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donner, comme on dit, la clef des champs. Ces Pigeons alors voleront à cette couverture, ils balanceront d'abord à fortir, puis ils fe hazarde ront, & enfin fortiront & voleront fur le Colombier. Le temps nebuleux, & l'heure de fe retirer qui approche les intimident, & font qu'ils ne s'é cartent point; ils voltigent tout au tour de la maifon, & fe divertiffent, pour ainsi dire, de ce qu'ils jouiffent de la liberté ; & lorfque la nuit vient, ils rentrent au Colombier, fi vous en exceptez quelques-uns qui peutêtre s'éloignent plus que les autres, & vont dans d'autres Colombiers, mais on ne doit point s'en étonner, s'ils ont été bien apâtez dans le leur, ils y reviennent deux ou trois jours après.

N'allez pas fuivre la maxime de certains vifionnaires, qui pour retenig les Pigeons au Colombier, & empêcher qu'ils ne volent en d'autres, prennent les petits d'une Bufe qu'ils enferment chacun à part dans des pots de terre, puis les ayant bien étoupez avec du plâtre, les mettent aux encoignures du Colombier, ou bien qui y pendent une tête de Loup & autres chofes de cette forte qui font ridicules. Le meilleur fecret eft de les bien nourrir en cet endroit, & après cela il ne s'y en égare que très-peu.

Pour bien peupler un Colombier dans les commencemens, il faut les deux premieres années laiffer aller la volée du mois de Mai, & fe fervir pour manger ou pour vendre, de celle de Juillet & d'Août, & fi même ce temps ne fuffit pas pour le bien garnir, on continue de faire la même chofe les années qui fuivent, jufqu'à ce que le Colombier foit tout rempli: c'est à prefent qu'il n'eft plus queftion que de bien nourrir les Pigeons pour en tirer le profit qu'on en attend.

Toute la dépenfe pour les Pigeons fuyards confifte à leur en donner durant cinq mois de l'année, tout au plus quand les hyvers font longs. Ils ne trouvent rien pour lors à la campagne, & l'on commence de-. puis la mi-Novembre, & plûtard même, jufqu'à la fin de Février, & depuis la mi-Avril jufqu'à la fin du mois de Juin. Pendant ce temps il faut les bien nourrir, ne leur point épargner la Vefce, ou autre grain dont on doit avoir bonne provision, comme des orges des deux efpeces, de Pefpeautre, des pois, du gland concaffé, & de l'avoine. En hyver on leur jette du, marc de raifin,

Où donner à manger aux Pigeons, & le temps de le faire.

'Endroit où l'on doit donner à manger aux Pigeons dans la cour, doit toûjours être marqué près du Colombier, il faut autant qu'on le peut que ce lieu foit plat & bien net: on les oblige à y defcendre en les fifflant, & leur jettant du grain ; & quand ces Oifeaux font accoûtumez à ce fignal, ils ne manquent point de s'y rendre, ils s'y attendent même tous les jours & viennent manger avec les Poules qui fe mêlent parmi eux.

C'eft ordinairement le matin & le foir qu'on donne à manger aux Pigeons, c'eft a dire deux fois par jour: il y a des gens qui ne leur en jetter t qu'une fois, mais auffi leurs Pigeons n'ayant pas une nourriture com

plette, vont dans d'autres cours en chercher, & reftent bien fouvent à caufe de cela parmi les Pigeons étrangers; & fuppofé même que ces Pigeons mal gouvernez ne défertent pas tous de leur demeure ordinaire, ceux qui reftent ne fe paiffant que de ce qu'ils trouvent aux champs bon ou mauvais, font obligez de fe remplir de petites pierres rondes, de buchettes & d'autres pauvretez de cette nature qui ne les nourriffent point du tout, & il ne faut pas auffi s'étonner fi un Colombier peuplé de Pi geons fi mal entretenus, déperit tous les jours à vûë d'œil.

Secret pour empêcher les Pigeons de quitter leur Colombier.

