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le concile n'étoit pas affemblé pour reformer les AN.1546. catholiques feulement, qu'il falloit encore y proceder contre les heretiques, & qu'il n'étoit pas jufte de ne s'attacher qu'aux mœurs, en laiffant regner les herefies; que ce feroit contrevenir aux bulles du pape qui prefcrivoient de traiter enfemble & de la doctrine & de la reformation, & à la réfolution prise dans le concile de garder cet ordre; joint qu'ils avoient écrit au pape qu'ils commenceroient auffi-tôt aprés l'octave de Pâques. cxx. Sur ce difcours, l'ambaffadeur dit qu'il avoit L'ambaf- des lettres de l'empereur qui lui ordonnoit de fadeur de s'oppofer de toutes fes forces à l'examen de l'empereur la doctrine, qu'il n'oublieroit rien pour engager s'oppose à P'examen les peres à contenter fon maître, & qu'il ne conde la do- venoit pas d'offenfer un prince qui avoit fervi &rine. la religion avec tant de zele; les legats lui repliPallavic. querent qu'ils ne pouvoient pas s'exempter d'oibid. 1. béir au pape. Il eft du devoir des bons mini

2.

ftres, repartit de Tolede, de conferver l'union & la concorde entre fon maître & les autres princes, & de ne point executer fi promptement fes ordres, lorfqu'il y a de grands troubles à crain dre, on doit l'en avertir & attendre de lui un fecond ordre. Les legats parurent en convenir : mais ils s'excuferent en difant qu'on ne devoit exiger d'eux que ce qu'ils pouvoient faire honnêtement. Ils informerent le pape de cette oppofition, & de ce que le cardinal de Trente leur avoit fouvent dit avant fon départ, que l'on defobligeroit l'empereur fi l'on traitoit du peché originel; & le fupplierent de leur apprendre ce qu'ils devoient faire, ajoûtant que s'il ne leur venoit point d'autres ordres, ils s'en tiendroient aux derniers qu'ils avoient reçûs; & qu'ils representeroient à l'ambaffadeur qu'il n'y avoit point de troubles à craindre en traitant du peché originel, parce que les Lutheriens étoient d'accord avec les Catholiques là-deffus, comme il avoit

paru

paru dans le dernier colloque de Ratisbonne, où l'empereur avoit fait mettre l'article de la juftification le premier de ceux qui étoient à décider, n'aïant rien dit du peché originel.

AN.1546.

Le pape

Pallav.ubi

Maii.

Les legats reçurent peu de tems après la ré- CXXI. ponse de Rome. On leur manda que le pape étoit répond à fort furpris des demandes de l'ambaffadeur, puif- fes legats qu'elles étoient capables d'arrêter les progrez du fur cette concile, & les remedes qu'on vouloit apporter oppofition. à l'herefie : qu'ils devoient donc répondre, que fupra. n. 3. fi l'empereur étoit bien inftruit des maux qu'une Ex litteris femblable conduite produiroit dans l'églife, il Farmefii ad n'auroit jamais penfé à demander qu'on ne trai-legatos 13. tât point de la foi. Qu'ils devoient toûjours pourfuivre l'examen des dogmes, & faire voir que cette affaire ne fouffroit aucune difficulté, & ne devoit point être mise en deliberation. Quand les legats eurent fignifié ces ordres, & marqué qu'on commenceroit par l'examen du peché originel, l'ambaffadeur fe donna encore de nouveaux mouvemens pour l'empêcher; il fit demander par l'évêque de Cava, qu'on differât jufqu'à ce qu'il eût reçû la réponse de l'empereur; fit propofer de confulter auparavant les prelats Allemands, & prier le nonce apoftolique d'en parler à l'empereur; qu'il falloit attendre Mendoza qui étoit déja à Padouë, quoique toûjours malade de fa fievre quarte, & qui arriveroit dans peu à Trente. Les legats, feignant de confentir à un délai, propoferent qu'en attendant on pouvoit toûjours s'affembler pour difcuter les articles, & par-là menager le tems. Les Imperiaux y confentirent, efperant qu'il furviendroit beaucoup de difficultez capables de traîner l'affaire en longueur, & peut-être de la faire échouer. Tolede vouloit qu'on ne définît rien de tout l'été.

Ch com

mence à

Les legats contens de voir que l'on confentoit CXXII. du moins à entamer les matieres de foi, tinrent plufieurs congregations le vingt-uniéme de Mai examiner F

