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Bibliothèque Poitevine.

TOME VII.

HISTOIRE LITTÉRAIRE

DU POITOU.

HISTORIQUE ET CRITIQUE

DU POITOU..

E

ÉLÉONOR DE GUYENNE (1203), fille de Guillaume X, comte de Poitiers, et d'Éléonor (1) de Châtellerault, a réuni tous les titres auxquels les hommes doivent leurs hommages. Les plus grands princes de l'Europe aspirèrent à l'épouser, et la France félicita son roi de cette alliance; elle ne descendit d'un trône que pour monter sur un autre. L'éclat de sa beauté égalait celui de sa naissance, et un esprit pénétrant, délicat et cultivé relevait en elle ces prérogatives de la nature. Je laisse à nos historiens et à ceux d'Angleterre le soin de faire connaître cette grande princesse dans le récit détaillé des faits où toute l'Europe fut intéressée. Je me contenterai de rapporter ce qui est essentiellement lié à mon sujet, et relatif à ma méthode. Elle naquit au commencement du douzième siècle, vers l'an 1122. Guillaume, son père, l'ayant

(1) Aénor ou Aliénor de Châtellerault est appelée sœur du vicomte de Châtellerault dans une Chronique manuscrite de Limoges. Elle mourut avant Guillaume X, son mari, et fut inhumée dans l'abbaye de SaintVincent de Nieul-sur-Autise.

déclarée son héritière, lorsqu'il abandonna ses états par une retraite qui a jeté de profondes ténèbres sur les dernières années de sa vie, elle épousa Louis le Jeune au mois d'août 1137. La cérémonie de ce mariage se fit à Bordeaux. Louis fut reconnu comte de Poitiers dans Poitiers même, le 8 de ce mois d'août, et duc d'Aquitaine dans la ville de Bourges, le jour de Noël. Les prédictions de saint Bernard ayant soulevé toute l'Europe contre les infidèles, Louis VII fut l'un des princes qui se laissèrent entêter de cette espèce de dévotion qu'on faisait consister dans leur destruction. Éléonor voulut suivre son mari dans le voyage long et fatigant qu'il entreprenait: Elle ne voulait pas, disait-elle, demeurer exposée aux inquiétudes d'une cruelle absence. Ces sentimens étaient bien. tendres. Éléonor les conserva peu de temps, au jugement de son époux. Cette princesse était belle, jeune, spirituelle, vive, sans doute imprudente. Louis amoureux n'avait pas assez de mérite pour n'être pas jaloux, son esprit était borné et naturellement inquiet. Il s'alarma sur quelques apparences, il alla jusqu'à croire la reine capable d'une infidélité. Ces idées bien ou mal fondées lui firent håter son retour en France. Il revint après avoir échoué devant Damas avec l'empereur Conrard en 1150 (1). Le sultan Saladin avait été, suivant l'opinion la plus suivie, l'objet de la jalousie de Louis en Orient; en France, il en imagina d'autres. Rien de plus fécond que l'esprit d'un mari soupçonneux : le seul remède que le faible monarque crut capable de le guérir, fut la voie du divorce. Éléonor, sans doute fatiguée des plaintes d'un époux, qui s'était rendu méprisable par là même qu'il se croyait méprisé, ne fit pas grande résistance à la proposition qu'on lui en fit. Quoi qu'en puissent dire Bouchet et les

(1) Mathieu Pâris, en parlant du divorce, page 80, dit que ce fut, Proptereà quod diffamata esset de adulterio, ctiam cum infideli, et qui genere fuit diaboli.

D'autres en attribuent la cause à la crainte qu'avait Louis VII de ne pas avoir d'enfans mâles d'Éléonor; c'est le sentiment de l'auteur de la Vie de Louis le Jeune.

autres auteurs qui font faire à Éléonor des plaintes très touchantes et verser beaucoup de larmes, comme s'ils avaient été présens à cette triste scène, le mariage d'Éléonor qui suivit son divorce de fort près, donne lieu de croire qu'elle ne fut rien moins qu'inconsolable.

On prétend même que pour se venger des soupçons de Louis, elle publia qu'elle avait cru épouser un roi, et non pas un moine. Ce divorce si peu raisonné et dont les suites furent si funestes à l'état, fut prononcé dans une assemblée d'évêques à Beaugency, en 1151. La parenté des époux en fut le motif, et ce qu'on ne saurait regarder aujourd'hui que comme une chose tout-à-fait déraisonnable, Louis qui avait eu deux filles de la reine, Marie (1) et Alix (2), ne laissa pas de rendre à Éléonor sa dot en entier. Quelle différence à tous égards, dans la façon d'agir et de penser d'un temps à un autre ! Mais laissons les réflexions qu'on peut faire sur la conduite de Louis VII à nos historiens.

Éléonor, une seconde fois maîtresse de l'Aquitaine, de la Saintonge et du Poitou, ainsi que de sa personne, épousa en 1152 Henri II, duc de Normandie, comte d'Anjou et depuis roi d'Angleterre, du chef de Mathilde, sa mère. Louis s'y opposa vainement. Si l'on en croit un moderne (3), les futurs s'aimaient déjà avant de s'épouser. Henri qui avait un esprit étendu et une ambition extrême, ne vit dans Éléonor qu'une princesse qui pouvait faciliter une voie au trône, et encore assez belle pour mériter ses attentions. Mais elle ne resta pas assez longtemps en possession du cœur d'un époux naturellement volage et voluptueux. Elle se vit méprisée; elle chercha à s'en venger, et elle ne garda point de ménagement

(1) Mariée à Henri, surnommé le Large, comte de Champagne. (2) Mariée à Thibault, surnommé le Bon, comte de Chartres.

(3) Larrey, et il semble que la Chronique de Normandie donne lien à cette opinion: Separati sunt autoritate christianitatis post clausum Pascha.... Circa Pentecostem. Henricus...... sivè repentino, sivè præmeditato consilio duxit Aliznor comitissam pictavensen. Guillaume de Neubrige en dit autant, liv. I, chap. XXXI.

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