P &

Our accoûtumer les Pigeons au Colombier, de maniere qu'ils ne le

Bouc, on les fait bouillir jufqu'à ce que la chair fe détache des os, on ha che cette chair fort menu, puis on la met bouillir dans le même bouillon jufqu'à ce qu'elle foit reduite en gelée; après cela ayez de la terre à potier bien tamifée, paîtriffez-la avec vôtre gélée, ajoutez-y une bonne quantité de fel, de l'urine, des vefces, du cumin, du chenevy, & quelques autres grains de bled fi vous voulez ; mettez bien le tout,& en faites une maniere de pâte dure, formez-en de petites boules de la groffeur chacune de deux poings, mettez-les fecher au Soleil ou au Four, prenez garde qu'elles ne brûlent ; enfuite mettez-les en plusieurs endroit du Colombier où les Pigeons fe promenent: ces Oifeaux ne manqueront point de les bequeter, & y trouvant tantôt un grain de fel, tantôt du chenevy ou autres grains dont ces pelottes font compofées, ils s'y acharnent, l'apât leur plaît, & ne veulent plus à l'avenir quitter le Colombier.

Autre fe

Il y en a qui fe fervent pour cela de millet cuit avec un peu d'eau dans du miel, ou bien d'une vieille moruë falée, qu'ils attachent à la fenêtre cret. du Colombier, & d'autres ingrediens de cette nature; mais à dire vrai, le meilleur de tous les fecrets pour obliger les Pigeons à ne point deserter; c'est de les bien nourrir dans la cour, dans les temps où ils ont plus be foin de nourriture.

ST

Abus touchant certains fecrets pour attirer les Pigeons au Colombier.

on vouloit écouter tout ce que la plupart de nos anciens Auteurs fur l'Agriculture, difent touchant quantité de fecrets prétendus excellens pour obliger non feulement les Pigeons à refter à leur Colombier; mais encore pour en attirer d'autres, ce feroit toûjours à fe fervir d'ingrediens fur ingrediens, & tout cela la plûpart, bagatelles en l'air & imaginations frivoles: qu'on ne s'arrête encore un coup qu'à la nourriture convenable à ces Oifeaux, & donnée à heure reglée & en faifon, c'eft le fecret le meilleur & le plus certain, & nous en fommes tous les jours convaincus par l'experience, il ne faut que cela pour avoir quantité de Pigeons & Pigeoncaux bien gros & gras, & de bon goût, fans s'alambiquer l'efprit d'autres chofes,

Combien de fois il faut nettoyer le Colombier pendant l'année.

L
E Colombier, pour bien faire, doit être nettoyé quatre fois l'année,
quoiqu'en difent au contraire la plûpart de ceux qui ont écrit furcette
matiere. La premiere fois au commencement de l'hyver, la feconde après
l'hyver, & avant que ces Oifeaux commencent leur ponte, la troifiéme a-
près leur premiere volée, & la quatrième quand la feconde eft paffée: il faut
fçavoir pour maxime, qu'on ne doit jamais troubler les Pigeons fuyards
pendant leur incubation; cela les éfarouche jufqu'à quitter quelquefois
leurs oeufs pour n'y plus revenir, outre que le Pigeon, quoique fale na-
surellement, n'aime point coucher dans l'ordure.

Les nids des Pigeons doivent être auffi entretenus fort nettement, crainte que la vermine ne s'y engendre, principalement un peu avant que les femelles commencent à pondre. Si dans le temps que les petits font éclos, il y en tombe quelqu'un de fon nid, il faudra le remettre, fi l'on peut marquer d'oùril eft tombé, fans qu'on en puiffe toutefois efperer un heureux fuccez, mais vaille que vaille, fi c'eft un Pigeonneau de perdu, il ne l'étoit pas moins à terre, d'où on l'aramaffé; peut-être auffi peut-il arriver que la Pigeonne le prendra en amitié, fi c'eft fon petit,& qu'elle le nourriffe. On aura foin de jetter tous les Pigeonneaux qu'on trouvera morts dans les nids, crainte qu'ils n'empuantiffent le Colombier, & après l'incubation des Pigeons ; il eft bon de le parfumer avec quelques herbes aromatiques, de l'encens ou autres aromâts, cela en chaffe le mauvais air, & en fait refpirer un aux Pigeons qui leur eft très-falutaire.

