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Dans l'Ouvrage même dont nous avons extrait les Prolégomènes, M Holman commence par ce qu'il y a de plus général en Métaphyfique, & par les définitions de l'Etre & du Poffible, qui mènent fucceffivement à d'importantes conclufions.

Il a divifé ce Tome en deux parties. La première traite généralement de ce qui fuit néceffairement de la notion de l'Etre ou réel ou poffible. On y trouve les définitions de l'Effence, & celle de l'Existence, du Contradictoire, de l'Impoffi ble & des preuves de l'Impoffibilité. Delà M Holman paffe au fameux principe de la Raifon fuffifante qui eft le fecond Axiome fondamental de M Leibnitz. Quoique peu favorable au Succeffeur de ce grand génie M Holman adopte ce principe, & le met à couvert de toute contradiction, Les définitions fi difficiles & fi difputables du Lieu, & de l'Efpace fuivent le principe dont nous venons de parler. Notre Auteur admet l'Espace indépendant de la matière qui le remplit: mais il fait voir que c'est un Etre de raifon qui n'exifte point, qui n'eft point étendu, qui n'eft ni Subftance ni Accident, mais une fimple manière de penfer. Il ne convient pourtant pas que l'Efpace foit de l'ordre des Etres coexiftans.:

La Durée a été l'écueil où bien de grands-hommes ont échoué. M Holman fait fes efforts pour le détruire; il s'eft apliqué à ôter toute occafion de difpute, de confufion ou d'erreur fur cette idée fondamentale; elle n'eft autre chofe, felon lui,que la continuation de l'exiftence d'un Etre qui exifte & qui ne ceffe pas d'être, auflitôt qu'il a exifté.

La feconde partie de fa Métaphifique roule fur les Etres poffibles par leur effence ou par leur exB 2 iftence

iftence, & fur les fuites de cette poffibilité. M Hol man entre en matière par une controverfe des plus fameufes, & à la discuffion de laquelle l'Académie Royale de Berlin vient de mettre un prix. C'eft de l'Etre fimple dont il s'agit. M Holman tourne de tous côtés l'idée de l'Etre fimple & celle de l'Etre compofé, il en diffèque la notion & il en déduit par ordre géométrique, ce qui fuit de ces notions, à peu près, comme on déduit les propriétés du triangle de fa définition. Il fépare le fimple Phyfique,ou l'atôme du fimple Mathématique, ou du Point & du fimple Métaphyfique qui eft la monade. Il admet le nom de celle-ci, mais il doute fort de fon exiftence & de ce qu'on a tâché d'en conclure. Cette recherche eft fort abrégée, on pourroit fouhaiter de la voir plus détaillée. Il y a des queftions à la mode qui nous intéreffent, parce que la réputation de quelque illuftre vivant en dépend en quelque manière; nous ferions bien aifes d'être mis au nombre des Juges par ce raison, & par conféquent nous fouhaiterions qu'un Avocat connoiffeur nous raportât le procès, M Holman auroit pu être cet Avocat là: peutêtre le fera-t-il dans la Preumatologie?

La notion de la Quantité vient à la fuité de celle du Compofé. M Holman détaille toutes les différentes manières; felon lefquelles on peut concevoir uneQuantité. Le Mouvement eft lié à laQuantité, puifque la mesure de celle-ci eft prefque toujours la mefure de la Force, M Holman y attaque par les fondemens la meture des Forces de Leibnitz fi paradoxe, & fi difficile à recevoir même de la main de Bernoulli & de 's Gravezande. Il ôte à cette mefure l'appui de la Métaphyfique que fes défen

feurs

feurs opposent aux objections tirées de l'expérience, & il fait voir par les définitions mêmes que la Force mouvante ne peut être ni plus grande ni plus petite que la Quantité du mouvement, qui eft en raifon compofée de la viteffe & de la maffe.

Les idées du Tout & des Parties mènent M Holman au Parfait & à l'Imparfait, & delà à la notion de l'Infini. Il limite celle-ci, & fait voir que pour être infini, un Etre n'a befoin que de la perfection des attributs, qui peuvent appartenir à fon genre. L'efprit peut être infini fans pofféder les propriétés du corps, & le tems fans rien pofféder des attributs de l'efpace. Un Homme illuftre eft relevé à cette occafion, pour avoir confondu ces bornes dont l'Infini même ne fauroit fe défendre.

