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écrits le folide à l'agrément; mais fur-tout écrire pour l'interêt de la vertu. Voilà les routes de la véritable gloire litteraire que Mr. Def préaux enfeigne aux Auteurs. Mais parceque le génie le plus fécond & le plus brillant n'eft qu'un inf trument dangereux ou frivole, s'il n'eft foutenu des qualités du coeur, il veut que le Poëte ne déprime point fes talens par une baffe jaloufie contre fes rivaux, qu'il foit fidele à fes amis, amusant dans la focieté, défintereffé, plus avide de gloire que d'argent, & fi la fortune ne l'a pas avantagé, qu'il tache d'en réparer les caprices, en s'attirant les regards & les bienfaits des Princes généreux. Ces confeils qui paroiffent fecs dans l'extrait que nous en faifons, font dans l'Art Poëtique égaïés par des traits de Satyre, embelis par des images riantes ou des digreffions fages, qui les dépouillent de l'austérité prefque inféparable des leçons fans rien diminuer de leur folidité.

Les Piéces font maintenant fur

le Bureau, c'eft au Lecteur à prononcer, quant à moi, s'il m'eft per mis d'expofer fincerement, ce qui m'a toujours affecté dans la lecture frequente & réflechie que jai faite de ces deux Poëtiques, je dirai que celle d'Horace eft un magafin d'excellens Tableaux, mais antiques & très éloignés de nos Moeurs, pour la plupart placés

d'ailleurs comme au hazard & fans intelligence, & que celle de Mr. Defpréaux eft une gallerie de Peintures relatives à nos goûts, à nos ufages & diftribuées avec fimétrie. L'une eft le cabinet d'un curieux, Pautre eft une fuite de Tableaux de Coypel ou de Rubens.

Cela fuppofé le dégré de préférence qu'on donnera à l'Auteur François fur le Poëte Latin, fera dans la même proportion que celle qu'on accorderoit à l'argent travaillé & poli par Bâlin fur ce même mêtal, lorfque tiré des veines de la terre, il étoit encore entreJaffé avec des minéraux hété rogenes. Il a fallu l'en féparer d'a

bord

bord pour ramener fes parties à une masse commune, lui donner enfuite une forme gracieufe, & réhauffer le prix de la matiere par le mérite de l'ordre & de la difpofition des parties. Et c'eft là précifement ce qu'a fait Mr. Defpréaux: en inférant cent cinquante Vers au plus d'Horace dans un Poëme de plus de mille Vers, il n'a fait qu'affortir à fon fujet des materiaux excellens à la vérité mais moins bien employés ; & par l'Art avec lequel il les a appliqués à notre Poëfie, il s'eft bien moins rendu le plagiaire d'Horace que fon émule.

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Si donc on veut examiner ferieument le reproche fait à cet égard à M. Defpréaux, on verra qu'il part non du refpect, mais du mépris pour les anciens & que ceux qui ont intenté cette accufation ne la faifoient fi grave que par dèpit de voir reffufciter des regles & des principes peu favorables à leur maniere d'écrire, c'est cependant à l'imitation des Anciens que nous Tome II, Ff

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338 8 DE LA LECT. des Poetes. devons les écrits immortels qui ont illuftré le regne de Louis le Grand, c'eft à eux que nous devons encore plus le goût qui domine aujour d'hui dans les bons ouvrages; mais les auteurs du dernier regne deviennent infenfiblement pour nous ce qu'Homere, Horace & Virgile furent pour eux. Tandis qu'une partie de nos Ecrivains les rabaiffe & les profcrit, l'autre les regarde comme fes guides, fes maîtres & fes oracles. M. Defpréaux a été tout cela: pour moi je laiffe au Le&teur impartial à décider fi j'ai fidélement fuivi mon guide, refpecé mon maître & bien expliqué l'oracle,

FIN.

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