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avoient écrit folidement contre les Lutheriens,

comme Prierio & Eckius, qui s'étoient plus fer AN.1546. vi de l'autorité de l'églife que de tout autre argument, parce que fans elle on ne reduiroit jamais les heretiques. Qu'il étoit inutile de jetter les fondemens de la doctrine chrétienne, fi l'on ne touchoit pas au principal & peut-être à l'unique, mais du moins à celui qui foûtenoit tous les autres. Mais cet avis fut rejetté par cette raison, que fi on traitoit de l'autorité de l'églife, ce feroit montrer que c'étoit une chose douteuse, ou du moins nouvellement décidée, quoiqu'elle eut toûjours été crûë depuis qu'il y avoit une église chrétienne.

Autre fen

fur les tra

ditions.

Le fecond Antoine Marinier, dit qu'il étoit LXIV. inutile de parler de traditions, & que pour pro- timent noncer là-deffus il falloit déterminer auparavant, d'Antoine fi la question étoit de fait ou de droit, c'est-à- Marinier dire, fi la doctrine chrétienne a deux parties, l'une que Dieu ait voulu qu'elle fût écrite, l'autre qu'il ait défendu d'écrire, & qu'il ait commandé d'enseigner de vive voix; où bien, fitoute la doctrine aïant été enseignée, il est arrivé qu'une partie ait été mife par écrit, & l'autre non. Il ajoûta qu'il étoit évident que dans l'ancienne alliance Dieu avoit voulu que fon peuple eut la loi par écrit, & que pour cet effet il avoit lui-même écrit le decalogue fur les deux tables; qu'il avoit ordonné plufieurs fois à Moïfe d'écrire cette loi dans un livre: mais qu'il n'en étoit pas de même de la loi évangelique, qui n'a befoin ni de tables ni de livres, le fils de Dieu l'aïant écrite dans les cœurs, fans néanmoins défendre de l'écrire. Ainfi ce que les Apôtres ont écrit, & çe qu'ils ont enfeigné de vive voix, eft de même force, aïant écrit & parlé par l'inftinct du SaintEfprit: & comme ce divin Esprit les a inspirez pour écrire, & pour prêcher la verité, on ne peut pas dire qu'il leur ait défendu d'écrire quel

Tome XXIX.

D

que

AN.1546.

nal Polus

siment,

que chofe pour en faire un myftere: en forte que par là on ne peut pas diftinguer deux fortes d'articles de foi, les uns publiez par écrit, & les autres qu'on ne doit enfeigner que de vive voix. Et fi quelqu'un, difoit-il, penfe le contraire, il aura deux grandes difficultez à réfoudre, l'une de dire en quoi confifte la difference de ces articles, & l'autre, comment les fucceffeurs des Apôtres ont pû mettre par écrit ce que Dieu a défendu. Dire que c'eft par hazard que certaines chofes ont été écrites, c'eft faire injure à Dieu qui conduit la main des Apôtres. Il concluoit de là qu'il valoit mieux imiter les peres qui n'ont parlé de la tradition que dans un befoin preffant, encore fe gardoient-ils bien de l'égaler à l'écriture fainte. Ils n'est donc pas neceffaire d'en venir à une nouvelle détermination, puisque les Lutheriens, qui fe vantoient de ne vouloir point d'autre juge que l'écriture, n'avoient point encore entamé cette question.

LXV. Cet avis ne fut point du tout goûté : & le Le cardi- cardinal Polus s'éleva fortement contre, en di'élevecon-fant qu'il convenoit mieux à un colloque d'Altre ce fen-lemagne qu'à un concile general, où l'on ne de voit avoir que la verité pour objet; au lieu que dans un colloque on ne fe propofe que d'accorder les parties, fouvent au préjudice de la verité. Que pour conferver l'églife, il falloit ou que les Lutheriens reçuffent toute la doctrine du faint fiege, ou que l'on n'épargnât aucun foin pour découvrir autant que l'on pourroit de leurs erreurs, pour mieux convaincre le public, qu'ileft impoffible de s'accorder avec eux. Qu'encore qu'ils n'euf fent pas formé de controverfe fur la tradition, comme le prétendoit frere Marinier, il falloit les prévenir, & montrer que leur doctrine n'est pas feulement differente de la veritable dans les points qu'elle contredit ouvertement, mais aufsi dans tous les autres articles; & qu'enfin l'on ne

devoit point craindre de donner dans des écueils pour les raifons captieufes du frere Marinier, d'où l'on pourroit aifément inferer qu'il n'y avoit point de tradition dans l'églife. Et fur ce que l'évêque de Clodia voulut reprefenter qu'il n'y avoit aucun fondement à faire fur le concile de Florence pour le canon de l'écriture, parce que fon decret eft du quatriéme Février 1441. & que ce concile finit en 1439. le premier légat fit voir qu'il fe trompoit, qu'il étoit vrai que la verfion latine d'Abraham de Créte finiffoit en 1439. à la feptiéme feffion, parce que cet auteur n'en a rapporté l'hiftoire que jufqu'au départ des Grecs, mais qu'il dura encore près de trois ans tant à Florence qu'à Rome où il fut transferé, par un decret du vingt-fixiéme d'Avril 1442.

