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donc de vouloir changer la conftitution de l'ancienne République, je crois qu'il ne s'étoit point fait d'autre but que de réformer les abus de la nouvelle, ou plutôt, car le terme de réformer donne trop d'étendue à l'effet des meilleurs Livres, je crois que Cicéron, dans un tems, où l'ambition des Grands & l'efprit d'indépendance & de faction commençoient à préluder à cette Tragedie funefte, dont le der nier Acte fe devoit terminer par la perte de la liberté, Cicéron, dis-je, traçoit aux yeux de fes Citoyens, l'image d'une Répu blique la plus floriffante qui fut jamais, tandis que les loix, les mœurs, la difcipline, la religion, la fubordination, l'amour de la Patrie, la juftice, le definteref fement, la frugalité, & les autres Vertus y avoient été en quelque confidération : afin de faire com

prendre à ceux, à qui il restoit encore quelque fentiment, que la différence de leur état ne venoit que de la différence de leur vie & de leur conduite.

Pour s'en convaincre, il ne

faut que

lire un endroit du cinquiéme Livre de la République, que S. Auguftin nous a confervé, où Cicéron, après avoir rapporté ce Vers d'Ennius,

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Tout git pour les Romains dans les anciennes mœurs,

poursuit ainfi ; Que nous reste

» t'il de ces anciennes mœurs?... » hélas, les traces en font telle»ment effacées, que nous ne les » connoiffons plus, tant s'en faut » que nous les fuivions encore: » mais que dirons-nous des hom. mes? car la vraye raifon pour laquelle nous n'avons plus de >> mœurs, eft que nous n'avons. plus d'hommes. Etrange di » lette dont nous ne pouvons, pas rejeter la faute fur le ha* Ibidem,

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zard; mais dont nous fommes » en quelque façon obligez de »nous difculper, comme com. plices d'une chofe arrivée par » notre faute, qui ne nous laiffe plus qu'un fantôme de Répu blique, qu'un vain nom, que » l'ombre d'un bien que nous » avons perdu il y a déja long

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tems.

On juge bien que le même ef prit doit régner dans les Livres dont je donne la traduction au Public, & que la fin principale de ces Livres, est de faire envifager le Droit & la Loi comme les fondemens uniques de toutes les fociétez raisonnables.

Dans le premier Livre, Cicéron tâche de donner des idées juftes de ce Droit & de cette Loi, dont les noms employez vulgairement, l'un à fignifier le Droit Civil, l'autre les Réglemens arbitraires des Legiflateurs, ne pré

fentent point à l'efprit d'objet qui faffe fur nous cette impreffion de refpect, que le Droit & la Loi proprement dits méritent; il fait voir que l'un & l'autre tirent leur origine de Dieu même, qu'ils font de l'institution de la nature, ou plutôt que c'eft la nature elle-même, le lien de l'af finité que nous avons avec les Dieux, & de la fociété qui unit les hommes les uns aux autres le principe de notre reconnoif fance envers Dieu, & de notre tendreffe pour nos femblables, la régle immuable de toute juftice, de tout bien, & de tout honneur, & enfin une lumiére commune à tous les hommes qui éclaire la raison du Sage, & qui lui découvre les traces des Vertus qui font l'honnête-homme & le bon Citoyen.

Dans la premiere partie du second, Cicéron propofe les Loix

qui concernent la Religion, le culte des Dieux, les Fêtes, les Ministres facrez, les Cérémonies & leurs dépendances. Dans la feconde, il les explique & en fait voir la fageffe.

Il fuit le même ordre dans le troifiéme, qui contient les Loix touchant le Droit public, la hiérarchie des Magistrats, leur autorité, leur pouvoir & fes limitations, leurs fonctions, leurs qualitez perfonnelles. Un fragment du cinquiéme Livre des Loix rap. porté dans Macrobe*, ne nous permet pas de douter que nous n'ayons perdu au moins deux de ces Livres; je dis au moins deux: car, de la manière dont les Interlocuteurs emploïent le tems, & dont la journée eft diftribuée, il paroît plus vrai semblable qu'il y en avoit fix en tout: mais ce

* Lib. Saturnal. 6. c. §.

C'est le fentiment de Ramus Ciceronian. P. 181.

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