La plupart des Naturalistes prétendent que le Pigeon vit huit années, & Des vieux difent qu'il n'en a que quatre de fecondes, que les autres font plus préjuPigeons, diciables qu'avantageufes ; & que dans ce temps, qui eft celui où commence leur vieilleffe, ils ne fe contentent pas de ne rien faire, mais qu'ils détruifent les oeufs des autres ; qu'ils en tuent les petits quand ils font éclos, & qu'ils troublent les femelles pendant qu'elles couvent : tous ces dégats font à la verité bien fâcheux, fuppofé neanmoins que les effets en foient certains, c'est ce qu'on a peine à croire: & ce qui détruit cette opinion en quelque façon, font tous les Colombiers bien entrenus qui regorgent de Pigeons, malgré ceux qui y vieilliflent.

Cependant c'eft fur quoi nos anciens Auteurs fe récrient beaucoup, il n'eft rien qu'ils n'ayent inventé pour trouver le moyen de nettoyer les Colombiers de ces cruels deftructeurs, & tous ces fecrets ont fi peu de bons fens, qu'il n'y a pas lieu d'y ajouter foi: car, par exemple, ils Beerts pré- difent, que pour connoître les vieux Pigeons, afin d'en purger un Colombier, tendus & il faut quatre ans après qu'on a commencé à le peupler, attacher un filer à l'aile impratica de chaque Pigeon en certain endroit, de maniere qu'il ne puiffe point l'empê

bles.

cher de voler, ou bien, leur coudre aux jambes de petits morceaux de drap, & augmenter ces marques d'année à autre; cela ne donneroit pas mal d'occupation dans les Colombiers où il y a deux ou trois mille Pigeons, & quand il n'y en auroit que cent paires, ne feroit-ce pas toûjours affez d'embarras: il eft vrai que ceux qui on inventé ces fecrets ne les approuvent

pas tout à fait, parce, difent-ils que les marques dont on s'y fert font fujettes à pourrir, & qu'ainfi on pourroit travailler inutilement; mais que Lexpedient le plus fur eft de leur couper chaque année l'extremité d'une de leurs griffes ou ferres (comme on voudra l'appeller) que cette operation ne leur nuit point, à caufe que les Pigeonnes ne grattent point comme les Poules; mais avec quoi auffi fe tiendront-ils fur les toits, ou fur beaucoup d'autres endroits mal unis où ils volent pour fe repofer? Ces Auteurs n'ont apparemment pas fait attention à cet inconvenient, qui repugne entierrement à leur penfée, ainfi que toutes les peines qu'il faudroit fe donner pour l'execution de tous ces moyens qu'ils ont pris plaifir à inventer.

On veut croire que les vieux Pigeons ne produifent pas tant que les jeunes, & que même à un certain âge ils font tout à fait fteriles, & qu'ils peuvent empêcher les autres de bien faire leur devoir pendant l'incubation: mais que faire à cela, ira-t-on réformer la nature, & faut-il pour cela s'imaginer qu'ils caufent tant de dégats dans un Colombier, qu'on l'a écrit? c'eft ce qu'on a de la peine à fe perfuader, lorsqu'on voit Tous les jours d'anciens Colombiers donner des Pigeonneaux en très grande abondance, fans qu'on y touche, & par le fecret feul de ne poinr laiffer manquer les Pigeons de nourriture dans le temps qu'ils en ont befoin: ce qui donne à juger bien fouvent que ces défaftres qui arrivent dans un Colombier peuvent être plus justement attribuez à la negligence qu'on apporte à nourrir des Pigeons, foit par avarice ou autrement, qu'à toutes les vifions dont on vient de parler, ainfi donc pour s'épargner le chagrin de voir un Colombier en défordre, il n'y a qu'à ne point êrre avare de la nourriture & d'autres foins que les Pigeons exigent de nous, & après cela on aura tout lieu d'en être content.

Un Colombier bien peuplé & bien entretenu, est un trefor dans une maison de campagne pour le profit qu'on en tire par rapport aux Pigeon Bons effets neaux qui font d'un fi grand ufage parmi les alimens. La chair de ces Or- des Pigeonfeaux elt tendre, fucculente & facile à digerer; elle nourrit beaucoup, elle neaux. eft un peu aftringeante, elle fortifie, elle excite l'urine, elle déterge les reins, & en détache les matieres groffieres qui s'y arrêtent.

