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fes Terres, pour avoir parlé trop librement dans le Confeil, contre les deffeins de ce Miniftre. Ils le reçurent avec beaucoup de refpect, ils le reconnurent pour leur Légiflateur, & envoyérent enfuite un détachement à Topana, pour inviter les Topigis, ou Canoniers, de fe joindre à eux; ce qu'ils firent.

Le même jour, le Sultan confera la Charge de Capitan Bacha à l'Alidi, ou premier Capitaine de Vaiffeau de guerre, afin de fe conferver par fon moyen, en cas de befoin, la poffeffion de l'Arfenal. Cet Officier accepta ce haut Emploi, & fit même en cette qualité fon entrée à l'Arfenal, où il fut reçu au bruit de neuf piéces de canon de chaque Vaiffeau de guerre; mais jugeant que la néceffité lui avoit procuré cet honneur, il alla joindre les Mécontens, qui le confirmérent dans fa Dignité de Grand Amiral. Après qu'il eut pris quelques me

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fures avec eux, il retourna à l'Arfenal, où il fit équiper quatre Galeres qu'il envoya devant le Serrail, afin d'en couper la communication, & d'empêcher l'entrée du fecours on défendit en même temps; fous de groffes peines, d'y porter des vivres, & l'on ferma tous les Aqueducs. C'eft ainsi que tout confpiroit à la ruine du Sultan.

D'un autre côté le nouvel Aga des Janiffaires donnoit tous fes foins pour procurer l'abondance dans la Ville; il pofta des Gardes partout pour la fureté des Marchands, & pour empêcher le pillage; quelques-uns de ces Mécontens ayant ofé contrevenir à fes ordres, en furent févérement punis. Pendant ce temps, le Sultan étoit dans des angoiffes mortelles, il fe voyoit abandonné de tout le monde, & fe trouvant fans reffource, par l'avis de fa fecur il réfolut de faire un dernier effort fur l'efprit

des Rebelles; il leur envoya pour cet effet l'Ifprizade, & le Mirza Effendi; mais ces Mutins furent inéxorables, & perfiftérent dans la demande qu'ils avoient faite des principaux Miniftres de fa Hauteffe; fur quoi le malheureux Prince réfolut enfin d'envoyer en prifon le Grand Vifir, le Kiaïa, le Capitan Bacha, & de réleguer le Mufti dans une des Ifles de l'Archipel.

Le premier d'Octobre; fept mille Janiffaires, qui quelques jours auparavant avoient été détachés pour la Perfe, ayant appris la révolte, revintent fur leurs pas, & allérent joindre l'Armée des Mécontens. Ils étoient commandés par un Bacha à deux queuës, qui en paffant à Scutari, avoit pris avec lui un célébre Avanturier, qui fe difoit Prince de Perfe, & l'avoit conduit à l'Armée des Rebelles, ой par honneur on lui donna une Garde. Ce prétendu Prince fe di

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foit fils aîné du dernier Sophi; il étoit venu à Conftantinople pour demander la protection de la Porte contre le Prince Thamas fon frere.

Cependant la confufion continuoit au Serrail; les amis du Sultan lui représentérent la néceffité preffante où il étoit de facrifier fes trois Miniftres à la vengeance des Mécontens comme l'unique moyen d'appaifer leur animofité, & même de conferver fa vie; fur quoi fa Hauteffe ordonna qu'ils fuffent étranglés, & qu'on envoyât leurs corps aux Mutins: ce qui fut exécuté à l'inftant, & chaque corps fut mis fur un char tiré par des bœufs, & ces trois chars fu-, rent conduits à l'Armée des Rebelles.

On ne fçauroit jamais affez exprimer combien d'injures atroces ces Rebelles vomirent contre ces trois miférables corps, fur lefquels, ils exercérent tout ce que la rage

leur pouvoit infpirer: Enfin après avoir affouvi leur vengeance fur ces cadavres, ils jettérent celui du Kiaïa dans un puits plein d'immondices; mais aux inftantes priéres, & aux larmes de la mere du Capitan Bacha, ils lui rendirent celui de fon fils. Quant au corps du Grand Vifir, les Mécontens publiérent que le Sultan les avoit trompés que ce corps n'étoit point celui d'Ibrahim Bacha, mais le corps d'une autre perfonne qui lui reffembloit. Dans cette penfée, ils attachérent ce miférable corps à la queuë d'un cheval, & le traînérent devant le Serrail , auprès d'une magnifique Fontaine que ce Grand Vifir avoit fait bâtir, & l'abandonnérent là en proye aux chiens.

C'étoit exprès, & à dessein, que les Chefs des Mécontens, qui avoient déja réfolu de détrôner le Sultan, publiérent que le corps du Grand Vifir n'étoit pas le fien, mais un corps fuppofé ; ils craignoient

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