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AN.1546.

LXII.

Le pape publie un jabilé à Rome.

qu'on en délibereroit dans la prochaine congre gation. Après quoi l'affemblée finit, & chacun fe retira. Deux jours après, c'est-à-dire, le trentiéme de Juillet, il y eut encore plus de difputes & de conteftations, au fujet de la prorogation de la feffion, fur-tout entre le cardinal de Monté & celui de Trente, & aucun ne voulant ceder, on fe fepara encore fans rien décider.

Le premier d'Août, on fit l'ouverture du jubilé dont la bulle dreffée dès le quinziéme de Juillet avoit été publiée le vingt-cinquième. Le pape après un long recit des maux dont l'herefie affligeoit l'églife, difoit dans cette bulle : qu'il avoit fait affembler le concile pour extirper l'erreur : mais que voïant l'opiniâtreté des heretiquesqui méprifoient le concile, & refufoient de s'y foumettre, il avoit jugé à propos d'emploïer la force, ne fçachant pas d'autre remede à un fi grand mal. Que dans cette circonftance il falloit que chaque fidéle eût reçours à Dieu par la priere, le jeune & la confeflion accompagnée d'une fincere & veritable contrition, pour obtenir l'heureufe iffue d'une guerre qui n'avoit pour objet que la gloire de Dieu, l'extirpation des herefies, & l'exaltation de l'églife. Ce jubilé fut cause que depuis le premier jour du mois d'Août jusqu'au douziéme on ne tint point de congrégation, afin qu'on pût vaquer à la priere.

faire trans

LXIII. Tout ce qui venoit de fe paffer dans la derLe cardi- niere congrégation, joint à la peur qu'on avoit nal Cervin de l'armée ennemie, ne fervoit qu'à confirmer travaille à les legats dans la penfée de transferer le concile. ferer le Marcel Cervin plus moderé & moins fufpect que concile. lea autres cardinaux, parce qu'il n'avoit eu auPallav. lib. cune part dans les difputes & dans les contesta8.cap. 8. n. tions, entreprit de Madrucce gagner 1.& feq. gager à faire confentir l'empereur à cette tranflation, & fe fervit pour y réuffir, de la médiation de Bertanus évêque de Fano, intime ami

pour

l'en

de

de ce cardinal. Il lui reprefenta que fi le pape vouloit agir d'autorité, il étoit en état de rappeller AN.1546. les peres de Trente, mais que pour éviter les actions d'éclat, il feroit plus à propos que Madrucce fe joignît à lui pour avoir le confentement de l'empereur; qu'il étoit impoffible que le concile demeurât plus long-tems à Trente; que l'air n'y étoit pas fain; que les vivres y manquoient; qu'on s'y trouvoit environné d'ennemis, que les païfans des environs infectez de l'herefie s'élevoient contre leurs pafteurs; qu'en y demeurant on expofoit le concile à une ruine entiere; qu'enfin pour ne donner aucun foupçon aux Allemands, on pourroit fe transporter à Lucques ou à Sienne qui étoient des villes libres dépendantes de l'empereur.

LXIV.

Bertanus évêque de Fano étant entré dans les Les legats fentimens de Cervin, détermina le cardinal Ma- envoient à drucce à agir auprès de l'empereur; & il fut Rome pour choisi pour aller vers ce prince au nom des le-informer le gats; ceux-ci envoïerent dans le même tems à pape des oppositions Rome Achille de Graffis avocat du concile, do-de l'empemeftique du cardinal de Ste. Flore, qui faifoit les reur. fonctions de cardinal neveu en l'abfence de Far- Pallav.uki nefe. Bertanus rencontra en chemin un fecretairefupra n. 2. & z. de Madrucce qui lui apprit que l'empereur étoit fort irrité de ce qu'on vouloit transferer le concile, & qu'il menaçoit de s'accorder au plûtôt avec les Lutheriens, & de prendre toutes les mefures convenables à fes propres interêts. Il crut donc, comme le penfoit ce fecretaire, qu'il feroit mieux de retourner fur fes pas, que d'aller s'expofer à un refus difgracieux. Il revint à Trente où il arriva deux jours après en être parti, de Graffis fut rappellé auffi; mais on l'envoïa prefque auffi-tôt à Rome pour y porter la nouvelle .des difpofitions de l'empereur, & de fa réfiftance à la tranflation du concile. L'évêque de Fano partit auffi pour la même ville peu de tems après,

pour

pour informer le pape de ce qui s'étoit paffé, AN.1546-lui reprefenter que pour calmer les Alleman il étoit à propos de laiffer encore le concil Trente environ deux mois. Madrucce efper par-là fe mettre à couvert des troubles que ca feroit cette tranflation, & qu'on n'auroit manqué d'attribuer à fa vivacité & à fon imprudence.

LXV.

legats tou

pas

Avant que ces députez fuflent arrivez à RoLettres du me, on reçut à Trente des lettres par lefquelles pape à fesle pape informé de l'allarme que caufoit le voifichant cette nage de l'armée ennemie, confentoit à la trantranflation. flation du concile, fur les raifons qui lui avoient été mandées fes legats; & il leur envoïoit dem. une bulle, dans laquelle on avoit inferé cette Ex litteris claufe, que le concile ne feroit transferé qu'à fants Flore condition que la plupart des peres le demandafad legatos, fent & le vouluffent. Le pape enjoignit de mêAugufti. me à fes legats, que fi la chose arrivoit, ils pro

Pallav. ibi

3.4.

