mes ne composent avec les Dieux qu'une même famille & qu'une même généalogie. Car lorsqu'on agite la question de la nature en general, on a coûtume de raisonner dans ce systême; sçavoir qu'après un long cours de siécles & une faite non interrompue de révolutions célestes, vint enfin le 42 tems destiné & propre à répandre la semence du genre humain, qui tombant éparfe sur la terre, reçut des ames de la liberalité divine; que les hommes retinrent de leur origine terrestre les corps périffables & mortels ausquels ils font attachez; mais que pour leur ame, elle vient immédiatement de Dieu; & c'est de là que nous pouvons véritablement dire, que nous appartenons aux Dieux à titre ou de confan. guinité, ou de parenté plus ou moins proche. Ainsi entre tant d'autres efpéces d'animaux l'homme seul a quel que idée de la divinité, & parmi les hommes il n'y a point de nation si féroce & si sauvage qui ne scache qu'il faut avoir un Dieu, quelque peu instruite qu'elle soit des Attributs qui le caracté. rifent, d'où je conclus que pour con Deum deceat, tamen habendum: sciat. Ex quo efficitur illud, ut is agnofcat Deum, qui, unde ortus fit, quasi recordetur & agnofcat. - Jam verò virtus, eadem in homine ac Deo eft, neque alio ullo ingenio prætereà. Estautem virtus nihil aliud, quàm in se perfecta, & ad fummum perducta natura. Eft igitur homini cum Deo fimilitudo. Quod cùm ita fit, quæ tandem potest esse propior, certiorve cognatio? Itaque ad ho. minum commoditates, & ufus tantam rerum ubertatem natura largita eft, ut ea, quæ gignuntut, donata confultò nobis, non fortuitò nata videantur: nec solùm ea, quæ frugibus, atque baccis terræ fœtu profunduntur, sed etiam pecudes: quod perfpicuum fit, partim esse ad ufum homi num, / 49 noître Dieu, il suffit de se souvenir & de reconnoître d'où l'on est sorti. Maintenant la vertu, qui ne se trou ve en nul autre esprit, 43 est la même en l'homme qu'elle est en Dieu. Or, la vertu n'est autre chose qu'une nature accomplie & amenée à sa perfection; il y a donc une ressemblance entre l'homme & Dieu: & cela étant, peut-il y avoir une affinité plus prochaine & mieux prouvée que celle-là? Il ne faut pas s'étonner après cela fi la nature attentive à nos besoins, nous ouvre les trésors avec tant de profusion; il est aisé de reconnoître dans les choses qui sortent de son sein, que ce sont de véritables dons répandus avec intention, & non point des produAions fortuites de sa fecondité: car il faut comprendre dans ses libéralitez non seulement les légumes & les fruits dont la terre se décharge en notre faveur, mais encore les bêtes dont il est évident que les unes font faites pour > la commodité de l'homme, les autres pour lui fournir leur dépouilles, & les autres pour lui servir d'alimens. Outre cela on a fait la découverte d'une C 4 ; 1 A num, partim ad fructum, partim ad vefcendum procreatas. Artes verò innumerabiles repertæ funt, docente naturâ. Quam imitata ratio, res ad vi tam neceffarias folertiâ confecuta eft. Ipsum autem hominem eadem natura non folùm celeritate mentis ornavit, fed etiam sensus tanquam satellites attribuit ac nuntios, & rerum plurimarum obfcuras nec fatis apertas intelligentias inchoavit, quasi fundamenta quædam scientiæ, figuramque corporis habilem, & aptam ingenio humano dedit. Nam cùm cæteras animantes abjecisset ad pastum, folum hominem erexit, ad cœlique, quasi cognationis domiciliique priftini confpectum excitavit ; tùm fpeciem ita formavit oris, ut in eâ penitus reconditos mores effingeret. 51 infinité d'Arts, la nature en a frayé les premiéres voyes, & la raison s'étant étudiée à l'imiter, elle a aquis par fon adresse, la connoissance de toutes les choses nécessaires à la vie. Quant à l'homme, cette même nature ne s'est pas contentée de lui donner un esprit prompt & actif, elle a ajoûté les sens comme autant de gardes & de messagers, & elle a débrouillé l'obscurité des premiéres idées avec lesquelles nous naissons, qui deviennent par là les fondemens de nos connoiffances. Enfin elle a donné au corps une forme propre & convenable à l'esprit qui l'anime : car au lieu qu'elle a courbé les autres animaux vers la terre pour y prendre leur pâture, elle a donné à l'homme une posture droite; afin qu'à l'aspect du ciel il eût toujours présentes & fon origine & fon ancienne demeure. Ajoutez à cela la conformation de ce vifage, dont les traits sont autant de coups de pinceau qui représentent au naturel nos inclinations les plus cachées. 1 |