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Il me femble que la plupart des Interprétes n'ont pas trop bien compris l'action d'Eole, lorsqu'il lacha les vents fur la flotte d'Enée.

. cavum converfa cufpide montem (a) Impulit in latus:

Cavum montem, c'est-à-dire, l'antre, dit Burman, ou bien pouffant de côté les barres, il ouvrit l'antre en pouffant la porte de côté. C'est dire qu'on devine à peu près le fens & c'eft en même tems s'y tromper. Voici, à ce que je crois l'idée de Vir gile, qui s'eft exprimé un peu obfcurément. Eole tournant l'arme qu'il avoit à la main, en paffa la pointe fous la montagne dans laquelle les vents étoient enfermés, & en foulevant la montagne il la pouffa un peu de côté. Ce mouvement fit une ouverture par laquelle les vents s'échapèrent.

Mr. Burman prétend que a vertice fignifie par derrière retrò,dans ce vers,

Ipfius ante oculos ingens a vertice pontus (b)
In puppim ferit.

Je ne crois pas que ce mot fe foit jamais pris dans ce fens, malgré les autorités & les exemples que le favant Editeur allègue pour défendre fon interprétation. La crainte de tomber dans une exceffi. ve longueur ne me permet pas de les réfuter les uns après les autres. Jeremarquerai feulement que a vertice peut fignifier premièrement ab alto comme En. 1. 403. & Liv. XI. 577. 2o. Il peut défigner le commencement d'une chofe, la partie la plus avancée, la tête d'un bois, comme dans les Géorgiques 2. 310. Stace 7. 117, 118, & c'est dans

(a) Liv. I. 81.

(b) Liv. I, 114.

ce

ce dernier fens qu'il faut l'entendre ici, après De la Rue & Drakenburg. Vertex eft la partie la plus avancée du vaiffeau, la prouë, la tête du vaiffeau comme les Anglois l'appellent, the head.

Dans la réponse de Didon à la harangue d'Ilionée, cette Reine s'exprime en ces termes :

Solvite corde metum Teucri:fecludite curas. (a) Res dura, & regni novitas me talia cogunt Moliri &c.

Mr Burman croit qu'il faudroit lire, comme il l'a trouvé dans quelques anciennes Editions,

Res dura: at regni novitas me talia cogit &c. & expliquer res dura, comme s'il y avoit durum eft, durum eft vos hofpitio prohiberi arenae, fateor, at. Il me femble que ce vers ne peut que difficilement s'entendre de cette manière où il eft placé, c'eft pourquoi je préférerois la leçon ordinaire. Didon pouvoit bien apeller res dura les circonftances où elle fe trouvoit.

Je m'arrête ici pour me renfermer dans des bornes que cette matière, plutot que toute autre, ne permet pas de furpaffer, & je me reserve de rapporter dans un troisième & dernier extrait la fuite de mes remarques. Je ne faurois, ce me femble, faire mieux goûter le plan, que je me fuis fait de donner une espèce d'Effai de critique fur ce grand Poëte, qu'en ménageant l'attention que mon Lecteur voudra bien me préter.

(a) Liv. I. $62.

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ARTICLE V.

LETTRES EDIFIANTES & CURIEUSES fur la Vifite Apoftolique de M. DE LA BAUME,EVÊque d'Halicarnaffe à la Cochinchine en l'année 1740; où l'on voit les voyages & les travaux de ce zèléprélat, la conduite des Miffionnaires Jéfuites & de quelques autres, avec de nouvelles Obfervations, &c. pour fervir de continuation aux Mémoires Hiftoriques du R. P. NORBERT Capucin: Par M. FAVRE, Prêtre Suif fe, Protonotaire Apoftolique & Provifiteur de la même Vifite. AVenife chez les Freres Barzotti à la place S. Marc. 1746. Avec la permiffion des fupérieurs. C'est un in quarto de 379 pag. & & pour la Préface.