Les vieux Pigeons font de difficile digeftion, & ne peuvent convenir qu'à ceux qui ont un bon effomac, qui font dans un mouvement continuel, & qui par confequent diffipent beaucoup. On fe fert en Medecine des Pigeons dans l'Appoplexie, dans la Léthargie, dans la Phrénefie & dans les Fiévres malignes, & pour cela on en ouvre un, qu'on applique encore tout chaud fur la tête, il agit en ouvrant par fes principes volatiles & exaltez les pores de la tête, & facilite par ce moyen une libre fortie aux vapeurs fuligineufes qui s'élèvent du cerveau.

Le fang de Pigeon qu'on vient de tirer, étant encore tiede, eft bon Sang de Pipour le mal des yeux, il en adoucit les âcretez, & en guérit les playes geon. nouvellement faites, il faut que ce foit un Pigeon mâle, & qu'on l'ait tiré de deffous l'aîle.

La fiente de Pigeon eft finguliere pour la fciatique; on en fait un cata Fiente de plafme avec de la femence de creffon & de moutarde mêlées également Pigeon. d'un peu d'huile de mufcade, & d'olives, puis on applique le tout fur la

partie douloureuse: on en fait aufi des cataplames réfolutifs, fortifians & difcuffifs.

Cette fiente eft encore utilement employée dans l'Agriculture, après néanmoins qu'on a laiffé exalter fes principes les plus volatiles: on s'en fert pour la répandre dans les prez, elle en fait multiplier l'herbe, on en met dans les chenevieres, & dans les jardins quelquefois, felon que les Jardiniers en fçavent bien faire l'employ.

Efpeces di

CHAPITRE VIII,

De la maniere d'élever des Pigeons de Voliere, & de plufieurs abus là deffus de la plupart de ceux qui en nourriffent.

Es Pigeons de Voliere font plus communs que jamais, & font même une partie des plaifirs de bien des gens de diftinction; c'est auffi un bel Oifeau, très-agréable à la vûë. Il y en a de plufieurs efpeces, les uns à la verité plus rares que les autres, mais toutes fort fingulieres & de grand profit.

Nous avons les Mondains, les Poulonnois, les Suiffes, les Bedorez, les ferentes des Pigeons heurtez, à queuë de Paon, les Nonets, & d'autres groffes gorges, qu'on eftime beaucoup.

Pigeons.

Choix des

Pigeons.

La Voliere.

Les Mondains font ceux qui apportent le plus de profit, & qu'on doit nourrir en plus grande abondance; il les faut choisir beaux & forts, ayant le vol rude; ce qu'on éprouve en leur étendant les aîles; car s'ils font foibles, c'eft figne qu'ils font mal conditionnez d'ailleurs, & qu'ils font рец féconds; ils doivent avoir l'oeil éveillé, plein de feu, & le port fier à l'égard des mâles, le corps en bon point; car quand ils font maigres, il eft dangereux que cela ne leur vienne de quelque infirmité qu'ils ont foufferte, & qui pourroit être préjudiciable à leur fécondité. A l'égard du plumage, cela dépend de la fantaisie,

Les Pigeons de Voliere font bien plus gros que les Fuyards, & rendent bien plus de Pigeoneaux à leur Maître : il n'y a prefque point de mois dans l'année où ils ne couvent; il eft vrai auffi qu'ils coûtent plus à nourrir, mais à bien compenfer le tout, le profit, quand on entend bien à les gouverner, furpaffe toûjours la dépenfe; un peu de pratique après ces Oiseaux nous rend fort fçavans là deffus.

Le premier foin qu'il faut avoir: c'eft de leur chercher une demeure, qu'on appellera alors la Voliere, fi mieux l'on n'aime leur en faire conftruire une exprès, comme font bien des gens curieux de ces Oifeaux, & qui ont le moyen de fe donner cette fatisfaction entiere. Cette Voliere s'ap pelle Fuye en quelques endroits, ou Pigeonniere,les goûts là deffus font differens. Quant à leur conftruction, il y a des Volieres plus magnifiques l'une que l'autre ; on en voit où rien ne manque, jufqu'à des jets d'eau, des pots pourris de fenteur, & des boulins faits des plus artiftement, belles tremies de nouvelle invention pour y mettre la Vefce, & la faire couler à mefure

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