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leur rôle les Quefteurs, les Ediles, & les Tribuns créés depuis le dernier dénombrement. C'eft ce que Mr Middleton s'attache à prouver par des in ductions très ingénieufes, que nous ne faurions a bréger fans les afoiblir. Il fufira de rapporter un fait, qui prouve que ces Magiftrats n'étoient pas les feuls à qui leur charge donnât une place dans le Sénat,Tite Live nous apprend qu'un Pontife de Ju. piter fit revivre fes droits à la qualité de Sénateur, qui par la négligence de fes Prédéceffeurs avoient été depuis longtems oubliés. Sa demande fut rejettée par le Préteur; mais les Tribuns & le Peuple auxquels il en appella la trouvèrent fondée, & confirmèrent fes droits.

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Les Cenfeurs fucceffeurs des Confuls dans une partie de leurs fonctions n'eûrent pas plus de pouvoir qu'eux. Le Peuple plus puiffant qu'il ne l'avoit encore été difpofoit de toutes les places & de tous les honneurs. Tite Live jufque-là fi peu populaire fait dire à Canulejus, que depuis les Rois les Sénateurs étoient élus par la volonté du Peuple (a), & Ciceron attribue partout à ce Peuple fa propre election. (b) Mr de Vertot en convient, mais felon lui les faits & les exemples font formellement oppofés au témoignage de ces deux Auteurs, Ce n'eft pas ainfi que penfe Mr Middleton. Quelque conféquence,dit-il,que ces faits paroiffent infinuer à une vue légère, & dans un fi grand éloignement, ils A s

doi

(a) Aut ab Regibus letti (in Senatum) aut poft Reges exaltos juffuPopuli.Liv.IV 4. Remarquez que ce paffage n'eft guère favorable à la prérogative du Peuple fous les Rois & que les interprétations de Mr Middleton ne pourroient y être apli quées,

(b) Cujus, (Populi Romani) beneficio in hunc ordinem venimus. In Verr. IV. 11. Voy. aufli Poft redit. in Senat, I. Pre cluent. 56. Pro Sext.137.

doivent être interprétés d'une manière conforme à des autorités auffi précises. Voyons après lui fi cette conciliation eft auffi difficile qu'elle l'a parue au favant Abbé.

Et d'abord l'exclufion que les Cenfeurs don-. noient aux Sénateurs indignes n'étoit qu'une marque d'ignominie le plus fouvent paffagère & ja, mais fans appel (a). Ils publioient les raifons de leur cenfure, & lorsque des intérêts ou des reffentimens leur faifoient outrer la févérité, leur jugement ne duroit qu'autant que leur charge. Dans les cas même, où ces Magiftrats plus diftingués encore par leur fageffe & par leur intégrité que par leurs titres & par leur âge condamnoient avec juftice, il fufifoit qu'ils le fiffent d'une manière arbitraire, pour qu'on annullât leurs Arrêts. Caton l'ancien ayant exclu du Sénat le frere de T. Flaminius juftifia fa démarche par une Harangue. Il adreffa la parole à celui qu'il avoit chaffé, & lui dit que s'il fe croyoit condamné injuftement, il pouvoit fe défendre, en fe foumettant à un jugement régulier, Sur quoi Tite-Live remarque que fi Ca. ton avoit fait ce Difcours, avant d'exclure le coupable, fon frère n'auroit pu le fauver, quand même il auroit été Cenfeur,

Dans tous les tems de la République, les Magiftratures ouvrirent l'entrée du Sénat, & ellesfufifoient pour le remplir. Mais jufqu'à ce que ceux qui en devenoient ainfi les Membres eûffent été infcrits fur la lifte, ils n'avoient pas le droit de

par

(a) Cenforis judicium nihil fere damnato affert nifi ruborem. Itaque quia omnis ea judicatio verfatur tantummodo in nomine, animadverfio illa ignominia dicta eft. Fragm. de Rep. IV. Ciceron s'explique ailleurs d'une manière encore plus forte. I eft vrai que c'eft en Orateur, Pro Cluent. 42. 43.44.

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parler dans les Affemblées & devoient fe contenter de voter du pié. Auffi leur donnoit-on le nom de Pédaires, nom qui, lorfque cette coutume fut abolie, paffa à ces foibles Sénateurs foumis fans examen à l'opinion des puiffans, & qui dans cette dernière fignification a toujours convenu à un grand nombre de perfonnes.

