Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Ta fourbe à cet enfant, traitre fera funefte. Athalie D'un fantôme odieux, Soldats, délivrez Acte V.

moi.

L'on craint toujours les fureurs de cette Reine barbare jufqu'à ce qu'enfin les Lévites l'entraînent hors du Temple pour la mettre à mort. Il en eft de même dans la Tragédie de Rodogune: quelle inquiétude n'inspirent pas aux Spectateurs les fureurs de Cléopâtre contre fes deux fils, fur-tout dans ces Vers qu'elle dit à la fin du quatriéme Acte:

Scene 5.

Sors de mon cœur, nature, ou fais qu'ils Rodo

m'obéïffent,

gune Acte IV.

Fais les fervir ma haine ou consens qu'ils Scene 7.

périffent.

Mais l'un a déja vû que je les veux punir:
Souvent qui tarde trop fe laiffe prévenir.
Allons chercher le tems d'immoler mes
victimes,

Et de me rendre heureuse à force de grands
crimes.

On apperçoit confufément un

Tome II.

C

danger éminent qui menace ces deux Princes, par la connoiffance que l'on a du caractere de leur mere: la frayeur se développe, & redouble, quand on apprend qu'elle a fait affaffiner Seleucus: elle eft à fon comble, lorfqu'on la voit fur le point d'empoifonner Antiochus & Rodogune: lorfque de dépit elle avale la coupe qu'elle leur avoit préparée on eft pénétré d'horreur. Dans Héraclius, la fituation de Phocas qui fe trouve entre fon fils & fon ennemi mortel, fans pouvoir les diftinguer, ne peint-elle pas bien le trouble de cet ufurpateur lorsqu'il s'écrie?

[ocr errors]

O malheureux Phocas! ô trop heureux Maurice,

Tu retrouves deux fils pour mourir après toi. Je n'en puis trouver un pour regner après moi!

Quelques Modernes ont auffi réuffi à bien exprimer cette paffion M. de Voltaire dans fon Oedipe M. de la Mothe dans Inés de

Caftro, & fur-tout l'Auteur de la nouvelle Tragédie de Mahomet II. dans Pendroit où ce Prince, combattu par l'amour & par les remords, tient le poignard levé fur Irene: l'Art confifte donc à raffembler de ces circonftances critiques, de ces fituations inquiétantes qui jettent le trouble & la confternation dans l'ame des Spectateurs. Une de ces fituations, c'eft celle où fe trouve un Héros fur lequel, fans qu'il s'en apperçoive, un affaffin tient un poignard levé à qui cependant ce poignard échappe de la main retenue par un autre perfonnage, & tombe aux pieds du Hécelui-ci puiffe distin

ros, fans que

guer

fon affaffin de fon Libérateur. On trouve quelque chofe d'approchant dans l'Amazis de la Grange. Mais fur-tout on doit faire croître le danger comme par dégrés, afin d'augmenter l'intérêt à proportion, jufqu'à ce qu'étant parvenu à fon comble, il finiffe par un dénouement grand & frappant qui mette comme le sceaux à tou

De la

Ariftote

tes les furprises qui l'ont préparé. Après la terreur, l'autre grand Pitié. mobile du Théâtre eft la compaffion ou la pitié que l'on peut défiPhenir une douleur que nous avons rique des miferes de celui que nous juLib. II. geons digne d'une meilleure fortune, foit que nous en ayons éprouvé, foit que nous craignons d'en éprouver de femblables. Or l'image des malheurs & des infortunes qui arrivent à des perfonnes vertueufes, innocentes, du moins plus malheureufes que coupables, est tout-à-fait propre à infpirer ce fentiment. On ne s'intérefferoit point en faveur d'un fcélérat puni pour fes crimes on fe paffionne, on tromble, on s'allarme à la vue d'un danger qui menace un homme vertueux. Il y a néanmoins une obfervation importante à faire, c'est que le Héros de la Tragédie, c'eftà-dire celui dont le malheur fait la catastrophe de la piéce, ne doit être ni tout-à-fait bon, ni tout-àfait méchant ; il ne doit point être extrêmement bon, parce que la

punition d'un homme de bien exciteroit plûtôt l'indignation que la pitié du Spectateur. Il ne faut pas non plus qu'il foit méchant avec excès , parce qu'on n'a point de pitié d'un fcélérat: il faut donc qu'il ait une bonté médiocre, c'està-dire une vertu capable de foibleffe, & qu'il tombe dans le malheur par quelque faute qui le faffe plaindre, fans le faire détefter. Tel eft Pirrhus dans l'Andromaque de Racine; il aime éperduement la veuve d'Hector, & cette paffion eft une foibleffe aux yeux des Grecs qui venoient de renverfer Troye. Tels font encore Hyppolite & Britannicus dans le même Auteur, l'un eft un peu coupable envers fon pere, par la paffion qu'il reffent pour Aricie fille & foeur des Pallantides ennemis de Théfée. L'autre par une aveugle crédulité pour les perfides confeils de Narciffe, tombe dans les piéges de Néron. J'en dis autant de Camille dans les Horaces, de Séleucus dans Rodogune, de Ptolomée

« AnteriorContinuar »