a une diflinction effentielle entre le vice & la vertu donc l'homme eft libre.

D. Comment déduifez-vous de ces principes inconteftables l'existence de la liberté?

R. 11 eft indigne de la fageffe de Dieu de vouloir être fervi, & adoré par des êtres raisonnables foumis à la néceffité, & dont l'hommage n'eft que l'effet du fort & d'une aveugle deftinée. Il eft contradictoire à la justice de Dieu de récompenfer ou de punir des actions néceffaires, réglées par des loix inviolables & éternelles. - L'homme qui agit par néceffité n'eft ni plus vertueux ni plus vicieux que le foleil qui fait mûrir mes vignes, & la grêle qui les dévafte. Ce font des vérités que toutes les difputes ne peuvent affoiblir, & que la raison a affranchies du caprice des fyftêmes (a).

(a) « 11 en eft des arguments contre la liberté humaine, dit M. Holland: (Réflex. philof. &c ) comme de ceux qu'on fait contre la poflibilité du mouvement, & contre l'existence des corps. Ces argu»ments font quelquefois très-fubtils, difficiles à réfoudre, fur-tout » pour ceux qui ne connoillent point les charlataneries dialectiques; » mais comme ils contredifent des fentiments vifs, profonds, irréfifti»bles, univerfels, ils éblouiffent l'efprit fans le convaincre. Indépen> damment de toute méditation, l'homme croit qu'il y a du mouve»ment dans le monde, qu'il existe des corps autour de lui, & que c'est lui-même qui fe détermine aux actions qu'on lui voit faire pendant le cours de fa vie. Les Philofophes qui foutiennent que c'est» là un inftinct trompeur, ne peuvent s'en dépouiller eux-mêmes: » malgré tous les fophifmes qni leur font illusion, ils ne penfent pas autrement que le vulgaire, parce qu'ils ne peuvent s'empêcher de fentir comme lui.»

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D. QU'EST-CE

U'EST-CE que la Religion?

R. C'eft un culte que la Divinité exige des hommes, & certains devoirs qu'elle leur impofe.

D. Eft-il bien certain que Dieu exige une Religion de nous? fur quels principes établissez-vous cette affertion?

R. Sur les principes les plus fimples & les moins conteftés. Dieu eft un Etre infiniment parfait. L'homme eft un être raisonnable. Il n'y a

point de Déifte, qui, en réfléchiffant fur ces deux propofitions, puisse refuser sérieusement d'admettre une Religion.

D. Comment cette conféquence est-elle liée avec les deux vérités dont vous la déduifez? & d'abord comment l'idée d'un Dieu infini emportet-elle l'idée d'une Religion?

R. Un Être infini ne peut agir que pour une fin qui foit digne de lui. Il n'eft rien qui foit digne de lui que lui-même. En tirant les créatures du néant, il n'a pu fe propofer une autre fin. C'est donc pour lui-même qu'il a créé tout ce qu'il a créé. Toute autre vue auroit été trop petite, & n'auroit point répondu à fa fagelle infinie. Cela étant, ce n'eft donc que pour lui-même qu'il nous a créé, & qu'il nous a donné l'in telligence, la liberté, la faculté d'aimer. Cette intelligence, cette liberté, cette faculté d'aimer, nous devons donc, pour remplir la fin de notre création, les rapporter à lui. Nous devons donc reconnoître que l'ufage le plus jufte, & le plus convenable aux vues de Dieu, que nous puiffions faire de ces facultés, c'eft de nous appliquer à le connoître, parce qu'il eft la fouveraine vérité, & le principe de toute vérité; de nous appliquer à l'aimer parce qu'il eft la bonté infinic, & le plus jufte, le plus néceffaire, le plus digne objet de notre amour. Enfin, fi Dieu eft la vérité fouveraine, la beauté incompréhenfible, la bonté infinie, n'eft-il pas d'une néceffité indifpenfable que des créatures, qui lui doivent tout, lui rendent tous les hommages d'adoration, de reconnoiffance & d'amour dont elles font capables, & par conféquent qu'elles aient une Religion? Lidée de Dieu eft donc nécellairement liée à l'idée de la

Religion, & nous préfente comme une vérité ins contestable la néceffité d'une Religion.

D. Pourquoi un être raisonnable ne fauroit-il pas être fans religion?

R. Parce qu'il ne peut connoître Dieu fans qu'il fente naître dans fon ame des fentiments de refpect, de foumiffion, de reconnoiffance & d'amour envers le grand Auteur de la nature. Qu'un homme dans une douce & paisible méditation, confulte fa raifon, qu'il jette les yeux fur le fpectacle admirable que lui préfente cet univers, qu'il en contemple la magnificence & l'harmonie, qu'il faffe attention à la variété des biens dont il eft en richi, qu'il fonge que cet ouvrage fi magnifique, ne coûte à fon Auteur qu'un acte de fa volonté; quelles fublimes idées ne fe formera-t-il pas alors de la grandeur, de la puiffance, de la fageffe, de la libéralité de fon Créateur? L'admiration & l'extafe entraînant les fentiments du cœur, quelles feront les faillies & la vivacité de fa gratitude envers cet Être fuprême ? Avec quels empreffements & quels transports chantera-t-il fes louanges & fes bienfaits? Les hommages les plus parfaits de l'efprit & du cœur ne lui paroîtront-ils pas les premiers & les plus juftes de tous les devoirs? C'eft la conclufion toute naturelle que David plaçoit à la fin du Pleaume 103, où il détaille admirablement les merveilles de la création (a). Comment s'empêcher de regarder, je

(a) Sit gloria Domini in fæculum: lætabitur Dominus in operibus fuis.

Cantabo Domino in vitå med, pfallam Deo meo, quamdiù fum.

Jucundum fit ei eloquium meum, ego verò delectabor in Pomino,

է,

, ch. s.

ne dis pas comme une ingratitude monftrueuse; mais comme une extravagance infoutenable, les fentiments de celui qui prétendroit ne devoir ni culte, ni hommage, ni reconnoiflance, ni amour à ce Créateur fi puiflant, fi magnifique, si libéral?... Quiconque nie l'existence d'un Dieu, peut n'être regardé que comme un extravagant; mais quiconque reconnoît l'existence d'un Dieu, & nie la néceffité d'une Religion, doit être regardé comme un homme détestable.

D. La néceffité d'une Religion n'eft-elle pas fondée auffi fur la confervation de la Société ?

R. Nous l'avons démontré; & comme Dieu eft l'auteur de la Société humaine, il n'a pu, fans manquer à fa providence & à fa fageffe, négliger un moyen effentiel à la confervation de fon ouvrage. Le Déifte eft obligé de dire que Dieu emploie l'illufion, le préjugé, les erreurs des Peuples pour remplir le plar de la création & pour tenir les Peuples réunis en fociété. Une pareille idée de Dieu conduit droit à l'Athéisme. Auffi les Athées ont-ils combattu les Déiftes dans cette matiere avec tout l'avantage poffible. S'il y a un Dieu, il y a une Religion; les Athées font toujours convenu de cette vérité, & l'ont prouvée contre les Déiftes avec tout le fuccès que peuvent avoir les Incrédules les, uns contre les autres. T. 2, p. 224. S'il exifte un Dieu, dit le Systême de la nature, pourquoi ne lui rendrions-nous pas un culte ?» La belle idée que celle d'un Dieu,

n

Qui de cet Univers inutile pagode,
En laiffe le timon pour fommeiller en paix;
Tandis que le Destin réglant tout à fa mode,
Devient fon Maire de Palais. -

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