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Poët.

Auteur Efpagnol, dont Corneille avoit emprunté le fujet du Cid, l'avoit traité à la maniere de fon tems & de fon Pays qui permettant de ⚫ mettre fur la Scéne un Héros

Chant 3.

Enfant au premier Acte & Barbon au dernier. n'affujettiffoit point les Auteurs Dramatiques à la regle de vingtquatre heures, & Corneille pour vouloir y ajuster un évenement trop vafte a péché contre la vraifemblance. Ce n'eft pas qu'en général, on doive condamner les Auteurs qui, pour plier un événement aux régles du Théâtre, négligent la vérité hiftorique, en rapprochant comme en un même point des circonftances qui font arrivées en différens tems, pourvû que cela fe faffe avec jugement, & en matieres peu connues & peu importantes.,, Or le Poëte, dit une Critique célébre, ne confidéSenti- re dans l'Hiftoire que la vraimens de, femblance des événemens, fans Françoi-,, fe rendre efclave des circonftances qui en accompagnent la vé

l'Acad.

fe fur let

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Cid. 22

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rité, de maniére que pourvû qu'il foit vraisemblable que plufieurs actions se foient auffi bien pû faire conjointement que féparément, il est libre au Poëte de ,, les rapprocher fi par ce moyen it ,, peut rendre fon ouvrage plus ,,merveilleux."Mais la liberté à cep égard ne doit point dégénerer en licence, & le droit qu'ont les Poëtes de rapprocher les objets éloignés n'emporte pas avec foi celui de les entaffer & de les refferrer de maniere que le tems prefcrit ne fuffife pas pour les développer tous, puifqu il en résulteroit une confufion égale à celle qui régneroit dans un Tableau, où le Peintre auroit voulu réunir un plus grand nom bre de perfonnages, que fa toile ne pouvoit naturellement en contenir. Car de même qu'ici les yeux ne pourroient rien diftinguer ni démêler avec netteté; là, l'efprit du Spectateur & fa mémoire ne pourroient ni concevoir ni fuivie aifément une foule d'événemens pour l'intelligence & l'éxécution

De l'u

d'action.

defquels la mefure de tems qui n'eft que de 24. heures fe trouveroit trop courte. Le Poëte eft même à cet égard beaucoup moins gêné que le Peintre, celui-ci ne pouvant faifir qu'un coup d'oeil un instant marqué de la durée de l'action, mais un inftant fubit & prefque indivifible.

11. L'unité d'action confiste à nité ce que la Tragédie ne roule que fur une action principale & fimple autant qu'il fe peut, je dis autant qu'il fe peut; car il n'eft pas toujours d'une néceffité abfolue que cela foit ainfi, & pour mieux faire entendre ceci, il eft à propos de diftinguer avec les anciens deux fortes de fujets propres à la Tragédie, fçavoir le fujet fimple & le fujet mixte ou compofé. Le premier eft celui qui étant un & continué s'acheve fans un manifeste changement au contraire de ce qu'on attendoit & fans aucune reconnoiffance. Le fujet mixte ou compofé eft celui qui s'achemine à fa fin avec quelque changement oppofé à

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te qu'on attendoit, ou quelque reconnoiffance, ou tous deux enfemble. Or quoique le premier puiffe admettre un incident confidérable qu'on nomme Episode pourvû que cet incident ait un rapport direct & nécéfaire avec l'action principale, & que l'autre qui par lui-même eft affez intrigué n'ait pas befoin de ce fecours pour fe foutenir, cependant dans l'un & dans l'autre l'action doit être une & continue, parce qu'en la divifant on diviferoit & on affoibliroit nécéffairemer.t l'intérêt & les impréffions que le Poëme Dramatique fe propofe d'exciter : En effet les incidens & les furprises qui excitent la terreur ou la pitié, doivent avoir entr'eux & avec l'action un rapport nécéffaire, en forte qu'elles forment un enfemble dont toutes les parties foient liées, autrement ce feroit un compofé bifarre femblable au monftre d'Horace, un affemblage confus d'objets dans lesquels l'efprit ne pourroit difcerner ce qu'il y a de

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principal d'avec ce qui n'eft qu'ac ceffoire, & c'eft principalement en ceci que l'on reconnoît la force & la beauté de l'ordre que toutes les parties d'un même ouvrage tendent à un feul & même point comme tous les rayons d'un cercle fe réuniffent dans un centre commun. Le grand art confiste donc à n'avoir en vûe qu'une feule & même action dans la Tragédie foit que le fujet foit fimple, foit qu'il foit compofé, à ne la pas furcharger d'incidens, à n'y ajouter aucun Epifode, qui ne foit naturellement lié avec l'action; rien n'étant fi contraire à la vraisemblance que de vouloir réunir & rapporter à une même action un grand nombre d'incidens qui pourroient à peine arriver en plufieurs femaines. C'eft par la beauté des fentimens, par la violence des paffions, par l'élégance des expreffions, felon le fentiment M. Ra- d'un célébre Tragique, que l'on doit foutenir la fimplicité d'une action plûtôt que par cette multi

cine,

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