des fuppofitions que nous avons démontrées fauffes. 2. Pour la formation de l'Enéide, il faut d'abord un langage, & ce n'eft point une petite afDifcours fur faire, moins encore une affaire de hafard. J.J.Rouf P'inégalité des seau observe, qu'il eft impoffible de concevoir que hommes. les hommes aient pu s'en faire un d'eux-mêmes. Enfuite il faut de l'écriture, il faut des lettres, qui font le chef-d'œuvre des inventions humaines; il a fallu bien du temps pour y arriver; les Sauvages & les Negres regardent l'écriture comme un fortilége: l'art de faire parler le papier, difentils, ne peut-être qu'un art magique. Sans doute que les atomes auront des configurations également admirables & fignificatives? D'où viennent elles? En quoi confiftent-elles? Sont-elles effentielles ou non immuables ou non? Voilà bien des questions à éclaircir. Quelque parti que prenne l'Athée, il ne dira que des abfurdités.

art. 7.

3. Cette fuppofition de tentatives réitérées de V infrà, toute éternité, renferme une contradiction évidente; favoir un nombre infini qui ne peut-être augmenté ni diminué d'une unité, car l'infini demeure toujours infini, & il ne peut ni croître ni décroître or, dans le cas préfent, les atomes pouvoient faire fans doute quelques tentatives de plus ou de moins. Voilà donc un infini qui n'est pas infini

4. En jettant durant toute l'éternité autant de caracteres d'imprimerie qu'il en faudroit pour former l'Enéide, il y auroit des millions & des milliards de jets qui ne préfenteroient que cahos & confufion, & où l'on verroit à peine quelques fyllabes formées, quelques mots eftropiés & fans fuite, De même en donnant le concours des atoes pour la caufe efficiente du monde, il y auroit

des millions & des milliards de combinaisons qui ne préfenteroient que cahos, défordre & confufion; & l'on verroit tout au plus des nez fans vifages, des yeux fans têtes, des êtres moitié animaux, moitié bois ou pierre, des pieces éparpillées dans cet univers, fans qu'elles euffent un ordre, & formaffent un tout.

5. En accordant que les atomes, à force de tentatives, ont produit le monde, pourquoi fe font-ils arrêtés là pourquoi n'ont-ils pas paffé à la formation d'un autre monde, & réprouvé celui-ci comme les précédents? - Dire que ce monde eft dans les régles de l'équilibre, c'eft s'engager 1.°à expliquer pourquoi les atomes n'ont pas recherché d'abord une pofition auffi naturelle & auffi effentielle à la matiere. 2.° C'est détruire la fuppofition épicurienne par le fondement : là où il y à des réglès des néceffités, il n'y a point de con cours fortuit.

6.° Quoiqu'il n'y ait point de démonftration géométrique ni métaphyfique que l'Enéide ne peut réfulter d'un mouvement fortuit, aucun homme fenfé ne fe perfuadera jamais que cela foit arrivé, ni que cela puiffe arriver même dans une éternité. Si l'on difoit à un Athée que des pierres jettées fans deffein forment un édifice admirable; que les cordes des inftrumens les plus harmonieux fe font rangées d'elles-mêmes, & que des fecoufles fortuites produifent les fons qui nous charment; que les peintures les plus parfaites n'ont pas eu befoin d'un maître qui leur donnât tant de grace, de majefté, de tendreffe, de mouvements & d'action; que, dans les plus beaux tableaux, les attitudes les plus variées, les airs paffionés, la diftribution des lumieres, les dégradations des

couleurs, la plus belle perfpective, ne font que l'ouvrage de quelques couleurs jettées au hasard, &c. Celui à qui on avanceroit de tels paradoxes, les regarderoit comine des propofitions d'un homme fans raifon; quoique les combinaisons qui forment ces chef-d'œuvres, foient métaphyliquement poffibles dans un mouvement fortuit. Or ces propofitions font précisément celles des épicuriens; car, en accordant toutes les fuppofitions de nos deux Académiciens, il est toujours auffi peu apparent que le monde réfultera de cent millions de milliards de fecouffes d'atomes, qu'il eft apparent qu'une pouffiere conftamment agitée dans un tonneau, produira des arbres, des aniPenfées de maux: des tableaux, &c. C'eft la penfée & la jufte M. de Volt comparaifon d'un homme qui n'a été vorable à tous les délires philofophiques.

pag. 9, édit. de 1765.

que trop

fa

7.° Fût-il vrai qu'un beau poëme qu'une belle peinture, font l'effet du hafard, il n'en pourroit être de même de la formation du monde. Un livre n'eft qu'un compofé de lettres, un tableau un compofé de couleurs: mais le monde renferıne des êtres qui penfent, & la pensée n'eft point un compofée d'aromes. « Des combinaifons, des chances, ne donneront jamais que des produits Emile. T. 3, de même nature. Un Chymifte, combinant des mixtes, ne les fera pas fentir & penser dans fon

p. 56.