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pofaffent la ville de Lucques comme hors des

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états de l'églife, & affectionnée à l'empereur,
enforte qu'on ôteroit par-là tout foupçon. Illeur
ordonnoit encore de ne rien décider fans avoir
pris auparavant l'avis de ce prince, & leur mar-
quoit qu'il fouhaitoit fort qu'avant qu'on chan-
geât de ville pour le concile, on établît le decret
de la juftification, & celui de la réfidence des
évêques, afin que les peres ne fuffent pas oififs.
Que cependant les legats devoient moins penfer
à exécuter ce qu'ils fouhaitoient, qu'à examiner
ce qui fe pouvoit faire.

Le cardinal Farnese qui n'étoit pas encore par-
ti de Trente lorfque ces ordres du pape arrive-
rent, les fit voir aux prelats Imperiaux, qui en
furent très-émus: ils s'y oppoferent fortement,
& obtinrent enfin qu'on ne prendroit aucunes.
mesures fur la tranflation, jufqu'à ce qu'on cût
reçû de nouveaux ordres du pape. Le legat Mar-
cel Cervin mettoit cependant tout en œuvre,

pour

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pour perfuader à Farnefe de ne point fe défifter & de poursuivre vivement fon entreprife; il lui AN.1546. reprefenta la fituation fâcheufe dans laquelle ils étoient tous expofez, prêts à fe voir emmenez captifs, fi les armes des Proteftans avoient l'avantage; que de cette tranflation dépendoit la dignité du fiege apoftolique, la fûreté des évêques, la liberté ou la diffolution du concile; que fi les armes de l'empereur avoient un heureux fuccés, & qu'il y eut quelque efperance de faire accepter les décifions du concile aux peuples qui s'étoient feparez de l'églife; alors les peres pourroient retourner à Trente avec bienféance, &

même avec avantage, fans que leur perfonne courut aucun danger. Farnefe écouta ces raifons, & partit de Trente.

fe empêche

lation.

Pallavicin.

Les affaires ainfi difpofées, les legats tinrent LXVI. une congregation generale le douziéme du mois Le cardid'Août dans le deffein de recueillir les fuffrages, nal Farnepour fçavoir fi la tranflation feroit approuvée des les legats peres, & quelle ville on choifiroit; enforte que le propofi le pape réïteroit fes ordres, on fût tout prêt à fer litranfpartir. Mais les legats aïant reçû des lettres du cardinal Farnefe, qui leur mandoit de differer & de ne point traiter de cette affaire jufqu'à ce qu'on eut reçû la réponse du pape, on ne délibera pas fur ce fujet. Les menagemens qu'il étoit à pro- Maffarelli 12. Aug.ex pos d'avoir pour l'empereur, avoient porté Farlitteris leganese à écrire ainfi, fur-tout depuis que ce prin- torum eodem ce lui eut fait fçavoir fes intentions.

ubi fapra cap. 8. n. 4.

in diario

die card.

LXVII.

étoit oppo

fé à la tranf

L'empereur avoit répondu en effet à Jerômelanda Flora. de Corregio qui lui avoit été envoïé par le car- Combien dinal Farnefe, qu'il fouhaitoit que le concile con-l'empereur tinuât, & qu'on n'y fit aucune nouvelle entreprife, & que quand il parloit ainfi c'étoit moinsation du fes interêts qu'il avoit à cœur, que la gloire de concile. Dieu & l'heureux fuccés de cette affaire; puif- Pallavo qu'il étoit vrai, que fi le concile venoit à fe dif- ibid. n. 5. foudre ou à être transferé, rien ne le pourroit & 6,

plus

mâ Jalii.

AN.1546. Plus empêcher de s'accorder avec les Proteftans Na litteris & de fe procurer une paix qui le délivreroit de Veralli ad bien des foins. Et comme Farnefe avoit fait aufLegatos witi-fi informer l'empereur par Corregio de la difpuEjufi. ad te qui s'étoit élevée entre les cardinaux dans la Sfuriam. congregation du vingt-neuviéme de Juillet, & 6.8. qu'il lui avoit fait propofer de retirer Madruc Angufti ce de Trente fous quelque pretexte; ce prince avoit ajoûté : qu'il étoit à propos que ce cardiIn diar. nal demeurât à Trente dans les conjonctures preconc. Trid. fentes, où il falloit traiter avec Farnese des avanMS.Archiv. Datic.p.163. tages & du progrés du concile, & prendre des apud Ray- mefures certaines afin de pourvoir à fa fûreté: mald. hoc qu'enfuite il examineroit s'il étoit à propos ou ass.n. 127. non, que ce cardinal quittât fa ville epifcopale.

ad legatos

6 Aug.

a

Ce fut donc cette déclaration de l'empereur qui obligea Farnese à mander aux legats de ne rien propofer dans la congregation jufqu'à ce qu'on eut appris la volonté du pape. Le nonce Veralle écrivit la même chofe, qui fut confirmée par l'ambaffadeur Mendoza. Il mandoit que l'empereur étoit tellement contraire à la translation du concile, qu'il menaçoit de fon indignation tous ceux qui oferoient en parler, & qu'il étoit particulierement irrité contre le legat Cervin qu'il regardoit comme l'auteur de ce deffein.

les

y au

Malgré ces plaintes & ces menaces de l'empereur, & fans fe mettre en peine des troubles que la translation du concile exciteroit parmi les Allemands & les Efpagnols, les legats perfifterent dans leur deffein, efperant que le pape toriferoit. Ils tinrent une congregation le treiziéme du mois d'Août, dans laquelle le cardinal de Monté exhorta les peres à ne point quitter Trente, & à ne rien craindre, d'autant plus que l'empereur remportoit beaucoup d'avantages fur les ennemis. L'évêque de faint Marc appuia le fentiment du legat par un long difcours. On n'ofa cependant preffer le pape à entreprendre une af

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