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les Poéfies de Madame Guyon: elle exprimoit ainfi le détachement total des créatures, qui empêche l'homme d'ouvrir les yeux à l'avenir, de le prévoir & de s'en inquiéter. Suppofons qu'ils foient de M. de Fénélon, comment en peut-on conclure que, dans fa vieilleffe, il ne croyoit plus rien? M. de Fénélon, dans ce cas, voulut fans doute y attacher le même fens que leur donnoit Madame Guyon.

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La feconde preuve de M. de V. est une Lettre de Ramfai, qui écrit que fi Fénélon étoit né en Angleterre, il auroit développé fon génie, & donné l'effor fans crainte à fes principes, que per fonne n'a connus; mais c'eft encore un mort qu'on appelle en témoignage d'une chofe qu'il n'a pas dit & qu'il n'a pu dire. Ramfai, convaincu par M. de Fénélon de la vérité de la Religion Catho lique, y fut auffi conftamment attaché qu'à la mémoire de fon illuftre Maître. Comment avec de tels fentiments auroit-il pu écrire une Lettre qui, dans le fens que lui donne M. de Voltaire, feroit un outrage déshonorant pour le Disciple & pour le Maître une Lettre qui prouveroit que tous deux étoient des hypocrites, des hommes qui facrifioient leur maniere de penfer aux temps & aux lieux ? Si Ramfai a écrit quelque chofe d'approchant, il vouloit fans doute parler des principes de l'Auteur du Télémaque fur le gouvernement des Etats, & non d'aucun doute fur la vérité de la Religion. Ramfai rend le compte le plus détaillé de la doctrine de ce célèbre Archevêque; & il ne faut que lire l'Extrait de fa Lettre, qui fe trouve dans Les grands Hommes vengés, T. 2, art. Fénélon, pour effacer entiérement les ombres dont V. veut obfcurcir la mémoire de ce grand homme,

On trouve dans le même Ouvrage une justification complette de s'Gravefande, Boffuet, Huet, &c. Le Traité Athei detecti du P. Hardouin, qui a toujours paflé pour le comble de l'extravagance, n'approche pas des découvertes de M. de V. Quand nos Incrédules ont du goût pour le Déisme, ils trouvent par-tout des Déiftes: quand ils adoptent le Pyrrhonifme ou l'Atéifme, ces deux claffes acquierent tout-à-coup des profélytes fans nombre. On diroit que l'idée d'avoir beaucoup de collégues, appaife leur inquiétude, & juftifie aux yeux de la raifon l'extravagance de leurs fyftêmes ; qu'effrayés de voir tous les grands hommes refpecter les vérités fondamentales de la Religion, ils veulent faire un pendant à ce tableau offenfant. - Les Incrédules, dit ingénieufement M. de ***, reffemblent aux gens ivres, ils veulent toujours faire boire ceux qui font de fang froid.

S. IX.

D. Quel est le moyen le plus fûr de ne douter jamais de l'existence de Dieu?

R. Tenez votre áme en état de defirer toujours, qu'il y ait un Dieu, & vous n'en douterez jaJ. J. Rouf. mais (a). C'est la pensée d'un Auteur qu'on ne foupçonne pas d'avoir trop de préjugés religieux.

Icau.

Adorez l'Eternel, dit-il ailleurs, & tous les fantómes de l'Athéifme s'évanouiront. L'homme de bien In fenfu fit croit un Dieu par fentiment, & n'a dès-lors rien à tibi cogitatus redouter de l'Athéifme. Quand ce monftre parviendroit à étonner la raifon, le cœur réclameroit toujours; accablé du poids de vingt fophifmes, il diroit encore: Je fens qu'il y a un Dieu,

Dei, Eccl. 7.

(a) C'eft prefque la traduction de ce paffage de S. Auguftin: Nemo Deum negat, nifi cui expedit Deum non effe.

CHAPITRE II.

Systême de l'Athée.

D. LE

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E SYSTÊME de l'Athée ne le met-il pas à l'abri de quelques difficultés qui fe trouvent dans la profeffion d'un Dieu & d'une Providence qui gouverne le monde?

