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et de la succession des événements, qu'on ne pourrait le faire en lisant les auteurs originaux eux-mêmes. Rollin et Crevier ont mis à profit toutes les observations publiées avant eux par les savants modernes; les découvertes plus récentes et les travaux scientifiques publiés de nos jours ajouteraient peu de choses à leurs recherches.

Il n'en est pas de même pour l'Histoire du BasEmpire, de Lebeau; on le concevra sans peine. L'histoire de la République et celle du Haut-Empire est tout entière dans les écrits des Grecs et des Romains, ou dans les monuments que le temps a épargnés. Les puissantes nations qui luttèrent contre la fortune de Rome ont été anéanties avec toutes leurs productions littéraires, et il n'est pas présumable que de nouvelles découvertes nous révèlent encore des faits d'une grande importance. Depuis Constantin, au contraire, l'empire romain et celui de Constantinople furent toujours en relation avec des peuples qui ont raconté euxmêmes, dans une multitude d'ouvrages encore inédits et dans des langues très-diverses, l'histoire de leurs rapports et de leurs démêlés avec les Romains et les Grecs du Bas-Empire. Les livres écrits en arménien, en syriaque, en arabe, en persan et en turc, doivent donc contenir et contiennent effectivement beaucoup de renseignements précieux, propres à compléter, à modifier ou même à changer entièrement ce que nous savons déja.

Lebeau est le premier et même le seul qui ait songé à classer, dans un ordre facile à saisir, tous les faits contenus dans la vaste collection des auteurs byzantins; il y a joint tout ce que les écrivains grecs et la

tins, les ouvrages des jurisconsultes et les chroniques du moyen âge ont pu lui fournir; et il est résulté du tout, un corps d'annales aussi complet qu'il était possible de le faire de son temps. Si d'autres, comme Gibbon, par exemple, sont parvenus à donner à leur récit une forme quelquefois plus agréable, ils n'ont aucun avantage sur Lebeau pour la connaissance des sources originales; ils n'eurent pas d'autres moyens à leur disposition on doit donc leur reprocher les mêmes défauts. Si Lebeau avait pu joindre à ses autres connaissances celle des langues orientales, ou si un plus grand nombre d'auteurs orientaux avaient été publiés à l'époque où il écrivait, il aurait fait sans doute à son ouvrage des additions considérables, et il lui aurait donné dans plusieurs parties un plus haut degré de perfection.

Il a bien cherché, il est vrai, à profiter de quelques ouvrages orientaux traduits en latin; mais comme il était dépourvu de notions personnelles sur les langues et la littérature orientales, il n'a su comment combiner les renseignements qu'il trouvait dans ces ouvrages avec ceux qui sont consignés dans les auteurs byzantins. Ces derniers écrivains sont pour la plupart assez obscurs dans leurs narrations, et extrêmement concis sur ce qui concerne les relations de leurs empereurs avec les princes de l'Asie. Ils défigurent étrangement les noms d'hommes ou de lieux. Ils furent aussi toujours très-mal instruits des révolutions arrivées chez les peuples de l'Asie. Les confondant tous sous les noms de Sarrasins, d'Ismaélites ou d'Agaréniens, ils attribuent souvent aux califes, successeurs de Mahomet, ou aux musulmans de l'Asie, des faits

militaires ou politiques qui appartiennent aux souverains particuliers de la Syrie, de l'Égypte, de l'Afrique, ou même de l'Espagne. Il devait résulter, et il est résulté effectivement de toutes ces imperfections, une multitude de petites erreurs de détail qui affectent sensiblement l'ensemble de la narration, et donnent de fausses idées des choses.

Il est facile d'y remédier. La forme de rédaction qui a été adoptée par Lebeau, et qui est peut-être la meilleure qu'on puisse suivre pour un vaste corps d'annales, le soin qu'il a pris de raconter les événements sans anticiper jamais sur l'ordre des temps, fournissent les moyens d'améliorer sans peine son ouvrage. Il suffit de faire ce qu'il aurait certainement fait lui-même s'il l'avait pu, c'est-à-dire qu'il faut intercaler dans sa narration, selon leur ordre chronologique, les faits et les indications nouvelles que fournissent les auteurs orientaux. Quant à ceux des récits de cet historien qui seraient inexacts ou susceptibles d'être considérablement augmentés, changés ou modifiés, ils doivent être retranchés, ou soumis à une rédaction plus conforme au résultat que présentent les ouvrages originaux. Partout il faut rétablir les noms altérés, et joindre au texte les notes et les éclaircissements nécessaires à l'instruction du lecteur.

