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quelque alliance avec les Athéniens leur porta des blés, & que les Athéniens le firent Roi en reconnoiffance de ce bienfait. Ayant accepté ce titre, il leur enfeigna les facrifices de Cérès & établit à Eleufine les mysteres de cette Déeffe, tels qu'ils fe pra tiquoient en Egypte: C'eft ce qui a donné lieu de dire que Cérès étoit venue elle-même à Athenes, & de placer en ce tems-là la découverte des Blés, qui leur furent feulement apportés d'ailleurs fous le nom & fous les aufpices de cette Déeffe. Les Atheniens conviennent eux-mêmes du regne d'Erechthée, de cette famine, de la venue de Cérès & du prefent qu'elle leur fit; mais de plus ils avouent que les facrifices, les myfteres & toutes les cérémonies d'Eleufine font parfaitement imités de ce qui s'obferve en Egypte. En effet, leurs Eumolpides ou Chantres tiennent la place des Prêtres, & leurs Hérauts celle des Pastophores. Ils font les feuls de tous les Grecs qui jurent par le nom d'Ifis, & leurs mœurs font très-conformes à celles des Egyptiens. Voilà de quoi ceux-ci fe vantent avec plus de zele, à mon avis, pour la gloire de leur nation que pour la vérité; ajoutant que la magnificence de leurs Rois & le nombre prodigieux des premiers habitans de l'Egypte a été la caufe des tranfmigrations que nous venons de marquer, & de plufieurs autres que nous paffons fous filence; parce que nous ne les voyons foutenues d'aucune preuve affez fenfible, ou atteftées par aucun monument affez certain. C'eft-là tout

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ce que nous avions à dire de la Théologie ou de la Mythologie des Egyptiens. Nous allons maintenant rapporter en abregé ce qui regarde la Géographie & les autres particularités naturelles du terroir & du fleuve de l'Egypte.

XVII. CETTE fameufe contrée s'étend vers Defcrip- le Midi; & par les barrieres que la natution géographique re lui a données, auffi-bien que par la beaude l'Egyp-té de fes campagnes, elle eft au-deffus de

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tous les Royaumes du Monde. Du côté du Couchant elle eft défendue par les plaines défertes de la Libye, dont le paffage eft non-feulement très-difficile, mais encore trèsdangereux, tant par le manque abfolu d'eau & de vivres que par les bêtes féroces qu'on y rencontre. Les Cataractes & les Montagnes qui les entourent en ferment l'entrée du côté du Midi: car le fleuve n'eft navigable qu'à cinq mille cinq cens ftades (1) en deçà de la Troglotyde & des confins de l'Ethiopie; & la terre même n'eft pratiquable que pour les voyageurs qui peuvent marcher avec un train & une dépenfe de Roi. L'Orient de l'Egypte eft défendu par le fleuve, par un défert, & par un terrein fangeux. Il y a fur-tout entre la CéléSyrie & l'Egypte un marais appelé Serbonis, fort étroit dans toute fa longueur qui eft de deux cens ftades, mais prodigieufe

ment

(1) J'avertis ici pour toute la fuite, que l'évaluation ordinaire des ftades eft d'en prendre 24. pour une lieue, en donnant a chaque ftade 125 pas; d'où réfulte la lieue de.scoo pas.

ment profond & très-dangereux pour ceux qui ne le connoiffent pas; car étant comme une bande d'eau entre deux rivages très-longs & très-fablonneux les vents violens & perpétuels le tiennent prefque toujours couvert de fable; de forte qu'il ne fait qu'une même furface avec la terre ferme de laquelle il eft impoffible de le diftinguer à l'œil. Il y a eu des Capitaines qui y ont péri avec toute leur Armée, faute de bien connoître le pays. Le fable accumulé fur cette eau bourbeufe ne cede d'abord que peu-à-peu, comme pour fé-/ duire les paffans qui continuent d'avancer, jufqu'à ce que s'appercevant de leur erreur, les fecours qu'ils tâchent de fe donner les uns aux autres ne peuvent plus les fauver. En effet, ce compofé n'étant ni folide ni liquide, on ne fauroit nager dans une eau épaiffie par le fable & par le limon dont elle eft chargée; & l'on ne trouve nulle part un fond affez ferme pour appuyer le pied & pour s'élancer en haut. Tous les efforts qu'on peut faire ne fervent même qu'à attirer le fable qui eft fur le rivage & qui acheve d'accabler ceux qui font pris dans ce funefte piege. Cette Plaine s'appelle pour cette raifon Barathrum. (i) Voilà les bornes de l'Egypte par rapport au Continent. Son quatrieme côté, qui regarde le Septentrion, a pour rempart une vaste Mer & des Côtes dont il ne faut pas s'approcher; car depuis le Promontoire

