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début,

La fimplicité du début eft fon- simpli dée fur une raifon bien naturelle. cité du Le Poëme Epique eft un ouvrage de longue haleine, qu'il eft par conféquent dangereux de commencer fur un ton difficile à foutenir. Ce n'eft pas, pour m'exprimer de la forte, dans un veftibule que l'on cherche ces figures hardies qui étonnent & qui tranfportent; au contraire on fe défie de ces ornemens pompeux dont tout l'effet fe réduit fouvent à rien, après avoir annoncé des merveilles. I en eft à cet égard de la Poëfie comme de l'éloquence. Dans celle-ci, difent les Maîtres de l'Art, le difcours doit toujours allér en croiffant, & la conviction s'avancer comme par dégrés, en forte que l'Auditeur fente toujours de plus en plus le poids de la vérité; dans l'autre, plus le début est simple, plus les beautés que le Poëte déploye par la fuite font faillantes,

Que le début foit fimple & n'ait rien d'af

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riade.

Un homme qui en embouchant la trompette commence fur le ton de Scuderis, reffemble à celui qui ayant une longue courfe à faire part avec une extrême rapidité, à peine eft-il au milieu de là Carriére qu'il eft épuifé, fes forces l'abandonnent, il n'arrive jamais au but. C'eft fur ces principes que les grands Maîtres ont toujours admiré le début de l'Enéïde & celui de l'Odiffée, qui font trop connus pour les rappeller ici. Un Poëte célébre de nos jours a imité ces grands modéles, & le début de fon Poëme eft dans ce goût d'une noble fimplicité directement oppofée à l'enflûre & au ton guinde, il y fait une expofition fuccinte de l'action & du dénouement de fon Poëme,

Hen- Je chante ce Héros qui regna fur la France, Et par droit de conquête, & par droit de naiffance,

Chant 1.

Qui par le malheur même apprit à gou

verner,

Perfécuté long-tems fçût vaincre & par

donner¿

Confondit & la Ligue & Mayenne & l'I

bere,

Et fut de fes fujets le vainqueur & le pere;

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La fimplicité du début n'exclut cependant pas une forte de majef té & d'élévation qui convient à la gravité du Poëme Epique. On ne fçauroit reprocher à Homere d'avoir dit;,, Déeffe chantez la Colé- Iliade, re d'Achille fils de Pélée, cette Lib. I. ,, colére pernicieuse qui caufa tant de malheurs aux Grecs, qui précipita dans le fombre Royaume ,, de Pluton les ames généreufes de tant de Héros, & livra leurs ,, corps en proye aux chiens & aux », vautours, depuis le jour fatal qu'une quérelle d'éclat eut divifé le fils d'Atrée & le divin Achille; ainfi les décrets de Ju», piter s'accompliffoient : quel Dieu les jetta dans' ces diffen,, fions!" Je ne pense pas non plus que le Camoens foit répréhenfible d'avoir commencé de la forte un Poëme où il chantoit la

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découverte d'un nouveau monde faite à l'aide de la navigation;,, je chante ces hommes au-deffus du vulgaire,qui des rives occidentales de la Lufitanie, portés furdes mers qui n'avoient point encore vû de vaiffeaux, allérent étonner la Taprobane de leur audace ,, eux dont le courage patient à fouffrir des travaux au-delà des forces humaines établit un nouvel empire fous un Ciel in,, connu & fous d'autres étoiles. Qu'on ne vante plus les voyages du fameux Troyen qui porta fes Dieux en Italie, ni ceux du fage Grec qui revit Ithaque après vingt ans d'absence ni ceux d'Alexandre, cet impétueux ,, Conquérant. Difparoiflez Dra,, peaux que Trajan déployoit fur les frontières de l'Inde. Voici un homme à qui Neptune a abandonné fon trident, voici des travaux qui furpaffent tous les vôtres. "De tels Exordes font grands fans doute, mais ils ne font point affectés, parce que lesPoëmes

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dont ils font partie, fe foutiennent & rempliffent l'attente du Lecteur. Car comme l'a remarqué un Sçavant Critique, ce n'eft pas par Le P. quelques endroits, par certains Rapin, morceaux ifolés, par des beautés ou des imperfections de détail qu'il faut juger d'un Poëme Epique, mais par l'ensemble, par la jufteffe, & par la proportion de toutes fes parties. Voilà les principales obfervations que nous avions à faire fur la Poëfie Epique, genre qu'on peut appeller l'écueil de l'efprit humain, puifque tout ce que nous avons d'excellent à cet égard est encore mêlé de défauts très-grands. Homere eft inégal & fommeille quelquefois : Virgile quoique plus exact, ne fe foutient pas partout, les fix derniers livres de fon Enéïde 'ne font pas comparables aux fix premiers. Parmi les Modernes on reproche au Taffe des Concetti aur Camoens un merveilleux mal afforti, à Milton des fingularités & des hardieffes; à Voltaire d'avoir plûtôt écrit une Hiftoire qu'un

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