LA Guerre allumée à la Chine & dans quelques

autres endroits de l'Afie entre les Miffionnaires Jéfuites & ceux de quelques autres fociétés, n'est pas encore prête à finir. Malgré les foins de plufieurs fouverains Pontifes pour éteindre ce feu, il dure depuis un grand nombre d'années & a pénétré en Europe,où les adverfaires de ces P.P.ont mis au jour divers écrits auffi curieux qu'interreffans. On eut occafion il y a quelques années de rendre compte dans ce Journal (a) d'un ouvrage. de ce genre. L'Auteur de l'Extrait y fit en abrégé l'hiftoire des différens occafionnés par la lâche

con,

(a) C'eft le Journal Hiftorique de la Légation de Mr Mezzabarba à la Chine, dont on trouve l'Extrait au Tom. XXV. de cette Bibliotheque,pag. 102 & 327.

condescendance des Jéfuites à tolérer aux Chinois le mêlange de leurs cérémonies fuperftitieufes & idolâtres avec celles qui font autorifées dans le culte qu'on rend à Dieu dans l'Eglife Romaine. Nous ne répéterons pas ici ce qui fut dit à cette occafion; & fans rappeller la manière indigne dont ces P.P.traitèrent M. Mezzabarba,Légat du St. Siége à la Chine, nous allons montrer qu'ils n'eûrent pas plus d'égard à la Cochinchine, pour Mr de la Baume, Evêque d'Halicarnaffe, & Vifiteur Apoftolique dans cette partie de l'Afie. Mais avant cela, il faut dire un mot du livre auquel celui que nous annonçons fert de fuite; auffi bien que de Mr Favre, Auteur de ces Lettres édifiantes & curieufes.

Le livre auquel ces Lettres fervent de fuite, eft les Mémoires Hiftoriques du R. P. Norbert, Capucin de Bar-le-Duc, de la Province de Lorraine, Prédicateur, Miffionnaire Apoftolique dans les Indes Orientales, Supérieur du nouvel établissement des Religieufes Urfelines de Pondicheri & Procureur des miffions Malabares à la Cour de Rome. Ce Père fut nommé en 1736 pour aller en miffion dans les établiffemens François des Indes Orientales; & Pondicheri fut le principal lieu de fa réfidence pendant environ quatre ans qu'il demeura dans ce pays. Il paroît par une multitude de lettres que le P. Norbert s'eft aquis, tant en Europe que dans les Indes, l'eftime d'une infinité d'honnêtes gens. Ses heureux talens pour la prédication le tîrent choifir en 1737 pour prononcer à Pondicheri l'Oraifon funèbre de Mr de Vifdelou, Evêque de Claudiopolis. Elle fut fort goûtée de tous ceux qui l'entendîrent & qui l'ont

lue,

Jue, excepté des Jéfuites & de leurs amis. Cet Evêque avoit été de la fociété, & fe trouvoit en miffion à la Chine lorfque le Cardinal de Tour non y fut envoyé par le Pape. Comme il avoit défaprouvé la Doctrine des Miffionnaires de la même Compagnie que lui, au fujet des cultes Chinois, il les abandonna dans la cruelle perfécution qu'ils fîrent à ce Légat du St. Siége. Auffi étoitil perdu fans l'amitié du Supérieur des Jéfuites de Canton; dont la puiffante protection lui attira cette foudroyante lettre de la part de leurs Pères de Pekin: M. R. P. Nousfommes tous furpris de la manière dont vous agissez avec le P. Vildelou. C'est un homme qu'il faut chaffer de la fo ciété: C'est le plus grand ennemi qu'elle ait eu. Avec ces fortes de gens, il faut agir avec le fer & le feu. Le Cardinal de Tournon ayant appris le danger où étoit ce Père, le fir paffer à Pondicheri fur un vailleau Anglois, avec ordre d'y refter chez les Capucins jufqu'a ce que Rome lui envoyât des ordres pour paffer en Europe. Les Jéfuites eurent grand foin d'en empêcher l'expédition ; & ils tîrent ufage de leur crédit pour le laiffer mourir à Pondicheri, lieu de fon exil.

Il eft aifé de comprendre que le P. Norbert fit ufage dans fon Oraifon funèbre de ces divers matériaux. La manière dont il les mit en oeuvre déplut à la fociété, qui ne négligea rien pour perdre en Europe notre Orateur. Cela l'obligea à quitter fa miffion pour aller travailler à fa défense; & il arriva au port de l'Orient en Bretagne au mois de Septembre 1740. Pour réfuter les calomnies de fi puiffans adverfaires, le P. Norbert travailla, par le confeil & l'autorité de plufieurs perfonnes du plus

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