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ainfi, & y rentrant à tout propos. Corneille connut mieux les régles, mais il ne les refpecta pas toujours, & lui même en convient dans l'éxamen du Cid, où il reconnoit que quoique l'action fe paffe dans Séville,cependant cette déterminationeft trop générale & qu'en effet le lieu particulier change de Scene en Scéne ; tantôt c'eft le Palais du Roi, tantôt l'appartement de l'Infante, tantôt la maifon de Chimene, & tantôt une rue ou une place publique. Or non feulement le lieu général, mais encore le lieu particulier doit être déterminé comme un Palais, un Veftibule, un Temple, & ce que Corneille ajoute qu'il faut quelquefois aider au Théâtre & fuppléer favorablement à ce qui ne s'y peut réprefenter, n'autorise point à porter,comme il a fait à cet égard, l'incertitude & la confufion dans l'efprit des Spectateurs. La duplicité de lieu fi marquée dans Cinna, puifque la moitié de la piéce fe paffe dans l'appartement d'Emilie, & l'autre

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dans le cabinet d'Augufte eft inéxcufable, à moins que l'on n'admette un lieu vague & indéterminé, comme un quartier de Rome, ou même toute cette Ville pour le lieu de la Scéne. N'étoit-il pas plus fimple d'imaginer un grand Vestibule commun à tous les appartemens du Palais comme dans Polieute & dans la mort de Pompée. Le fecret qu'éxigeoit la confpiration, n'eût point été un obftacle, puifque Cinna, Maxime & Emilie, auroient pû, là comme ailleurs, s'en entretenir en les fuppofant fans témoin, circonftance qui n'eût point choqué le Vraifemblable, & qui auroit peut-être augmenté la furprise. Dans l'Andromaque de Racine, Orefte dans le Palais de Pirrhus, forme le deffein d'affaffiner ce Prince & s'en explique affez hautement avec Hermione fans que le Spectateur en foit choqué. Toutes les autres Tragédies du même Poëte font remarquables par cette unité de lieu qui fans effort, fans contrainte

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eft partout exactement obfervée fur tout dans Britannicus, dans Phedre, dans Iphigénie: s'il femble s'en être écarté dans Efther 9 on fçait affez que c'eft parce que cette piéce demandoit du spectacle, au refte l'action eft toute renfermée dans l'enceinte du Palais d'Affuerus. Celle d'Athalie fe paffe auffi toute entiere dans un Vestibule exterieur du Temple proche de l'appartement du Grand-Prê-tre, & le changement de décoration qui arrive à la cinquiéme Scéne du dernier acte n'est qu'une extenfion de lieu abfolument nécéffaire & qui préfente un fpectacle. majestueux.

Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli

Art

Poët.

Tienne jusqu'à la fin le Théatre rempli. Chant 3:

Des

Voilà ce qu'on nomme au Théâtre la réglé des trois unités, unité trois uni de lieu dont nous venons de par- tés. ler, unité de tems, unité d'action auxquelles il faut ajouter le com

De l'u

tems.

plément de l'action; chacun de ces points eft fondé fur des principes évidens que nous juftifierons par des exemples.

10. L'unité de tems établie par nité de Ariftote dans fa Poëtique, ou pour mieux dire par le bon fens, veut que l'action qui fait le fujet d'une piéce de Théâtre foit bornée à l'espace de vingt-quatre heures; on dit communément que fa durée commence & finiffe entre deux foleils, car on fuppofe qu'on préfente aux Spectateurs un fujet de Fable ou d'Hiftoire pour les inftruire & les amufer & comme on n'y parvient qu'en éxcitant la terreur ou la pitié, fi l'on laiffe à ces paffions le tems de fe refroidir, il eft impoffible de produire l'effet qu'on fe propofoit. Or en mettant fur la Scéne une action qui vraisemblablement n'auroit pû fe paffer qu'en plufieurs années, la vivacité des mouvemens fe rallentit ;'ou fi l'étendue de l'action vient à exceder celle du tems, il en résulte néceffairement de la confusion, par

ce

e que le Spectateur ne peut fe perfuader que des événemens en fi grand nombre fe foient terminés dans un fi court efpace de tems. L'Art confifte donc à proportionner tellement l'action & fa durée, que l'une paroiffe être réciproquement la mesure de l'autre, ce qui dépend principalement de la fimplicité de l'action. Car fi l'on en réunit plufieurs fous prétexte de varier & de caufer plus de plaifir `il eft évident qu'elles fortiront des bornes du tems prefcrit & de celles de la vraisemblance. Ainfi dans le Cid, Corneille fait donner dans un même jour trois combats finguliers & une bataille, & termine la journée par l'efpérance du mariage de Chimene avec Rodrigue, encore tout fumant du fang du Comte de Gormas Pere de cette même Chimene, fans parler des autres incidens qui naturellement ne pouvoient arriver en auffi peu de tems, & que l'Hiftoire met effectivement à deux ou trois ans les. uns des autres. Guillen de Caftro Tome II.

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