» Très-haut Empereur, le carac>>tére de bon Mufulman, que je tâ» cherai toujours de réunir avec la » fidélité qu'un Miniftre doit à fon » Souverain, ne me permet pas de >> trahir mon cœur, ni de déguifer »le fentiment que je fis paroître à > Votre Hauteffe, lorfque par un » effet de fa bonté finguliere, elle voulut bien me revêtir de l'éclat » de la Charge de fon grand Vifir. Je déclarai alors, & je le confirme préfentement de bonne foi, qu'au lieu d'employer les armes Ottomanes contre nos freres les Perfans, il étoit plus à propos, & plus convenable aux intérêts de la fublime Porte, de fe reconcilier avec eux, & de joindre fes forces à celles du Sophi, pour attaquer les Chrétiens, ces Ennemis déclarés du nom de Mahomet, & qui par conféquent doivent être les nôtres. Qu'il me foit permis de le dire, Votre Hauteffe pofféde affez de pénétration & de profon

»deur, pour être en état de juger par les difpofitions, où fe trou→vent les Peuples, combien il eft important, & abfolument nécefceffaire, qu'elle embraffe un Parti, qui fatisfaifant fes Sujets, lui affure la poffeffion non interrompuë de fon Trône, & contribue à l'affermir fur des fondemens folides. Voilà mon fentiment qui eft invariable, & dans lequel le falut de l'Empire Ottoman m'oblige de perfifter, quand même ce Divan, qui eft un lieu d'équité, deviendroit celui de mon fupplice. Je vous le déclare, Puiffant Sultan, fi mon avis vous fcandalife, s'il vous irrite, permettez>>moi de retourner en Egypte, & que j'y fouffre de nouveau, fi je le mérite, l'exil dont on récompenfa autrefois ma franchise, fi néceffaire dans le pofte que j'occupe. Nous verrons ci-après quelle fera la deftinée de ce premier Mi

כסי

niftre.

Sur ces entrefaites, GianumCoggia Capitan Bacha qui avoit été fait Grand Amiral à la prière d'Hali Patrona, & defes Partifans, tomba dans la difgrace de fon Prince, & fut exilé à Candie, avec feize piaftres de pension par jour. Sa Charge fut conferée par provision à Marabout, Intendant des Ports de cette Ville, en attendant l'arrivée du Bacha Retino, à qui le Grand Seigneur l'avoir conferée.

Environ ce temps-là, étant furvenu une difette de vivres, & furtout de bleds à Conftantinople, les Habitans de cette grande Ville regardérent cet événement comme une punition divine; de forte qu'ils fe partagérent en deux Partis, dont les uns demandoient que l'on fit la guerre aux Chrétiens, & les autres, que l'on obfervât les Traités de Paix faits avec eux; mais qu'on s'abftint de faire la guerre aux Perfans qui étoient leurs freres. Cette divifion de fentimens fournit l'oc

la

cafion à quelques Mutins de former une nouvelle confpiration, qui fut étouffée, dès fa naiffance , par vigilance du Grand Vifir, qui d'un autre côté procura l'abondance par la quantité de vivres qu'il fit venir par la Mer noire, ce qui réjouit fort les Habitans de cette Ville.

Mais ce qui fit le plus de plaifir à la Cour Ottomane, engagée par -honneur à la guerre contre le Sophi, 'ce fut la nouvelle qu'un Courier apporta de la victoire remportée fur les Perfans par l'Armée du Grand Seigneur. Le détail de cette célébre journée fut rendu public, il étoit conçu en ces termés.

Le Sophi Thamas, qui s'étoit rendu formidable à toute l'Afie, ayant réfolu de faire tous fes efforts pour reprendre Tauris, fe mit en chemin pour l'aller affiéger; l'A?mée, à la tête de laquelle il mar -choir, étoit compofée de plus de cent vingt mille hommes. Son premier deffein étoit de prendre

la Place d'affaut: Il ne put cependant l'exécuter, à caufe des violens échecs qu'il reçût de la des Turcs. Ces derniers le part repoufférent plufieurs fois avec avantage; ils tuérent même le plus grand nombre de fes Officiers. Un commencement fi fatal, étoit le funefte préfage du mauvais fuccès de l'entreprise du Sophi; il ne fe rebuta néanmoins pas. Le lendemain de ces efcarmouches, il fe détermina à former le fiége de Tauris dans les formes, & à ouvrir la tranchée fans aucun délaj.

Durant les premiers jours de ce fiége, ce Prince fut informé qu'il y avoit de la divifion à Erivan, entre la Garnifon & le Seraskier Hali Bacha. Il apprit auffi que les Janniffaires refufoient de lui obéir, parce qu'on ne leur avoit pas diftribué Jes gratifications que les Sultans font dans l'ufage de leur faire donner à leur avénement au Trône Impérial. Sur cet avis le Sophi par