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Ville, partagé en plufieurs Chambres, & où l'on peut loger quelques milliers de cette Milice. Ils s'arrêtérent devant la feconde, & cinquiéme Chambre, qui en font les principales, & invitérent les Janiffaires de fe joindre à eux.

Au premier bruit de la fédition; les Officiers de ces Chambres les

avoient abandonnées pour aller au Rendez-vous, où l'on avoit porté le Drapeau des Janniffaires. Les Chefs de cette Milice, & même le Chiaoux Bacha, s'étoient auffi retirés, tant pour n'être pas accufés d'être les auteurs de cette révolte, que pour n'être pas obligés de s'oppofer aux Mécontens, qui s'étoient déja partagés en Compagnies, & avoient pofé des Sentinelles pour la fureté des Marchands, & des grandes Places.

Pendant ce temps-là Ali Patron, Chef des Revoltés, & fes Camarades, parcouroient les principales ruës en criant comme des défef

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perés: que la guerre contre les Perfans étoit injufte ; que la né"gligence du Sultan, l'ignorance, » & la mauvaise conduite du Grand Vifir, & des principaux Miniftres avoient été fi loin, qu'ils avoient porté la lacheté jusqu'à céder aux Ennemis des véritables Croyans, contre la défense de Dieu, & du » Prophéte Mahomet, des Pro»vinces entiéres, & des Fortereffes, dont la conquête avoit » été le prix de la perte d'une infinité de bons Mufulmans, qui y avoient facrifié leurs vies; que le même grand Dieu, & fon Prophéte lui avoient révelé dans un »fonge à lui Ali Patron, que l'Empire des Ottomans, & leur Culte Religieux tomberoient entiére»ment en décadence, fi le Sultan » Achmet reftoit plus long-temps fur le Trône, & que fes Minif»tres continuaffent d'être employés » dans le fervice de la fublime »Porte; qu'ainfi il falloit obéïr,

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& fe conformer à la voix du » Ciel.

L'air affuré dont les Rebelles parloient, & la véhémence de leurs difcours leur attira un grand nombre de perfonnes qui fe joignirent à eux. Malgré cela l'Infpecteur du Bazeftan tâcha plufieurs fois de rouvrir cette Place, & d'y faire revenir les Marchands pour vaquer à leurs affaires; il fut fecondé en cela par diverfes perfonnes que le Capitan Bacha, ou Grand Admiral, qui commandoit pendant l'abfence du Grand Visir, lui avoit envoyées; mais leurs efforts furent inutiles: Plufieurs de ces derniers se joignirent même aux Mécontens, & l'Aga des Janiffaires étant furvenu lui-même, & voyant qu'il étoit trop tard pour arrêter ce défordre, jugea à propos de fe retirer chez lui, & ne parut plus depuis. Le Kiaïa, ou premier Miniftre du Grand Visir, qui étoit venu ce jour-là à Conftantinople

pour les affaires particuliéres, fut fi faifi d'épouvente à la premiére nouvelle de cette révolte, qu'il fe fauva avec deux de fes confidens à bord d'un petit Bâtiment à quatre bancs. Le Capitan Bacha qui étoit dans fon Palais fur le bord de la Mer Noire, ayant appris la continuation de la révolte, vint auffi-tôt à la Ville, où il fit de nouveaux efforts pour faire ouvrir le Bazeftan; & les Boutiques qui y font ; il tâcha auffi par toutes fortes de moyens d'appaifer le tumulte, fans cependant y employer la force; mais voyant que tous fes efforts étoient inutiles, il fe retira pour aller joindre le Sultan après avoir laiffé quelques ordres à l'Arfenal. Tous les autres Bachas firent de même.

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Le Grand Vifir à la réception de cette fâcheufe nouvelle, monta promptement à cheval, & alla trouver le Sultan; qui étoit alors au Palais de la Sultane Chahige fa fœur, fcitué près de Scutari. On y

tint fur le champ un grand Confeil pour déliberer fur les moyens d'arrêter ce mal dans fa fource. A l'iffue du Confeil le Sultan fe re-tira dans fon Serrail, & le foir il partit pour Conftantinople, Lorfque le Sultan partit, la Sultane Chahige fa fœur le tira à l'écart, lui confeilla de ne pas permettre que fes principaux Miniftres & Officiers abandonnaffent fa Perfonne, parce que, comme il étoit à préfumer que les Mécontens leur en vouloient. il pourroit, en les fam crifiant à leur vengeance, fe tirer d'affaire, au cas que le mal fût fans reméde.

On ne fçauroit exprimer la confternation, & la confufion que la nouvelle de la révolte caufa au Camp ; ceux qui poffedoient des Charges, en furent les plus allarmés: ils fe cachérent tous, & fans fonger au devoir, auquel ils étoient obligés par leurs Charges ils abandonnérent lâchement leurs Mai

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