La queftion de la Divifibilité de la matière à l'in fini eft traitée fort au long. M Holman sépare à fon ordinaire les différentes manières felon lefquelles un Etre eft divifible. Il diftingue fur tout la Divifion mentale, de la Divifion phyfique ; il en revient par-là à la diftinction de M Bayle. La Quantité fimultanée ne peut pas être divifible à l'infini felon MHolman:il répond aux démonstrations des Mathématiciens, que leurs lignes,qui en divifent d'autres à l'infini, font réellement des lignes mentales & oppofées à des lignes phyfiques, & qu'elles ne démontrent qu'une Divifibilité en idée, dont perfonne ne difconvient. Pour l'Etre fucceffif, ou la Durée, l'Auteur convient qu'elle peut être divifée à l'infini.

La matière des Principes vient enfuite à être confidérée:celui de la Raifon fuffifante eft appuyé par de nouvelles preuves: les différentes espèces de Caufes font développées,& le Néceffa're & le Con

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Contingent font déterminés. La dernière de ces Notions fi difficile & fi litigieufe eft mife dans un nouveau jour par M Holman, à la faveur d'une diftinction nouvelle entre la néceffité d'effence & la néceffité d'exiftence. La Liberté même fi certaine, fi fenfible, & cependant fi difficile à comprendre, ne peut être définie qu'avec cette reftriction; il faut pour la Liberté trois chofes différentes, mais qui doivent le trouver réunies: la Contingence d'une action, la faculté de fe repréfenter cette action, & la faculté de fe déterminer par ces repréfentations. M Holman s'arrête-là; il ne décide pas encore s'il y a véritablement des Etres qui jouiffent d'une Liberté auffi parfaite, que la demande cette définition,

De la Liberté M Holman paffe à confidérer le Tems & P'Eternité; il tâche de diffiper les doutes qui obfcurciffent cette matière, par le moyen de la diftinction entre le tems interne & le tems externe. Il fe défend fur la fucceffion qu'il attribue à l'Eternité & il repouffe les objections de quelques Philofophes modernes : l'idée de l'Eternité eft une efpèce de durée, felon notre Auteur, & la durée est une existence continuée, & par conféquent fucceffive. L'Eternité même ne peut donc pas être fans fucceffion.

Vers la fin de l'Ouvrage M. Holman paffe aux Subftances & aux Modes. Il donne la définition fondamentale de la Subftance, manquée par tant de Métaphyficiens, dont il relève les bévues. C'eft felon lui un Etre, qui dès qu'il exifte, n'a plus befoin d'un autre pour continuer d'exifter. Cette dé finition paroît expofée à quelques objections Dien ne feroit-il pas l'unique Subftance fur ce pić-là,

&

& n'en revient on pas aux idées de Spinoza? M Holman répond à cette objection, il en renvoie la conféquence odieufe à Defcartes, qui avoit défini la Subftance, P'Etre qui pour exifter n'a befoin que de lui-même. On voit bien que M Holman n'attribue pas l'existence de la Subftance à elle même, il la prend créée, & il ne lui donne que le privilège de continuer d'être fans une nouvelle création.

La Théorie des Forces, ou des efforts de la matière termine ce Volume. M Holman y fait un dangereux procès à M de Leibnitz. Ill'accufe d'avoir dérobé toute fa doctrine fur la force, effentielle à la matière, d'un Médecin Anglois, grand Anatomifte, profond Métaphyficien, mais un peu Vifionnaire, dont l'ouvrage avoit été imprimé à Londres peu d'années avant le voyage qu'y fit M de Leibnitz. C'eft de Gliffon dont je parle, qui dans fon Livre de vita Naturae,attribue à la matière une Vie, ou une espèce d'effort continuel. Ce n'eft pas fout encore, M Holman accufe M de Leibnitz d'avoir mal digéré ce Roman,copié à la fourdine, de s'être contredit à tout moment, d'avoir enten du par la Force, tantôt la matière même, tantôt je ne fçais quel Etre fubftancié, & tantôt une véritable Entelechie, une forme fubftancielle renouvellée des Grecs. Ce fondement ruiné, la théorie de la mefure desForces deM de Leibnitz doit crouler d'elle même, & retomber dans le néant, dont la force attribuée à la matière l'avoit tirée.

Un Lecteur appliqué, qui ne fe refufera pas à la fatigue d'un livre entièrement raisonné & qui peut fe paffer d'ornemens, ne fe divertira pas à la véri té en lifant l'ouvrage de M Holman; mais il s'inftruira,

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