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Encid 8.

de goût; pour faire du fupplice d'Aman, le pendant du Triomphe de Mardochée : la Poëfie, Latine fur-tout, en eut fait la defcription, elle qui dans la peinture de Cacus étoufé par Hercule permet ces expreffions.

Angit inhærens

v. 260. Elifos oculos, & ficcum fanguine guttur.

La nôtre fe contente d'indiquer ces morts violentes: M. de Voltaire en parlant de Meffieurs Briffon, Tardif & Larchet qui furent pendus à une poutre dans le petit Châtelet par la fureur des feize, a dit:

Mais pourquoi ce concours & ces cris la mentables?

Pourquoi ces inftrumens de la mort des
coupables?

Qui font ces Magiftrats que la main d'un
Bourreau,

Par l'ordre des tyrans précipite au tom-
beau?

Les vertus dans Paris ont le deftin des crimes, &c.

Je doute qu'on pût repréfenter en peinture le Polyphéme faifant craquer fous fes dents les os des Compagnons d'Ulyffe: ou fi cette repréfentation étoit bien faite, on fuiroit ce tableau comme on fait la Greve le jour d'une Exécution: L'Image du Satyre Marfyas écorché vif par Apollon, déplairoít furement,fi le pinceau la rendoit avec autant de vérité qu'elle en conferve dans ces Vers d'Ovide:

Clamanti cutis eft fummos derepta per artus Meta

Nec quicquam nifi vulnus erat, cruor undique manat

Detectique patent nervi, trepidaque fine ullâ

Pelle micant vena falientia vifcera pof

fes

Et perlucentes numerare in pectore fibras:

En troifiéme lieu, à l'exclufion de la peinture, la Poëfie fait entendre des fons par le choix harmonieux ou le concours rude des expreffions qu'elle employe rélativement aux objets qu'elle veut ca

morph.

Lib. VI Fab. 9

Eneid. 3.

ractériser; ainsi Virgile peint l'ac tion de Polyphéme dévorant les Compagnons d'Uliffe.

Vidi atro cum membra fluentia tabo Manderet & tepidi tremerent fub dentibus

pas

artus.

L'horreur des Enfers n'eft-elle annoncée dans ces Vers?

Eneid,6. Hinc exaudiri gemitus & sava fonare Verbera, tum ftridor ferri, tractaque cas

tena.

La Poëfie n'eft donc qu'une pein→ ture fouvent plus vive & plus animée que la peinture même.

Je n'ajoûte rien fur les defcrip→ tions des lieux & des perfonnes fi fréquentes & fi variées dans nos Poëtes. Le Lecteur y reconnoîtra fans peine que l'Art de peindre eft le grand Art de la Poëfie. Et, en effet, fi la peinture va jufqu'à représenter par les attitudes du corps, par la conformation des traits du vifage & des yeux, les mouvemens

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que produifent les paffions; que penfer de laPoëfie qui fait de l'ame, de fes idées, de fes mouvemens de fes paffions, des tableaux fi animés & fi reffemblans? Com→ ment appeller cet Art de caractérifer des chofes immatérielles avec tant de précision, qu'il eft impoffible de les confondre?quelqu'admirables que foient les tableaux des conquêtes d'Alexandre ou le Brun a peint prefque toutes les paffions violentes; cependant l'Iphigénie de Racine renferme moins de perfonnages , & contient plus de caracteres différens, & tous rendus avec les couleurs qui leur font propres. Je ne m'arrête point à juftifier ceci par des exemples, la chofe n'ayant pas befoin de démonftration. De toutes ces réflexions il réfulte encore qu'en Poëfie comme en peinture; il faut fçavoir ménager, varier, nuancer fes couleurs, obferver les jours & les régles de l'Optique; car il en est une pour les yeux de l'efprit, comme pour ceux du corps; c'est-à-dire, que

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De la

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dans l'Ordonnance & la diftribution de fon fujet, on doit placer avec difcernement certains morceaux préférablement à d'autres fçavoir prendre fon tems pour tout amener au point, & de là maniere la plus convenable: mais ce qu'on doit fur-tout obferver, c'eft ce qui répond au coftumé des Peintres, je veux dire, les moeurs, les paffions, les caracteres, felon les âges, les tems, les lieux & les perfonnes. Matiere que nous aurons par la fuite occafion de traiter avec étendue vû fon importance & fa néceffité.

Le Poëme parfait fe divise en Trage deux efpéces principales, fçavoir le Poëme Epique, & le Poëme Dramatique; nous parlerons au long du premier dans la fuite. Le Poëme Dramatique en général est une imitation où une repréfentation des actions foit grandes, foit communes de la vie des hommes bornées à certains tems & à certains. lieux, dans laquelle le Poëte introduit des perfonnages qui parlent ou qui agiffent, & ne paroit jamais

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