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dres un prétendu os de géant, c'étoit celui d'un taureau du Bréfil. Souvent les Sculpteurs ont dé figuré ces os; on a fculpté à Vienne, en 1678, une dent du géant Og, qu'on difoit envoyée de Conftantinople. Enfin, depuis que M. Hans Sloane a publié fa Gyganthologie, aucun Charlatan n'a olé paroître avec des dépouilles fuppofées de géants, qu'on employoit déja du temps d'Augufte, pour tromper les Romains, comme Suétone en convient en parlant des fquelettes que l'Empereur confervoit dans fon cabinet. Les figures de géants qu'on promene proceffionnellement dans quelques Villes, défignent des inondations, des peftes, des guerres, dont on a voulu conferver la mémoire par ce fymbole monstrueux. Les Anciens avoient la frivole ambition de vouloir pafler pour géants, & laiffoient à la postérité Q. Curce, des monuments trompeurs. Alexandre fit alonger L. ix, c. 3. les lits de fes foldats, pour faire croire dans les fiécles fuivants, qu'ils avoient été géants. Si la nature a produit autrefois tant d'horribles coloffes, pourquoi n'en produit-elle plus? La Sicile étoit-elle fous un autre climat lorfqu'elle étoit habitée par des hommes de trois à quatre cents De Nat. re- pieds (a)? Lucrece a beau dire que la fécondité cun. L. ij. de la terre eft épuifée, les monuments incontef tables qui nous reftent des hommes qui nous ont précédé de trois mille ans, déposent contre cette

(a) Si enim hi in Siciliâ nati & educati fuerant ; cur hodie eofdem non producit? Neque fufficit influxum caufam dicere, cum idem hodie quod olim clima, idem fiderum afpectus fit; cùm hodie eofdem fructus, eadem animalia, quæ olim, ejufdem molis producat, Mund. fubt. part. 2, p. 6o. Cette réflexion est très-propre à réfuter beaucoup d'autres imaginations de la même espece.

imagination

imagination du Poëte Epicurien. Les momies d'Egypte font-elles des corps de géants? Si depuis ce temps- là la nature étoit allée en décroiffant, elle ne produiroit aujourd'hui que des Pygmées de trois pouces. Accordez avec ce beau railonnement les Nations de Pygmées qu'on prétend avoir exifté dans le même temps? Dom. Calmet obferve que cette idée de Lucrece eft très-propre à détruire tout ce qu'il dit en faveur des géants. La perfuafion qu'autrefois les hommes étoient plus grands (a), eft un effet de la difpofition générale où nous fommes de croire les temps paffés beaucoup au - deffus du temps préfent. - Concluons: Il eft certain qu'il y a eu des géants; mais il eft certain auffi qu'il n'y a pas eu de Nation entiere compofée de géants, & plus certain encore que jamais géant n'a atteint la monftrueuse grandeur que Bocace & d'autres Romanciers leur ont attribuée.

D. Est-il en effet bien certain qu'il n'y a pas de Nations entiere de géants? l'Ecriture & les relations de la Terre Magellanique femblent perfuader le contraire.

R. L'efpece gygantefque dont parle l'Ecriture, n'eft, felon la remarque de Fl. Jofeph, de Philon, de S. Cyrille, de S. Chryfoftome, &c. qu'une race d'hommes qui joignoient à une force & à une audace extraordinaire tous les vices qui font les monftres (b). La poftérité de Seth, peu

(a) Vix illud ledi bis fex cervice fubirent,

Qualia nunc hominum producit corpora tellus.
Eneid. 12.

(b) Le mot que l'on traduit par géant, fignifie proprement un homme fort & violent.

D

à-peu féduite par les femmes, porta l'empreinte de fa rébellion contre le Ciel, & l'abomination d'une alliance condamnée de Dieu. On peut croire que les hommes d'une grandeur prodigieufe étoient communs parmi eux. Les géants des Terres Auftrales font rangés aujourd'hui parmi les lions ailés & les aigles à deux têtes. Deux relations pof térieures à tous les contes qu'on en a débités, ne leur donnent que fix pieds de hauteur. Une fille Patagone, amenée en Hollande, en 1599, par Sebald de Wert, n'atteignit pas quatre pieds après avoir achevé de croître. M. de Bougainville écrivoit, en 1765, dans le Pays même des Patagons: « Nous avons fait alliance avec ces Patagons fi décriés, que nous n'avons trouvés ni plus grands, ni même auffi méchants que les autres hommes. M. de Commerçon, ce favant qui dans le deffein de préfenter au public un corps complet d'hiftoire naturelle, auroit été enchanté de pouvoir vérifier ce phénomene de la nature, l'expliquer, difféquer même un de ces énormes mortels, & d'en faire l'Anatomie comparée, convient que ces Titans du détroit Magellanique n'ont jamais exifté que dans l'imagination échauffée de quelques Marins (a). Ce Peuple fi étonnant a été, pour quelques Obfervateurs modernes, ce que font les perfpectives; de loin, elles repréfentent un Temple fuperbe, des ruines, un jardin immense: mais lorsqu'on s'approche des objets, on ne voit plus que des deffins tracés groffiérement fur un mur. Enfin, quand il y auroit des Nations co

