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dans le cheval: à plus forte raison doit-on diftinguer par la nature l'honnête d'avec le honteux.

Car fi l'opinion devoit décider de la vertu prife généralement, il faudroit auffi s'en rapporter à elle pour juger des vertus en particulier; mais qui voudra fur la foi des apparences juger d'un homme qu'il eft prudent ou avifé ce qu'on ne fçauroit dire fans en connoître le fond, & ainfi des autres. vertus ; car la vertu eft une raison perfectionnée, ce qui certainement eft dans la nature. En effet, de même que nous jugeons du vrai & du faux, des conféquens & des contraires, par ce qu'ils font, & non autrement; de même juget'on d'une forme de vie conftante & qui ne fe dément point, qui eft ce qu'on appelle vertu, & de l'inconftance, qui eft un vice, par leur propre nature.

Nous jugeons de l'efprit des jeunes gens, non par l'opinion que nous avons des autres efprits, mais par ce qu'ils font en eux-mêmes : & nous jugerions fur des opinions, des vices & des vertus qui font uniquement du reffort de la nature ! N'eft-ce pas à celle-ci qu'il s'en faut rapporter 2

Quod laudabile bonum eft, in fe habeat quod laudetur necesse eft: ipfum enim bonum, non eft in opinionibus, fed in natura. Nam ni ita effet, beati quoque opinione effent, quo quid dici poteft ftultiùs? quare cùm & bonum & malum naturâ judicetur, & ea fint principia naturæ ; certè honefta quoque & turpia, fimili ratione dijudicanda, & ad naturam referenda funt..

Sed perturbat nos opinionum varietas, hominumque diffenfio:& quia non idem contingit in fenfibus, hos naturâ certos. putamus: illa, quæ aliis fic, aliis fecus, nec iifdem femper uno modo videntur, ficta effe dicimus. Quod eft longè aliter. Nam fenfus noftros non parens, non n«trix, non magifter, non poëta, non fcena depravat, non multitudinis

n'est-ce pas elle qui doit décider entre l'honnête & le honteux ?

Le bien qui eft louable doit renfermer en foi ce qui le fait louer : car le bien n'eft pas bien par opinion, il eft tel par fon effence;& fi cela n'étoit pas,l'opinion feroit feule le bonheur des heureux:que peut-on dire de plus abfurde? Ainfi puifque nous jugeons du bien & du mal par leur nature, & que le bien & le mal font les véritables principes de l'honnête & du honteux ; nous devons juger de la même maniére de ce qui eft honnête ou honteux, & le rapporter à la nature.

Mais ce qui nous fait prendre le change, c'est la diverfité des opinions, & la contrariété des pensées des hommes; & parceque le même inconvénient ne fe rencontre pas dans nos fens, nous les croyons infaillibles; au lieu que l'efprit montrant les chofes, aux uns d'un certain côté, aux autres d'un autre, & non pas toujours de même, nous traitons cela d'illufions ; erreur groffiére: car à l'égard de nos fens, ce n'eft ni une mére, ni une nourice, ni un maître, ni les Poétes, ni les fpetacles qui les corrompent, ni les pré

confenfus abducit. At verò animis omnes tenduntur infidiæ, vel ab iis ques modò enumeravi, qui teneros & rudes cùm acceperunt inficiunt & fleetunt, ut volunt: vel ab eâ, que penitus in omni fenfu implicata infidet, imitatrix boni voluptas, malorum autem mater omnium, cujus blanditiis corrupti, quæ naturà bona funt, quia dulcedine hac & fcabie carent, non cernimus fatis.

Sequitur, ut conclufa mihi jam hæc fit omnis oratio(id quod ante oculos ex iis eft, quæ dicta funt) & jus & omne honeftum, fuâ fponte effe expetendum, Etenim omnes viri boni ipfam equitatem & jus ipfum amant, nec eft viri boni errare & diligere quod per fe non fit diligendum. Per fe igitur jus eft expetendum & colendum: quòd fi jus, etiam juftitia. Sic reliquæ quoque vir

jugez populaires qui les féduifent; mais les embûches fe tendent toutes à notre efprit, foit par le miniftére de ceux que je viens de nommer, qui nous obfédans dès l'enfance, nous font prendre à cet âge maniable & fufceptible tous les plis & toutes les impreffions qu'ils veulent, foit par les amorces de cette volupté, qui fe cantonnant dans nos fens, imite le bien, tandis qu'elle enfante tous les maux imaginables: d'où il arrive qu'accoutumez à fes careffes trompeufes, nous devenons pref que infenfibles aux vrais biens, parcequ'ils ne nous offrent rien ni de fi doux, ni de fi chatouillant.

Enfin, pour ne laiffer rien à dire fur ce fujet, il eft aifé de comprendre par ce que je viens d'établir que le droit & tout ce qui eft honnête eft défirable en foi; car tous les gens de bien aiment l'équité & le droit pour ce qu'ils font en eux-mêmes; & il n'eft pas à préfumer que les gens de bien fe trompent en aimant ce qui ne meriteroit pas d'être aimé. Le droit eft donc une chofe défirable & aimable par elle-même; & fi cela eft vrai du droit, il l'eft par conféquent de la ju

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