Pour les temps qui précédèrent l'avénement d'Héraclius au trône impérial, ces additions et ces rectifications ne sont pas à beaucoup près aussi nombreuses que pour la relation des événements postérieurs. Les auteurs arabes et persans nous apprennent peu de choses de ces époques anciennes heureusement les écrivains arméniens suppléent à leur silence. Placés

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entre les deux grands empires de Perse et de Constantinople, et compromis dans tous les démêlés de ces puissances, ils connurent mieux la plupart des faits; et leurs récits éclaircissent souvent les narrations imparfaites et confuses des écrivains de Byzance, généralement mal informés de l'histoire des Orientaux.

Ainsi, par exemple, deux siècles avant Héraclius, l'empire romain reçut un accroissement de territoire dont on chercherait vainement l'indication dans les auteurs que nous possédons. Le royaume d'Arménie, qui, depuis quatre cents ans, était le rempart de l'empire du côté de l'Orient, cessa d'exister par l'imprudente politique de Théodose le Jeune, qui souscrivit avec le roi de Perse un traité de partage, dont tout l'avantage fut pour les Persans. Ce grand événement fut précédé et suivi de guerres et de révolutions qui nous sont restées inconnues, mais qui doivent se retrouver dans une histoire complète du Bas-Empire. C'est par le secours seul des auteurs arméniens qu'il est possible de suppléer à cette lacune. Il serait facile d'indiquer un grand nombre d'autres faits aussi importants et également ignorés, mais qui se retrouveront dans cette nouvelle édition.

Depuis l'époque d'Héraclius jusqu'à la destruction de l'empire, les modifications qu'il faut apporter à l'ouvrage de Lebeau sont continuelles. Dès lors, les empereurs furent toujours en relation avec les puissances de l'Orient; et c'est justement au point le plus intéressant de cette période, du VII* au XII° siècle, que les annales byzantines présentent la plus grande disette d'écrivains. Il faut nécessairement substituer les Arabes et les Arméniens, aux maigres et ineptes an

nalistes que Lebeau a été obligé de consulter. Leurs récits doivent donc trouver place dans cette édition. Les exploits des conquérants arabes, qui chassèrent de l'Orient les successeurs d'Héraclius; la formation d'une nouvelle monarchie arménienne; les expéditions glorieuses entreprises par Théophile, Nicéphore Phocas et Jean Zimiscès; les guerres opiniâtres que l'empire soutint contre les Arabes, maîtres de la Sicile et de l'île de Crète; les règnes si brillants et cependant si désastreux de Basile II et de Constantin Monomaque : tous ces événements, dont il est facile d'apprécier l'importance, sont à peine indiqués dans l'histoire de Lebeau. Les renseignements que les auteurs arabes et arméniens fournissent pour cette époque, augmenteront du double cette partie de l'histoire du Bas-Empire. Après les croisades, on trouve les écrivains turcs qui ont raconté les victoires de leurs souverains sur les derniers successeurs de Constantin : les ouvrages qu'ils ont composés, et les lettres originales des sultans othodont il existe plusieurs copies manuscrites dans nos bibliothèques, doivent être aussi consultés, et ils fourniront des indications souvent plus exactes et plus authentiques que les narrations passionnées des derniers auteurs byzantins.

mans,

Il est hors de doute que, depuis le temps où Lebeau a écrit, beaucoup de savantes recherches, et la publication de plusieurs ouvrages estimables, nous ont mieux fait connaître l'histoire de plusieurs états et de divers peuples de l'Europe qui eurent des rapports avec l'empire de Constantinople. Le grand nombre de faits qu'ils contiennent devront donc être ajoutés à l'histoire du Bas-Empire, surtout pour ce qui concerne les re

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