(1) En François, gouffre, abyme.

de la Libye, jufqu'à Joppé en Célé-Syrie, ce qui fait un efpace de cinq mille ftades, il n'y a de port affuré que le Phare: tous le refte eft une rade dangereufe pour ceux qui ne l'ont pas fréquentée. Les uns croyant aborder, échouent & brifent leurs vaiffeaux fur des rochers couverts; les autres ne découvrant pas l'Egypte qui eft fort baffe, d'affez loin pour choifir un endroit propre à une defcente, vont prendre terre en ces lieux marécageux ou fur ces fables déferts, dont nous avons dit qu'elle étoit entourée. L'Egypte eft d'une figure plus longue que large & elle s'enfonce de fix mille ftades dans le Continent fur deux mille qu'elle a le long de la Mer. Elle a été autrefois plus peuplée qu'aucun lieu du Monde & elle l'eft encore aujourd'hui autant qu'aucun autre; car, fans parler d'un nombre infini de gros villages, elle avoit dix-huit mille villes felon les Annales facrées, & fous le regne de Ptolémée fils de Lagus il en reftoit plus de trois mille, qui fubfiftent encore aujourd'hui. (1) Dans un dénombrement général qui fe fit autrefois des Egyptiens on en compta jufqu'à fept millions, & aujourd'hui encore il n'y en a guere moins de trois millions. On dit que c'eft à la faveur de cette multitude prodigieufe d'habitans que les anciens Rois de

(1) Theocrite, Idyl. 17. en compte 33339 fous Ptolémée Philadelphe: ce qui me fait foupçonner une erreur par défaut dans le nombre de trois mille.

l'Egypte ont élevé des édifices, & achevé d'autres entreprifes qui éterniferont leur mémoire & feront l'étonnement de tous les fiecles. Nous en donnerons bientôt les descriptions particulieres: mais à préfent nous devons parler de la nature du Fleuve & des propriétés du terroir de l'Egypte.

culiere du

LE NIL eft porté du Midi au Septen- XVII. trion; fa fource eft inconnue (1) parce Defcription partiqu'elle eft dans le fond de l'Ethiopie, en des lieux que les ardeurs du Soleil rendent Nil. inacceffibles. C'est le plus grand Fleuve du monde & qui traverfe le plus de pays. Il ferpente dans la premiere & la plus longue partie de fon cours, & décline tantôt à l'Orient du côté de l'Arabie, tantôt à l'Occident du côté de la Libye. (2) A le fuivre dans fes tortuofités depuis les montagnes de l'Ethiopie jufqu'à la mer, il parcourt douze mille ftades. En quelques endroits bas il eft contenu par fes rivages, mais en d'autres il fort de fon lit qui fe trouve trop étroit, & fe répand du côté de la Libye fur des fables très-profonds qui

(1) On la connoît aujourd'hui. Voyez l'Afrique de Dapper, & autres Relations.

(2) Nous fupprimons ici une phrafe où il eft parlé de Méroé dont l'Auteur parlera bientôt plus au long. Mais d'ailleurs il eft dit dans cette phrafe que Meroé a 22 ftades ou un peu moins d'une lieue de largeur; ce qui est bien différent de la largeur de mille ftades que l'Auteur lui donne plus bas; & ce qui prouve que cette phrafe eft une addition étrangere qui s'est gliffée mal-à-propos dans le texte.

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