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(a) V. fa Lettre à M. de Lalande dans l'Hiftoire des nouvelles découvertes faites dans la Mer du Sud, par M. de Freville.

loffales, il s'enfuivroit précisément que le Créa teur a donné au germe humain une certaine latitude, mefurée fur l'influence des climats, & fur différents concours des caufes fecondes, fubordonnées aux vues de fa providence & à l'exécution de fes décrets éternels. Mais la vérité exige qu'on nie abfolument des faits qui l'offenfent, & dont les mauvais raifonneurs ont abufé pour étayer des fyf têmes auffi frivoles qu'irréligieux.

D. Toute l'antiquité n'a-t-elle pas connu la Nation des Pygmées, qui a fi laborieufement combattu celle des grues? Voilà une efpece d'hommes fort différents d'Adam & d'Eve.

P. 325.

R. Ces Pygmées étoient des finges qui fe battoient avec les grues pour conferver leurs petits, qu'elles vouloient leur enlever. Cette obfervation de M. Pluche eft adoptée par M. de Buffon, Spec. de la Hiftoire nat. T. xiv, p. 3. Auffi ce finge, (le Nature T. 11 Pithecos des Grecs, le Simia des Latins,) eut-il encore été plus reflemblant à l'homme; les Anciens auroient eu raifon de ne le regarder que » comme un Homoncule, un nain manqué, un Pygmée capable tout au plus de combatre contre » les grues, tandis que l'homme fait dompter l'é

D

léphant & vaincre le lion. » Les Poëtes plaçoient les Pygmées dans la Thrace, où les hommes font très-bien faits. Pline les met tantôt dans la Thrace, tantôt dans l'Ethiopie, près des lacs d'où fort le Nil; Ariftote & Pomp. Mela leur affignent auffi cette derniere région; Aulugelle les porte fur les frontieres des Indes. Tant d'incertitudes & de contradictions fuffifent pour nous convaincre que ce menu Peuple eft imaginaire. Aujourd'hui qu'on a parcouru toute la terre, on n'a trouvé des Pygmées nulle part. Les Lapons & les Samoje

Hiftoire des Oifeaux.

des, déja bien fupérieurs aux prétendus Pygmées, tranfplantés dans les climats méridionaux, atteignent à la taille ordinaire de l'homme.

S. III.

D. Les Négres ne font-ils pas, felon quelques Auteurs, une race d'hommes à part?

R. Les Négres naiffent blancs comme les Européens; leur noirceur ne fiége que dans l'épiderme, dont les mailles trop dilatées par la chaleur, l'humidité, les vents, &c. abforbent une plus grande quantité de rayons. C'eft au moins une raifon très-vraisemblable qu'on peut apporter du teint des Négres. Nous regardons comme une peine fuperflue de difcuter de nouveau cette matiere, après les obfervations de M. de Buffon, & de tant d'Ecrivains éclairés qui l'ont traitée à fond (a). Nous pourrions renvoyer auffi à l'Auteur des Recherches philofophiques fur les Américains, fi cet Auteur raifonnoit par-tout avec autant de fageffe que fur les Négres, & fi une philofophie soumise à l'arbitraire & à tout l'enthoufiafme de l'irréligion, ne devoit détourner le Lecteur prudent de chercher quelques bonnes obfervations dans une multitude de mauvaises.

D. N'avez-vous pas lu dans les Questions fur l'Encyc., les Mélanges de M. de V..., &c. que les Américains font une production du Pays, comme les herbes & la mouffe qui couvrent les rochers?

R. Il eft humiliant pour l'efprit humain, dit M. de Buffon, en rapportant des contes pareils à

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(a) Hift. nat. T. 3, p. 481, 453, &c évang. Prop. 4, ch. 27.

mont, édit. 1769, art. Negres & Homme. - Phyf. fac.

T, vj, Tab. 626.

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