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lui-même. Ce Poëme fe fubdivife en deux espéces la Tragédie & la Comédie. Celle-ci a fes régles principales que nous nous refervons de détailler en leur lieu. Celle-là peut être définie : l'imitation d'une action Héroïque complete où plufieurs perfonnes concourent dans un même lieu, dans un même jour, & dont la fin principale est de former ou de rectifier les moeurs, en excitant la terreur & la pitié. Je dis, 1o. l'imitation d'une action pour diftinguer la Tragédie du Poëme Epique qui n'eft que le récit en Vers d'une action Héroï

que & extraordinaire : Je dis, 20. d'une action Héroïque, parce que la Tragédie n'a pour objet que de grands événemens, que les actions des hommes confidérées dans une condition noble, éclatante, relevée. Si cependant on nous objectoit que les Anglois ont des piéces dont la catastrophe eft tragique, ainfi que tous les Episodes qui y conduifent, & qui néanmoins fe paffent entre des hommes ordinai

res, nous répondrons que ces ouvrages font des monftres dramatiques, d'autant moins propres à faire loi, que prefque toutes les régles du Théâtre y font ou négligées, ou violées ouvertement. La Comédie au contraire se borne à représenter les moeurs des hommes dans une condition privée. 3o. J'ajoûte que faction doit être complette, c'eft-à-dire qu'elle doit néceffairement avoir un commencement, un milieu & une fin, en forte que le Spectateur puiffe fans peine en fuivre le fil, & qu'elle ait un dénouement qui fatisfaffe l'efprit. 4. Cette action doit fe paffer dans un même lieu, dans un même jour, parce que la vraifemblance, veut qu'on ne faffe point de fuppofitions qui choquent le bon fens. Or ce feroit en faire une de cette nature, que de repréfen→ ter fur un Théâtre en quatre heures une action qui fe feroit paffée en divers tems & en divers lieux éloignés les uns des autres. Je dis 5. Que la fin principale de la Tragédie confifte à former & à rectifier

les

Horace

Poëtiq.

les moeurs. Tout grand Poëme qui ne va point à ce but, manque fa deftination,& prodeffe volunt. 6o. J'ajoûte en excitant la terreur & la pitié, Art parce que ces deux paffions étant comme les tiges de toutes les autres, & les deux plus grands refforts de l'ame; tout le fuccès de la Tragédie dépend de l'Art de les remuerà propos, pour inftruire l'efprit par les fens & rectifier les paffions par les paffions mêmes, en calmant par leur émotion le trouble qu'elles excitent dans le coeur. Nous éclaircirons chacun de ces points en particulier.

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Horace & Defpréaux nous inftruifent affez de l'origine & des progrès de la Tragédie chez les Grecs & chez les Latins, & le dernier nous trace une idée de la naiffance de ce Poëme & de fes variations parmi nous. Efchile, Sophocle & Euripide fe diftinguerent extrêmement fur le Théâtre d'Athé nes; la plûpart de leurs Tragédies font venues jufqu'à nous. Le P Brumoi Jéfuite auffi diftingué par Tome II. B

la politeffe de fon efprit, que par la profondeur de fon fçavoir en a donné une traduction accompagnée de remarques curieuses, fous Le titre de Théâtre des Grecs. On fçait feulement par tradition que les Latins ont eu plufieurs Tragédies telles la Médée d'Ovide, & que le Thyefte de Varius; car celles de Séneque (s'il eft vrai qu'elles foient toutes de lui ) font trop foibles, & fentent trop le déclamateur pour mériter ce titre. La barbarie qui régna dans la naissance de notre Poëfie domina dans les ouvrages de Théâtre comme dans tous les autres. Les Chanteurs Trouveurs & Jongleurs, comme on nommoit alors les Poëtes, donnerent en spectacles ces piéces qu'on appelloit Misteres, qui au mélange burlefque du profane & du facré, joignoient encore tous les défauts imaginables contre la Vraifemblance. Garnier Contemporain de Ronfard prit fes fujets dans la fable & dans l'hiftoire, mais il les traita en style barbare &

pédantefque; d'ailleurs avec peu de bienféance, & toujours fans égard pour la régle des trois unités inviolables dans le Dramatique. Théophile, Tristan, Mairet, Rotrou, Hardi, Boifrobert & tant d'autres qui chaufferent le Cothurne depuis l'extinction des troubles de la ligue jufqu'à l'année 1630.année célébre par l'établissement de l'Académie Françoise, ne produifit rien d'achevé: ce ne fut qu'en 1635. qu'on vit luire la premiére Aurore du bon goût, par la représentation du Cid, où Corneille pour me fervir des termes de fon propre Rival après avoir quelque tems cher-Difcours ,, ché le bon chemin, & lutté con- Racine tre le mauvais goût de fon fiécle; prononenfin infpiré d'un génie extraor- cé à l'Adinaire & aidé de la lecture des en 1585. Anciens, fit voir fur la Scéne la raifon; mais la raifon accompagnée de toute la pompe, de tous ,, les ornemens dont notre langue ,,eft capable, accorda heureuse,, ment la vraisemblance & le merveilleux. Il pofféda en même

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