&

& les jours fuivans, où l'on propofa la question AN.1546. du peché originel, & l'on divifa l'examen en la question du peché cinq articles. I. De la nature de ce peché. 2. De originel. la maniere dont il fe tranfmet dans les defcenPallav. ubi dans. 3. Des maux qu'il a caufez au genre hufupra b.7. main. 4. De fon remede. 5. Quelle étoit l'efficacap. 8. n. 2. cité de ce remede. Quant au premier article, Pelargue procureur de l'archevêque de Tréves, dit que ce peché confiftoit dans la privation de la juftice originelle dans laquelle Dieu avoit créé Adam. L'évêque des Canaries reprit au contraire, que cette privation n'étoit point le peché, Angelus mais une certaine peine du peché. Un * évêque Pafcalis Dominicain produifit l'autorité de faint Thomas, Mota anen- & dit qu'on ne pouvoit mieux connoître la naAs epifcopus ture du peché originel, qu'en examinant la perfection qui lui eft oppofée, comme on ne connoît l'aveuglement que par la faculté de voir; que ce peché eft un certain vuide opposé à cette perfection qui ornoit Adam innocent, & qu'on nomme juftice originelle; qu'il faut donc expliquer celui-là par celle-ci. La juftice originelle, difoit-il, a deux parties, l'une qui eft la princi-. pale & comme la forme; l'autre qui regarde fon integrité & qui eft comme la matiere. La premiere étoit une foumiffion du libre arbitre fous un legitime maître qui eft Dieu, l'autre est la foumiffion des facultez interieures à ce libre arbitre, qui en eft comme le chef & le maître. Or ce libre arbitre s'étant revolté contre Dieu par le peché d'Adam, toutes les facultez qui lui étoient foûmifes fe font auffi revoltées. Ce dernier trouble & tous les maux qui ont fuivi de cette revolte font comme la matiere du peché originel; & le premier trouble qui a été la faute non pas la peine, eft la forme, & établit la nature de ce peché. Un autre évêque du même ordre expliqua autrement la doctrine de S. Thomas. Les avis furent plus differens fur le deuxième

mis d'A

article qui traitoit de la tranfmiffion de ce peché AN.1546. d'Adam en nous. Jean Fonfeca évêque de Ca- cx11. ftellamare, dit que la propagation du peché du Comment premier homme dans fes defcendans, qui ne l'ont il eft tranfpas commis volontairement, peut être conçûë dam en par l'exemple d'un roi qui a accordé le gouverne- nous. ment d'une ville à quelqu'un de fes fujets, pour Pallav, n. 1 en jouïr lui & fes descendans, comme d'un bien- 5. fait, à condition qu'il lui fera toûjours fidéle : Si ce fujet vient à fe revolter, ce prince prive toute fa pofterité de la poffeffion de cette ville, & il ne lui eft pas permis de fe plaindre qu'on le puniffe injuftement; au contraire il doit rendre graces au prince qui par la donation d'une ville qu'il avoit faite à ce pere, avoit rendu toute fa pofterité capable de fui fucceder. Les ornemens de la juftice originelle font femblables à ce bienfait; Dieu les avoit liberalement départis à Adam, & le depouillement qu'on en fait à fes defcendans eft ce qu'on nomme tâche originelle. Mais cet exemple ne fatisfit pas les peres, parce qu'il marque feulement que la peine peut bien être tranfmife de pere aux enfans, mais il n'explique pas la coulpe ou la faute qui eft toutefois tranfmife d'Adam en nous. Fonfeca cependant rempliffoit fon deffein qui étoit d'expliquer de quelle maniere Dieu pouvoit nous punir fans injuftice pour la faute d'un autre ; mais c'étoit une autre question de fçavoir comment cette punition nous rend coupables; & c'eft ce que tenta d'expliquer l'évêque Dominicain qui avoit parlé plus haut fur la nature du peché originel. De la même maniere, dit-il, que nos membres quoique privez de liberté & de raifon, font cenfez. coupables, lorfque dirigez & conduits par la volonté, ils fe portent à quelque action criminelle; de même les enfans, quoiqu'ils n'aïent rien fait par aucun acte de leur volonté, font cenfez avoir peché en Adam, naître dans un état vuide de tout F. 6

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:

bien,

bien, nullement foumis à Dieu, & contraire à la AN.1546. fin de l'homme, en ce que celui dont la nature étoit entiere & parfaite, & qui avoit le choix pour la conferver dans cette perfection ou pour la rendre mauvaise, a fait par fon peché volontaire, que toute fa pofterité devoit naître avec la même tâche. Pour s'expliquer plus clairement, il ajoûta, conformément à la doctrine de S. Thomas, que la nature a été fouillée dans Adam par-la tâche de fon peché, & qu'au contraire nous fommes fouillez par la tâche de la nature. Un autre parla encore plus amplement fur cette matiere, & fit remarquer l'erreur de Zuingle en particulier fur le peché originel.

CXXIV.
Des maux

caufez par
le peché
originel.

Enfuite on examina le troifiéme article, des maux que le peché originel a caufez au genre humain. Il eft certain, dit un des prelats, qu'Adam outre les qualitez naturelles, avoit reçû de Pallav, ut Dieu la juftice & la droiture de l'ame, qui lui Jupra n.7 auroient procuré l'immortalité à lui & à fes def

cendans, s'il fe fut confervé dans cet état, fans parler de la science, de la connoiffance du mouvement des cieux fur laquelle les auteurs ne s'accordent pas, pour décider fi elle eut été hereditaire à fa pofterité. De plus on eft afsuré qu'Adam n'a peché que par defobéiffance en violant les ordres de Dieu, & dès-lors il a caufé la ruine de fa famille, foit pour avoir mangé du fruit défendu, foit pour quelque autre peché, en puni tion duquel il a perdu la grace lui & toute fa pofterité. Enfuite pouffant fes raifons jusqu'au quatriéme article, il parla du remede, & dit que P'homme ne pouvoit être délivré que par le baptême, de cette peine à qui S, Paul donne le nom de mort. Enfin il avertit des deux écueils qu'il falloit éviter; l'un, de penfer mal de la justice divine lorfqu'elle puniffoit dans les enfans la faute d'un autre, en les privant non feulement des biens qui font donnez gratuitement, mais mê

me

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