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Dioclétien ramenait le siècle d'or, et Maximien le siècle de fer.

Les deux empereurs soutinrent par leurs victoires les forces et la réputation de l'empire. Tandis que Dioclétien arrêtait les Perses et les Sarrasins, qu'il terrassait les Goths et les Sarmates, et qu'il étendait la puissance romaine du côté de la Germanie; Maximien chargé de la défense de l'Oċcident et du Midi, réduisait dans les Gaules les paysans révoltés, repoussait au-delà du Rhin les Germains et les Francs, et veillait à la sûreté de l'Italie, de l'Espagne et de l'Afrique.

Ces deux princes infatigables, qui comme des. éclairs couraient d'une frontière à l'autre avec une rapidité que l'histoire même a peine à suivre, auraient peut-être suffi à défendre l'empire, s'il n'eût pas été troublé au-dedans par des révoltes, en même temps qu'il était attaqué de tous côtés audehors. Pendant que les Perses menaçaient les bords de l'Euphrate, et les peuples septentrionaux ceux du Rhin et du Danube; Carausius, de simple matelot devenu maître de l'Océan, s'était emparé de la Grande-Bretagne, et ayant battu Maximien, qui n'entendait pas la guerre de mer, il avait forcé les deux empereurs à le reconnaître pour leur collègue; Julien en Afrique, Achilléus en Égypte avaient tous deux usurpé le titre d'Auguste; et les habitants de la Libye Pentapolitaine s'étaient soulevés.

Pour calmer tous ces mouvements, il fallait partager les forces, et leur donner plusieurs chefs. Dioclétien, suivant son système politique, ne voulait mettre à la tête de ses troupes que des com

mandants personnellement intéressés à la prospérité de l'état. Dans ce dessein il songea à créer deux Césars, qui fussent attachés aux deux Augustes, dont ils seraient les lieutenants. Il n'avait qu'une fille de sa femme Prisca: Maximien avait de la sienne, appelée Eutropia, un fils nommé Maxence; mais c'était encore un enfant, qui ne pouvait être d'aucun secours. Ils jetèrent donc les yeux hors de leurs familles. Deux officiers avaient alors une haute réputation dans les armées tous deux avaient appris le métier des armes dans la même école que Dioclétien et Maximien, et s'y étaient signalés par mille actions de valeur. Le premier était Constance Chlore, fils d'Eutrope noble Dardanien, et de Claudia, fille de Crispus frère de Claude le Gothique : ainsi Constance était, par sa mère, petit-neveu de cet empereur. Il avait d'abord servi dans un corps distingué, qu'on appelait les protecteurs; c'étaient les gardes du prince. Il parvint ensuite à l'emploi de tribun. Aussi heureux que vaillant, il fut honoré par Carus du gouvernement de la Dalmatie. On dit même que ce prince, charmé de son amour pour la justice, de sa douceur, de son désintéressement, de la régularité de ses mœurs et de ses autres belles qualités, relevées par la bonne mine et par une bravoure éclatante, eut quelque envie de le déclarer César au lieu de son fils Carinus, dont il détestait les débauches.

L'autre guerrier qui fixa l'attention de Dioclétien, se nommait Galérius; il était fils d'un paysan d'auprès de Sardique, dans la Dace Aurélienne :

son père l'avait occupé dans sa première jeunesse à conduire des troupeaux; ce qui lui fit donner dans son élévation le surnom d'Armentarius. Rien ne démentait dans sa personne sa naissance et son éducation. Ses vices laissaient pourtant entrevoir un certain fonds d'équité, mais aveugle et grossière haïssant les lettres dont il n'avait aucune teinture, fier et intraitable, ignorant les lois et n'en connaissant point d'autres que son épée, il n'avait de grace que dans le maniement des armes. Sa taille était haute et d'abord assez bien proportionnée, mais les excès de table lui donnèrent un embonpoint qui le défigurait. Ses paroles, le son de sa voix, son air, son regard, tout était farouche et terrible.

