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I

PRINCIPES

POUR

LA LECTURE

DES POËTES.

TROISIEME PARTIE.

L

Des grands Poëmes.

fie eft

L'art de

peindre.

A Poëfie eft une pein- La Poëture, une imitation, ut pictura Poefis: tous ceux qui en ont traité & qui Pont bien connue, l'ont conçue fous cette image, & de cette com→ paraifon même, i's ont tiré un principe fimple en foi; mais fécond Tome II.

A

Rhétoriq. d'Ariftote Liv, I. Chap. 9.

dans fes conféquences, & qui bien approfondi enfeigne les fineffes de cet Art, bien mieux que ne feroient les préceptes. C'eft que la Poëfie doit en tout être femblable à la peinture. Développons ce principe, & juftifions-en l'évidence par quelques applications. Ariftote n'a pas manqué de l'inférer dans fa Poëtique & dans fa Rhétorique ; voici comme il s'exprime dans ce

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dernier ouvrage.,, Tout ce qui confifte en imitation eft agréable, quand bien même, ce qui auroit été imité, feroit très-défagréable en foi; car le plaifir qu'on a de voir une belle imi,, tation, ne vient point précifé,, ment de ce qui a été imité ; mais de notre efprit qui fait alors en lui-même cette réflexion & ce raifonnement, qu'en effet il n'est rien de plus reffemblant, & qu'on diroit que c'eft la chofe même, & non 22 pas une fimple représentation. " Voilà la véritable fource de ce plaisir délicat que caufent les excellens Ouvrages de Peinture & de Poëfie,

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Mais cette imitation ne doit pas être abfolument fi entiere dans l'une & dans l'autre que l'efprit ou les yeux ne remarquent au moins quelque différence légere, quoique fenfible entre l'imitation & l'objet imité, telle qu'elle doit être néceffairement entre l'art & la nature. L'imitation confifte donc principalement à approcher de la vérité, à l'efquiffer pour ainfi parler, quoiqu'avec certaines précautions, certains ménagemens qui tendent à l'embellir, à diminuer ce qu'elle peut avoir de trop rude & de trop groffier;

Il n'eft point de ferpent ni de monftre Art

odieux,

Qui par l'art imité ne puiffe plaire aux·

yeux.

Car quoiqu'on dife qu'il faille en tout confulter la Nature; cette maxime néanmoins a des bornes, & ne doit point être prise dans toute fon étendue. La nature a des imperfections que l'Art doit corriger,

Poët.
Chant 3.

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des inégalités qu'il doit polir, des défectuofités qu'il doit déguifer, en lui confervant néanmoins toujours certains caracteres grands & diftinctifs qui empêchent qu'on ne la méconnoiffe: ainfi les tableaux & les images du Poëte fans jamais. aller au-deffous de la Nature pourront & devront même aller un peu au-delà; comme les figures de Raphaël ou de Jules Romain, qui pour être un peu plus grandes, plus majeftueufes que le naturel, n'en font que plus admirables: c'eft en cela, je penfe, que confifte le grand Art de l'imitation qui demande un difcernement exquis; pour fçavoir jufqu'où le génie peut s'avancer avec fuccès, & quand il doit s'arrêter, de peur de mafquer & de défigurer la nature au lieu de l'embellir. J'avoue qu'il n'eft pas aifé de marquer ce point fixe dans la théorie; mais avec un peu d'attention on le faifit moins difficilement dans la pratique. Cela pofé, j'en reviens au parallele. Si la peinture par le fecours des cou

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