Imágenes de páginas
PDF
EPUB

plicité d'incidens, par cette foule de reconnoiffances amenées comme par force, refuge ordinaire des Poëtes ftériles qui s'écartent du naturel pour fe jetter dans l'extraordinaire. Cette fimplicité d'action eft admirable dans les Poëtes Grecs: les nôtres ne l'ont pas tous fi religieufement obfervée par la liberté qu'ils ont prife, ou d'embraffer trop d'objets, comme on le peut voir dans quelques Tragédies modernes; ou de joindre à l'action principale des Epifodes qui par leur inutilité ont refroidi l'intérêt, ou par leur longueur l'ont tellement partagé, qu'il en a réfulté deux actions au lieu d'une. Corneille & Racine n'ont pas entiérement évité cet écueil; le premier par fon Episode de l'amour de Dircé pour Théfée a défiguré fa Tragédie d'Oedipe : lui-même a reconnu que dans Horace l'action eft double, parce que fon Héros court deux périls différens dont l'un ne l'engage pas nécéffairement dans l'autre,puifque d'un péril pu

blic qui intéreffe tout l'Etat, I tombe dans un péril particulier où il n'y va que de fa vie. La piéce auroit donc pu finir au quatrième acte, le cinquiéme formant pour ainfi dire une nouvelle Tragédie. On a reproché à Racine qu'il y avoit duplicité d'action dans l'Andromaque & dans Phedre, & à confiderer ces piéces fans prévention, on ne peut pas dire que l'action principale y foit entierement une & dégagée, fur tout dans la derniere où l'Episode d'Aricie n'influe que foiblement fur le dénouement de la piéce, même en admettant la raison que le Poëte allégue dans la Préface pour juftifier P'invention de ce perfonnage. Dans toutes les autres Tragédies de ce Poëte; l'action depuis le commencement eft fimple & une, elle fe développe comme d'ellemême, rien d'étranger ne l'obfcurcit, telles font celles de Britannicus, de Mithridate & d'Athalie. Une des principales caufes pour laquelle nos Tragédies en général

[ocr errors]

ne font pas fimples que celles des Anciens, c'eft que nous y avons introduit la paffion de l'amour qu'ils en avoient exclue. Or cette paffion étant naturellement vive & violente, elle partage l'intérêt, & nuit par conféquent fouvent à l'unité de l'action. Nous éxaminerons ailleurs s'il eft avantageux au genre Dramatique que l'on y donne autant de jeu à cette paffion que lui en ont accordé les modernes.

tion.

3. L'action doit être complete, pu com c'est-à-dire que plufieurs perfon- plement nes concourant à l'action qui fait le de l'ac fujet de la Tragédie, cette action n'eft point finie que l'on ne fçache en quelle fituation elle laiffe ces mêmes perfonnes. Or quoiqu'il paroiffe par quelques exemples des Anciens & des modernes que la catastrophe de la piéce ne termine pas toujours entierement l'action & ne découvre pas toujours quelle eft la fituation des perfonnes qui y ont concouru; la perfection cependant éxige que le dénouement mette abfolument fin à la pièce. Et c'eft

Des cho

pour cette raison que le dernier Acte d Horace eft froid & inutile :. mais fi l'on doit éviter le fuperflu, il faut auffi fe garder de l'éxcès oppofé, je veux dire de laiffer la piéce imparfaite & le Spectateur dans l'attente de quelqu'événement qui n'arrivant point ne fatis→ fait pas l'efprit avide de fçavoir quelle iffue a eu une action au commencement & aux progrès de laquelle il a pris un grand intérêt.

M. Corneille dans l'examen de fes qu'il fa Tragédie d'Horace, pour juftifaut met- fier le coup d'épée que ce Romain recit & donne à fa foeur Camille, examine

tre en

non pas

en ac

tion,

cette queftion, s'il eft permis d'enfanglanter la Scene? Et il décide. pour l'affirmative, fondé 1°. fur ce qu'Ariftote a dit qu'il falloit pour émouvoir puiffamment, faire voir de grands déplaifirs, des bleffures & même des morts. 2o. Sur ce qu'Horace n'exclut du Théâtre que les évenemens trop dénaturés, le feftin d'Atrée, le maffacre que Médée fait de fes propres

tel

que

enfans, encore oppofe - t'il un
exemple de Séneque au précepte
d'Horace, & il prouve celui d'A-
riftote par Sophocle dans une
Tragédie duquel Ajax fe tue de-
vant les Spectateurs : cependant
la régle d'Horace n'en paroît pas
moins fondée dans la nature & dans
les moeurs. Je dis dans la nature, car
enfin quoique la Tragédie fe propo-
fe d'éxciter la terreur ou la pitié,
elle ne tend point à ce but par des
fpectacles barbares & qui choquent
la nature. Or les morts violentes,
les meurtres, les affaffinats, le
carnage infpirent trop d'horreur.
Quant aux moeurs, je penfe que
ces fpectacles ne les choquent pas
moins. En effet, quoi de plus pro-
pre à endurcir le coeur que lima-
ge trop vive des cruautés ? quoi
de plus contraire aux bienféances
que
des actions dont l'idée feule
eft effrayante.

Ce qu'on ne doit point voir qu'un recit Art

nous l'expofe :

Les yeux en la voyant faifiroient mieux la

Poët.
Chant 3

chofe,

« AnteriorContinuar »