> creufet.»

S. I I.

D. Ne voyons-nous pas la nature produire par un mouvement aveugle, des figures admirables. par leur régularité, des caracteres bien formés, des repréfentations d'hommes, d'animaux, de plantes, &c.

R. 1. Quand ces figures font vraiment l'effet du hafard, elles ne font jamais fans quelque défaut, & ne repréfentent que très imparfaitement quelques êtres réels: c'eft la remarque d'un hom me qui s'eft fort appliqué à la recherche & à l'explication de ces pierres marquées par différen tes empreintes (a)

2. La plupart des figures qu'on regarde comme des jeux de la nature, font l'ouvrage de quelque moule qui a imprimé les traits & exercé l'activité de fes fels fur une matiere d'abord molle, & durcie enfuite par l'air, les eaux, le foleil, ou les • feux fouterrains (b).

3. Ceux qui ont appellé cette obfervation au fecours des Epicuréiftes, n'ont pas fongé à mettre une différence 1.° entre un moment de régularité & la marche de tous les fiécles, 2.° entre un individu régulier & toutes les efpeces d'êtres, l'ordre, la conftitution, la confervation de l'univers; 3. entre la fuperficie d'une chofe, ou la représentation de fes dehors, & fa nature, fa difpofition intérieure, le mélange merveilleux des matieres qui la compofent; entre un mafque & une tête humaine. Des moules n'impriment & ne façonnent que par dehors, au lieu que les organes font un entrelas de pieces innombrables, où les moules ne peuvent trouver accès pour faire l'em

(a) Eft & aliud hujus rei non leve argumentum, fortuito & cafuali fluxu conftituta effe fimilia phafmata: quod vix ulla ex eis que animalis figuram mentiuntur, forma per-. feda fit, fed femper aliquid ad integram figuram conftituendam requifitum deeffe comperiatur. Kircher. Mund fubt. 2. part. p. 37, edit. 1664, Amstel.

(b) Voyez ibid. modus fecundus, p. 608; modus tertius, P. 39; modus quartus, p. 41, &c.

preinte, ni retraite après l'avoir donnée.... Le hafard imite quelquefois les Arts. On voit dans des amas de lignes fortuites, des reffemblances avec des plans de Villes, avec des maifons &c; inférera-t-on de-là que le hafard a bâti les Villes?

4.o Les jeux même de la nature les plus admirables, font une fuite, un résultat informe & déplacé des régles établies par le Créateur; l'effet de quelque efprit féminal, de quelque combinaison de loix égarées dans leur marche & trompées dans leur objet.

D. Que faut-il penfer des mystères que quelques Phyficiens célèbres ont trouvés dans la configuration réguliere de la neige, du givre & de la glace?

R. A-peu-près la même chofe que ce que nous venons de dire des pierres & d'autres matieres figurées avec une apparence de deffin. Les plantes formées de givre, & collées fur les fenêtres des maifons, que Scheuchzer a obfervées à Zurich en 1728, & qu'il a fait graver dans la Phyfica facra, T. 5, Tab. 530, fig. A. B, ne font autre chofe que des vapeurs & de la fumée figées fur les vitres, dans l'ordre & la difpofition où elles y font arrivées. Tout le monde fait que toute exhalaifon fe partage en rameaux multipliés, en raifon directe de leur diftance du foyer: ce qui lui donneroit la figure d'un arbre, fi elle étoit fubfiftante & vifible dans toutes fes divifions.... Les petites figures repréfentées dans la même eftampe, femblent plus difficiles à expliquer. L'Auteur croit qu'il eft inutile de le tenter. Erafmus Bartholinus, dans un Livre qu'il a compofé fur ce fujet, eft du même fentiment. Il fuffira peut-être de fe rappeller ce que nous avons dit dans la Réponse précé