AN.1546.

l'écriture

Cependant les fix peres choifis pour former le LXVI. decret des livres de l'écriture fainte & de la tra- Commiffaires pour dition, le propoferent, & il fut unanimement examiner reçû: mais on renouvella les conteftations fur le les endroits titre du decret, auquel quelques évêques, en- alterez de tr'autres celui de Fiezole, vouloient qu'on ajoû- fainte. tât, représentant l'églife univerfelle. Cervin appaifa Pallav, ubi la difpute, & l'archevêque d'Aix fe déclara pour fupra lib.6. lui. On parla enfuite dans une congrégation du c. 12. n. 2. vingtiéme Fevrier en prefence des légats, des feq. endroits alterez dans l'écriture, & l'on nomma des prélats pour les examiner. L'archevêque d'Aix fut du nombre, Marc Verger évêque de Sinigaglia, aufquels on joignit les évêques de Cava, de Caftellamare, de Fano, de Bitonte, d'Aftorga, Seripande general des auguftins, deux cordeliers Alfonfe à Caftro & Richard du Mans, avec Ambroife Catarin dominicain. On prescrivit aux théologiens de s'affembler deux fois au moins tous les mois en particulier, d'y inviter autant d'évêques qu'ils pourroient, afin de profiter de leurs lumieres, à condition qu'ils tiendroient fecret tout ce qui fe feroit. Dans la congregation du dixD &

Lep

AN.1546. feptiéme de Mars, ils rapporterent les endroits de l'écriture qu'ils croïoient corrompus, & propoferent les remedes qu'on pouvoit y apporter. L'archevêque d'Aix, commença à dire en peu de mots de quoi il s'agiffoit, & l'évêque de Bitonte qui parloit plus facilement, poursuivit.

LXVII. Ils obferverent quatre abus qui s'étoient gliffez Quatre abus dans les éditions des livres faints. Le premier qu'ils ont remarquez étoit venu de cette grande varieté de verfions dans les qui a rendu la verité de la parole de Dieu incerverfions de taine : à quoi l'on peut remedier, dirent-ils, en l'écriture. établiflant une feule de toutes ces verfions comPallavi me legitime & autentique, celle qui avoit la plus fupra C. 12. 2.3.4. grande autorité dans l'églife, & que pour cet effet on nommoit la Vulgate. Le fecond abus étoit le grand nombre de fautes qui fe font gliffées dans les éditions de la bible tant en latin, qu'en grec & en hebreu; & l'on convint que le remede feroit d'engager le fouverain pontife à commettre des hommes fçavans qui priffent foin de corriger l'écriture fainte, de la faire enfuite imprimer ainfi corrigée, & d'en envoïer des exemplaires à chaque fiege épifcopal. Le troifiéme abus eft que chacun s'ingere d'expliquer l'écriture fainte à fa fantaifie, & de lui donner des fens forcez, ce qu'on ne peut arrêter qu'en établissant des loix certaines, par lefquelles on défende d'interprêter l'écriture autrement que felon l'explication des faints peres, & d'imprimer aucun commentaire, ou texte, qu'avec l'approbation des cenfeurs ecclefiaftiques. Le quatrieme abus venoit de l'ignorance des libraires qui imprimoient les livres faints fur des exemplaires corrompus, & qui y ajoûtoient de mauvaises interpretations, ce qu'on pouvoit empêcher en condamnant à une amende pecuniaire ceux qui tomberoient dans ces fautes, & qui imprimeroient ces livres fans la permiffion de l'ordinaire, & fans mettre les noms des auteurs. L'archevêque de Palerme & l'évêque d'A

ftorga

ftorga s'éleverent contre cette amende, pretendant AN.1546. que l'églife n'avoit pas ce droit; mais l'évêque de AN.1546, Bitonte repliqua, & l'affaire n'alla pas plus loin.

Pacheco

parle con

criture

Le cardinal Pacheco dit, qu'on devoit enco- LXVIII. re remarquer un autre abus, qui étoit celui de Le cardinal fouffrir tant de traductions de l'écriture fainte en langue vulgaire, qu'on voïoit entre les mains tre les verdu peuple ignorant. Le cardinal Madrucce lui re- fions de l'épliqua, que l'Allemagne étoit fcandalifée du feulainte. bruit qui y avoit été répandu, qu'on vouloit pri- Pallav.ubl ver les peuples de ces oracles divins qui, felon fupra c. 12. l'Apôtre, devroient faire le fujet de leurs médi-». 5. tations continuelles. Et Pacheco objectant que cette lecture étoit interdite en Espagne, même de l'approbation de Paul II. Madrucce lui répondit, que Paul II. & tout autre pape avoit pû fe tromper en faifant de pareilles loix; mais que l'apôtre faint Paul ne fe trompoit pas. L'affemblée finit fans qu'on y eût rien décidé; & il y en eut plufieurs qui témoignerent leur mécontentement contre ceux qui n'étoient pas favorables aux verfions de l'écriture, & qui dirent que dans un tems auquel les heretiques publioient leurs erreurs en langue vulgaire, il étoit à pos de mettre entre les mains des peuples l'antidote à ces erreurs, quoiqu'avec précaution.

pro

fur Pauto

l'écriture

On agita dans la congregation fuivante la que- LXIX. ftion, s'il falloit avoir recours au texte original Difputes pour bien entendre l'écriture fainte : & à cette rité du texoccafion les conteftations se renouvellerent plus te & des fortement qu'auparavant entre quelques docteurs verfions de qui entendoient les langues, & d'autres qui les fainte. ignoroient. Louis de Catane Dominicain fut d'avis qu'on fuivit la methode du Cardinal Cajetan qui, à l'occafion de fa legation d'Allemagne en 1523. cherchant comment on pourroit ramener les heretiques à l'églife & les convaincre, trouva que le vrai remede étoit d'entendre le texte litteral de l'écriture fainte dans fa langue originale:

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