La prudence de Dioclétien fut cette fois trompée; et en donnant à Galérius le titre de César en même temps qu'il le donna à Constance Chlore l'an de J.-C. 292, il ne prévit pas que sa créature le ferait trembler un jour, et deviendrait le fléau de sa vieillesse. Dans le partage même qu'il fit des deux Césars, il laissa Constance à son collègue, et prit pour lieutenant Galérius, à qui il donna le nom de Maximien, comme un présage de concorde et de déférence à ses volontés. Les deux empereurs par un orgueil frivole avaient pris le surnom, Dioclétien de Jovius, Maximien d'Herculius: chacun d'eux communiqua le sien au César qu'il adoptait. Constance, soit par son âge, soit à cause de sa naissance, fut toujours regardé comme le premier, et il est nommé avant Galérius dans les monuments publics.

Pour se les attacher davantage, les deux Augustes les obligèrent de répudier leurs femmes. Constance quitta à regret Hélène qu'il aimait, et dont il avait un fils âgé de dix-huit ans, qui fut le grand Constantin, pour épouser Théodora, fille d'Eutropia et d'un premier mari qu'elle avait eu avant Maximien. Galérius épousa Valeria, fille de Dioclétien,

On avait déja vu plusieurs fois deux empereurs en même temps : mais ils avaient toujours gouverné solidairement et sans partage. On croyait même que diviser l'empire c'était l'affaiblir et le déshonorer. La raison qui avait déterminé Dioclétien à se donner un collègue et à nommer deux Césars, l'obligeait bien à partager ses forces, mais non pas à séparer les parties de la souveraineté. Jusqu'à l'abdication de Dioclétien il n'y eut point de division: l'autorité de chacun des deux empereurs et des deux Césars s'étendait sur tout l'empire; mais ils l'exerçaient immédiatement et par eux-mêmes sur un certain nombre de provinces, dans lesquelles ils fixaient ordinairement leur séjour. Constance, particulièrement attaché à Maximien, se chargea de veiller sur la Grande-Bretagne, les Gaules, l'Espagne et la Mauritanie Tingitane; Maximien gouverna la haute Pannonie, le Norique et tous les pays jusqu'aux Alpes, l'Italie et l'Afrique, avec les îles qui sont entre deux : Dioclétien laissa à Galérius le soin de la basse Pannonie, de l'Illyrie et de la Thrace, peut-être encore de la Macédoine et de la Grèce : il se réserva l'Asie, la Syrie et l'Égypte. Il établit sa ré

sidence à Nicomédie, et répara avec magnificence cette ville que les Scythes avaient pillée et brûlée sous Valérien: Galérius fit son séjour ordinaire à Sirmium, Maximien à Milan, et Constance à Trèves.

La multiplication des souverains soulageait Dioclétien, mais elle surchargeait l'empire. Chacun de ces princes voulant avoir autant de troupes qu'en avaient eu avant eux les empereurs qui régnaient seuls, tout devint soldat: ceux qui recevaient la paye surpassèrent en nombre ceux qui contribuaient à la fournir les impositions épuisèrent la source d'où elles étaient tirées, et firent abandonner la culture des terres. Dans le gouvernement civil, chaque province ayant été divisée en plusieurs parties, la multitude des tribunaux de judicature et des bureaux de finances ne fit pas moins de mal. Tant de présidents, d'officiers, de receveurs et de commis de toute espèce dévoraient la substance des peuples; et les sujets de l'empire, à force de voir multiplier leurs défenseurs et leurs juges, parvinrent à ne trouver ni sûreté ni justice.

Il est vrai que les Barbares furent repoussés et les révoltes étouffées. Constance, qui par sa bonté adoucissait les misères de ses sujets, réduisit les Cauques et les Frisons, bâtit des forts sur la frontière, ravagea la Germanie depuis le Rhin jusqu'au Danube, rétablit Autun [Augustodunum], ruinée sous le règne de Claude son grand-oncle, reconquit la Grande-Bretagne par la défaite et la mort du tyran Allectus qui avait succédé à Carausius, transplanta des colonies de Francs dans la Belgique, battit les Allemans toutes les fois qu'ils osè

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