Outre le rôle du Sénat, les Cenfeurs étoient encore chargés du soin d'affermer les terres, & de contracter pour les Ouvrages publics; mais ils ne s'en acquitoient qu'au nom & fous les yeux du Peuple, dont ils fe regardoient comme les Adminiftrateurs. Il en étoit de même lorfqu'ils faifoient le Cens. Cet acte quelque folemnel qu'il fût ne confirmoit pas les droits des particuliers à la Bourgeoifie, droits dont la détermination dépendoit du Peuple, mais indiquoit feulement que ceux qui avoient été infcrits paffoient dans ce tems-là pour Citoyens (a). Ne peut-on pas préfumer par une raifon toute pareille, que la lifte du Sénat que faifoient les Cenfeurs ne donnoit ni n'ôtoit les droits à aucun des Membres, à moins qu'elle ne fût confirmée ou par le confentement tacite ou par le commandement exprès de tout le Peuple?

Mais de quelle manière rempliffoit-on le Sénat dans les cas extraordinaires de guerre ou de pefte? Les Historiens ne nous ont confervé que deux exemples d'elections faites dans de pareilles circonftances. L'une eft de l'an 441 fous les Cenfeurs Appius Claudius &C. Plautius. Ils remplirent le Sénat de fils d'Afranchis. Mais leur nomination ne fut point regardée comme valide, & le premier foin

(@) Cicer · pro Archia. ́s, & Liv. X.52.

foin des nouveaux Confuls fut d'annuller par un appel au Peuple cette procédure illégitime.

Une election bien différente eut lieu après la bataille de Cannes. Le Dictateur M. Fabius Buteo, qui au défaut de Cenfeurs fut établi pour remplir le Sénat trop afoibli, en fit lire la dernière lifte dans une Affemblée publique. Il y ajouta enfuite les noms de ceux, qui depuis ce tems-là avoient eu ou qui occupoient actuellement quelque Magiftrature Curule. Enfin les Guerriers qui avoient remporté des dépouilles, ou obtenu des Couronnes civiques devinrent à jufte titre les Pères d'une Patrie qu'ils avoient défendue, Le Peuple aplaudit, & le Dictateur fe démit de fon emploi. Mr de Vertot tire de ces deux faits les plus fortes preuves de fon fentiment. Si la nomination, dit-il, des nouveaux Sénateurs avoit dépendu des fufrages de la multitude, ni Fabius Buteo n'auroit mérité les louanges qu'on lui donna, ni Appius Claudius & Plautius la bonte où ils fe virent expofés. Mais dans ces deux cas le pouvoir du Peuple fut-il reftreint dans les bornes de l'éloge ou du blâme ?Tant s'en faut puifque dans le premier il caffa l'election, & que dans le fecond fon aprobation le rendit durable.

Ne pourroit-on pas cependant concilier les Siftêmes de nos' deux Savans? & n'y auroit-il pas dans cette controverfe ce qui eft dans prefque toutes les difputes, je veux dire de l'équivoque? Il paroît ce semble affez évidemment que les Cenfeurs ou les autres Magiftrats qui rempliffoient leur place, nommoient les Sujets qu'ils jugeoient dignes de l'admiffion dans le Sénat, mais que dans ce choix ils étoient obligés de s'aftreindre à des règles, qu'ils ne violoient pas impunément. Ceci

n'eft

n'eft pas une fimplé fupofition. Feftus fait mention d'une Loi qu'il apelle O vinienne. Elle prefcrivoit aux Cenfeurs de choifir dans une Affemblée des Curies, les hommes les plus diftingués des divers Ordres (a). Mais il faut avouer que s'ils é toient les maîtres de décider qui étoient ces Citoyens les plus diftingués, leur autorité n'étoit limitée qu'en aparence.

Silla,qui après avoir rempli la ville de fang s'affura une mort tranquille, en rendant au Peuple fes privilèges, commença par lui remettre le foin de remplir le Sénat épuifé par les profcriptions. Cet te election plus grande qu'aucune des précédentes fit entrer dans le Sénat nn plus grand nombre de Sujets indignes. La Cenfure négligée depuis dix fept ans redevint néceffaire. Ceux qu'on éleva à cette charge exclûrent foixante fept perfonnes, dont le plupart fe vîrent enfuite de nouveau & Magiftrats & Sénateurs. Cette févérité peutêtre un peu trop outrée donna lieu à P. Clodius de propofer une Loi, qui ne permettoit aux Cenfeurs d'exclure aucun Sénateur, qui n'eût été accufé dans les formes, & fur la condamnation duquel ils ne fûffent unanimes. Cette Loi étoit jufte, & Ciceron ne l'auroit pas blâmée, fi elle ne fut pas venue de fon ennemi. Faut-il que dans les plus grands hommes les paffions l'ayent toujours emporté fur les lumières !

De ce qu'on vient de dire fur la manière dont fe firent les Sénateurs dans les divers fiécles de la République, il s'enfuit que le nombre ne peut en avoir été conftant. Ce n'eft qu'à peu près qu'on

(a) In voc. Præteriti.

le

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