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bien que ces vers étoient de Mat

H. DE

» thieu, & que c'étoit le premier RACAN. quatrain de fon livre intitulé: Les

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3) Tablettes de la Vie & de la mort. M.

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» de Racan, qui n'avoit pas vû ce livre, contesta longtemps, & opi»niatrément, que Mathieu ne pouvoit avoir fait ces vers; & il ne fe » rendit là-deffus que lorfqu'Ivrante les lui fit lire dans ce livre de Matthien, avec le plus grand étonnement du Monde. Cette avanture paroît fort finguliere à Menage, qui ne doute point de fa verité; mais Bayle en fait difparoître le Merveilloux par une reflexion fort naturelle. » Il n'y a, dit-il, gueres de gens qui > ignorent que l'on fait apprendre aux enfans bien élevés quelquesmaximes de pieté & de Morale, & qu'avant même qu'ils fachent li-re, on tâche de leur faire retenir par cœur quelque couplet fententieux. Sans doute le petit Ratan aura oui dire à fa gouvernanté, ou à fa Mere quelqu'un des quatrains de Pybrac ou de Matthieu. Les idées qui s'en imprimerent dans fon cerveau le boucherent, & de Tome XXIV

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H. DE» meurerent en cet état quelques an RACAN. » nées; elles fe déboucherent dans » la fuite, & fe representerent à lui » comme un objet tout nouveau, & fans réveiller le fouvenir particulier de l'Auteur, ou de l'Ouvrage d'où elles venoient. Il crut donc " être l'Auteur de ces quatre vers, quoique dans le fond ils ne fuffent autre chofe qu'une reminifcence mutilée. Si l'on examinoit attenso tivement, ajoute-t'il, on trouveroit qu'en mille rencontres ce que » l'on croit inventer, eft une pen» fée qu'on a oüi dire, ou que l'on a lue; mais on n'a point retenu » cette circonftance.

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Racan, à fon retour de Calais confulta Malherbe, qu'il refpectoit comme fon pere, fur le genre de vie qu'il devoit choifir. Malherbe, au ́. lieu de lui répondre directement làdeffus, lui recita cet ingenieux Con-" te du Pogge, dont la Fontaine a fait une de fes plus jolies fables, intitulée: Le Meunier, fon fils, & leur Afne & ajouta qu'il en agît à fa volonté, parce que quelque chofe qu'il pût faire, il ne feroit jamais..

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approuvé generalement de tout le

H. DE

monde, & que l'on trouveroit toû- RACAN. jours à redire à fa conduite.

Racan fe maria à l'âge de 35 ans, & fa pofterité eft aujourd'hui tout ce qui refte de la Maison de Beuil, maifon des meilleures qu'il y ait en France.

Son talent pour la Poefie lui procura une entrée dans l'Academie Françoife dès fes premiers commencemens; & les Memoires de cette Academie nous apprennent qu'étant abfent de Paris, il y envoya un difcours contre les Sciences, qui y fur lû par M. de Serizay, le 9 Juillet 1635.

Il plaidoit fa propre caufe dans ce difcours; car il étoit fort ignorant en tout autre genre qu'en celui de Poefie; il avoit même tant d'incapa cité pour la langue Latine, que, fi l'on en croit Coftar, il n'a jamais pu apprendre fon Confiteor, & qu'il étoit obligé de le lire, lorfqu'il alloir à Confeffe.

Il mourut au mois de Fevrier 1670. dans fa 81 année, & eut pour fucceffeur à l'Academie Pierre Cureau

H. DE de la Chambre, Curé de S. Barthe RACAN. lemi.

Pour connoître le merite Poetique de Racan, il faut voir ce qu'en penfoit Malherbe, fon Maître en Poefie, & bon juge en cette matiere. Il difoit que Maynard étoit de tous fes difciples celui » qui faifoit » les meilleurs vers, mais qu'il n'avoit point de force; pour Racan » qu'il avoit de la force, mais qu'il· » ne travailloit pas affez fes vers; que » le plus fouvent pour s'aider d'une bonne penfée il prenoit de grandes licences; & que de Maynard » & de Racan on feroit un grand Poete. C'est ce que Racan lui-même nous apprend dans la vie de Malherbe, avec cette fincerité & ce defintereffement, qui font dignes d'un homme de fa condition.

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Defpreaux en parle à peu près fur le même ton dans une Lettre à M. de Maucroix, Racan, dit-il, avoit plus de genie que Malherbe, mais il eft plus negligé & fonge trop à le copier. Il excelle fur tout, à » mon avis, à dire les petites chofes, & c'est en quoi il reffemble

H. DE

is mieux aux anciens, que j'admire » fur-tout par cet endroit. Plus les RACAN. chofes font féches & mal aifées à » dire en vers, plus elles frappent quand elles font dites noblement » & avec cette élegance qui fait pro» prement la Poefie.

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Ailleurs il fait valoir le talent qu'il avoit pour la Poefie fublime & pour la Poefie fimple & naturelle. Il en parle ainfi dans fa Satyre 1x. par rap-port à la premiere.

Tout chantre ne peut pas fur le tor
d'un Orphée

Entonner en grands vers la difcorde
étouffée

Peindre Bellone en feu, tonnant

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de toutes parts,

Et le Belge effrayé fuyant fur fes

remparts.

Sur un ton fi kardi, fans être teme="

raire,

Racan pourroit chanter, au defaut
d'un Homere.

Et dans le premier chant de l'Art Poetique, par rapport à la feconde.

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