R. Un homme qui ne peut être fufpect en cette M. de V matiere, dit que pour quelques difficultés, dont on rend aisément compte dans la croyance d'un Dieu, il n'y a que des abfurdités à dévorer dans le fentiment contraire. Un autre a dit fort ingénieufement, que la foi des Athées demandoit un bien plus grand effort que celle des Chrétiens, & que leur Symbole pouvoit être conçu en ces termes : Credo omnia incredibilia.

D. Quels font les dogmes du Symbole des Athées ?

R. Dans une opinion fondamentale où tout eft abfurde, il n'eft pas poffible de détailler les myftérieuses extravagances qu'elle fuppofe, qu'elle renferme, ou qu'elle entraîne. En voici quelquesunes. L'Athée dit: au-lieu de croire une Intelligence fuprême qui a produit l'univers, qui le conferve & le gouverne; je crois une matiere éternelle & incréée, indifférente par fa nature au repos & au mouvement, & qui, fans aucun premier moteur,

s'imprime le mouvement à elle-même:... une matiere deftituée d'intelligence, qui par le concours aveugle & fortuit de fes parties, produit la terre, la mer, les cieux, & tout ce qui y eft contenu, opere un chef-d'œuvre de fageffe, forme un tout, où l'on admire les prodiges de proportion, fans que rien s'y démente, ni la production de la terre, ni la viciffitude des faifons, ni le cours réglée des aftres:... une machine immenfe, compofée de plufieurs millions de roues, toutes différentes les unes des autres, qui fe font mouvoir & fe meuvent l'une l'autre dans le plus parfait accord, avec la plus exacte régularité, qui produifent à point nommé & fans confufion les effets qui leur font propres, fans que cependant aucun Ouvrier y ait mis la main:... je reconnois les moyens les mieux choifis, mais fans but, fans aucune vue; les deffeins les plus fages, & nulle raifon qui fe les foit propofés; l'ordre le plus parfait, les plus grandes beautés, les combinaisons les plus fines & les plus ingénieufes produites par un hazard aveugle; un mouvement parfaitement régulier fans aucun moteur:...un hazard qui forme le corps humain, tellement qu'il n'eût pu être formé avec plus d'art & plus de deffein; des yeux qui ne font pas faits pour voir, des oreilles qui ne font pas faites pour entendre, mais dont on Infrà, arti- s'eft avifé de fe fervir, parce qu'on les a trouvé dans fa tête (a), &c. On ne finitoit pas s'il falloit

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(a) Lumina ne facias oculorum clara creata
Profpicere ut poffimus; & ut proferre viai
Proceros paffus, ideò faftigia poffe

Surarum ac digitúm pedibus fundata plicari,

Brachia tum porrò validis exapta lacertis

fuivre le détail de tous les myfteres de l'incrédulité. Bayle, qui a fi fouvent employé fon génie à la défenfe des mauvaises causes, démontre que l'Athéifme le mieux raisonné, n'eft qu'un tiffu d'extravagances & de contradictions ridicules. V. le Dict. hift. & crit. art. Spinofa. Voltaire a porté le même jugement du Systéme de la Nature. Bergier n'a pu en réduire toutes les contradictions en deux grands Chapitres de l'Examen du Matérialisme.

ARTICLE II.

La Matiere éternelle.

S. I.

D.DANS l'énumération que vous venez de faire, il y a bien des chofes qui font moins des myfteres que des délires; mais ne pourroiton pas regarder la création comme un mystere égal à celui d'une matiere éternelle?

R. Lorfque je reconnois un Être tout-puissant, la création n'eft plus un myftere. Un Être toutpuiflant qui ne pût créer, feroit un très-grand myftere, ou plutôt une très-grande abfurdité. C'est aux Athées à démontrer qu'un Etre tout - puiffant

renferme contradiction.

Effe, manufque datas utrâque ex parte miniftras
Ut facere ad vitam poffimus, quæ foret ufus.
Cætera de genere hoc inter quæcumque pretantur,
Omnia perversa præpoftera funt ratione.
Nil ideo natum eft in noftro corpore, ut uti
Poffimus, fed quod natum eft id procreat ufum.
Lucret. de Nat. rerum.

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