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CHAPITRE X.

DE LA FAISANDERIE.

Où il eft traité de la maniere d'élever les Faifans, & de les engraiffer:
Des Gelinotes, & comment nourries pour les rendre grasses.

CE

E Chapitre-ci regarde proprement parlant, les gros Seigneurs qui veulent faire élever des Faifans dans leur terres, afin de ne point manquer de tout ce qu'il y a de plus délicieux à fervir fur table. Un particulier n'y trouveroit pas fon compte, ainfi laiffons donc cette envie de se diftinguer à ceux qui en ont le moyen, aufquels elle convient.

Efpeces dif- Le Faifan eft un Oifeau qui égale à peu près le Coq ordinaire en grofferentes de feur: il a le bec long d'un travers de pouce, & recourbé en fon extremité. Faifans. Sa queue eft fort longue, fon plumage eft varié, & prefque comme celui d'un Coq. On le diftingue en mâle & en femelle : le mâle eft plus gros & plus beau que la femelle ; c'est là le Faifan que nous voyons fur nos tables, & qui eft le plus commun.

Demeure

des Faifans.

Il y en a un autre qui fe fubdivife en deux autres efpeces, fçavoir en grand & en petit ; le premier eft grand comme un Coq d'Inde: il a la tête noire; le bec court, le cou long, & fes plumes font de couleur noire & rougeâtre.

L'autre eft appellé Faifan de Montagne & differe du premier en ce qu'il eft plus petit. Ces Oifeaux ne fe trouvent que dans les montagnes, les Forêts & les pays froids, c'eft pourquoi on n'en voit point dans les climats temperez. On ne fçait point s'ils peuvent s'apprivoifer comme nos Faifans; fi cela eft, & que quelques riches curieux veulent en faire élever chez eux, ils pourront fuivre les inftructions qu'on va donner fur cela, & ils y réüffiront.

La premiere chofe à quoi il faut fonger quand on veut élever des Faifans, c'eft de leur bâtir une demeure; car ces Oifeaux naturellement fauvages ne se plaisent pas à habiter avec les autres Oifeaux de la Bassecour; & pour bien faire, il faut que ce foit dans un endroit écarté de la maifon, crainte que le grand bruit ne les effarouche; on doit construire à peu près cette demeure, ainfi qu'on le va dire.

On juge d'abord par la quantité qu'on veut nourrir de Faifans, de ce qu'il faut de terrain pour bâtir cette demeure: fix toifes fur tous fens fourniront bien de quoi loger de ces Oiseaux, fi l'on veut moins d'efpace, cela dépend de la fantaisie.

de

Ce terrain choifi, & les mefures prifes, on l'environne, fi l'on veut, murailles groffierement bâties fans aucun enduit, ou bien on fe contente d'une cloifon faite de grande paille non battue au fleau, foûtenue par de gros pieux fichez en terre & de bonnes traverses de perches attachées avec de gros oziers & élevées de fix à fept pieds,

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Phaisanderie

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Inventé, et Gravé par J.B. Scotin.

Il y aura une porte à cette enceinte pour laiffer entrer & fortir celui qui aura foin des Faifans, & vis-à-vis fera une petite maifon pour le Faifandier: dans le dedans de la Faifanderie, & tout au tour feront conftruites plufieurs loges hautes chacune d'un pied & demi fur autant de longueur & de largeur; l'ufage de ces loges eft pour mettre pondre & couver les Faifannes; elles feront fermées par devant d'une fenêtre à barreaux, éloignez l'un de l'autre d'un pouce & demi & gros comme le doigt, ou bien de fil d'archal, ou fimplement de réfeau femblable à celui des filets de pefcheur; mais il y aura dans le fond une efpece de Voliere en pied pour apprivoifer les jeunes Faifans. Pour mieux faire comprendre ce qu'on vient de dire, & voir l'arangement que les loges doivent avoir dans la Faifanderie, on a jugé à propos d'en donner une Figure,

Explication de la Planche I

1. Maifon du Faifandier.

2. Faisanderie.

3. Murs de le Faifanderie.

4. Logettes où l'on met pondre

à couvert les Faifans.

5. Faifanes qui pondent. 6. Poules qui couvent. 7. Femme qui donne à manger aux couveufes.

8. Autre femme qui donne à manger aux Faifandeaux que des Poules des Poules conduifent.

9. Faifandier qui a foin de donner manger aux Faifandeaux.

10. Meuë fous laquelle font des Faifandeaux aufquels on donne à

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Ur ces Loges, comme on voit, eft un toit qui regne tout au tour, pour empêcher que l'eau ni les frimats n'y penetrent. Si cette Faifanderie eft dans quelque bois, & environnée de quelques arbres, elle n'en vaudra que mieux ; il y aura dans le milieu plufieurs petites Auges, les unes remplies d'eau & les autres de mangeaille, & tout y fera entretenu le plus proprement qu'il fera poffible : les nids des Faifannes qui pondront fe trouveront garnis de bonne paille ou de foin, & les fenêtres des Loges feront tenues bien fermées: tout cela bien exactement obfervé, on fera choix d'un Faifandier qui entende cette manoeuvre.

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Veritable caractere d'un Faifandier.

Nbon Faifandier doit fe connoître parfaitement bien en Faifans, & fçavoir en approfondir le genie, afin de s'y conformer; c'eft une étude qu'il doit fe faire, s'il veut fe rendre habile en cet employ; car s'il

Ponte des

ignore à traiter ces Oifeaux, comme il faut, il perdra tout; il doit être vigilant fur leurs befoins, matineux pour leur donner à manger, adroit pour leur faire perdre en quelque façon leur naturel farouche, & docile dans la conduite qu'il en a.

Choix qu'on doit fçavoir faire des Faifans pour multiplier leur espece.

P
Our commencer à dreffer une Faifanderie, il faut avoir d'abord de
jeunes Faifans de l'année; car lorfqu'ils font plus vieux, on ne peut
bien les apprivoifer, outre qu'ils fe déplaifent dans leur prifon, & qu'ils
n'y veulent ni pondre ni couver : il faut qu'ils foient gros, bien emplumez
& bien éveillez.

Ces Oifeaux étant bien choisis, plus ou moins qu'on en veut avoir on les met dans la Voliere dont on a parlé. On leur y donne bien à manger. Il faut un mâle à deux femelles. Les Faifans ne font pas fi lafeifs que nos Coqs ordinaires, & quand ils font un peu apprivoifez, la nature les excite de même que la Volaille à nous donner des oeufs, & enfuite des petits. Lorfqu'on remarque que les Faifans veulent pondre, c'eft ordinairement Failannes au mois de Mars, on forme dans la Voliere des nids pour les pondeuses; la Faifane ne fait qu'une ponte chaque année, & donne jufqu'à vingt oeufs: Pendant que ces Oifeaux font dans une Voliere, il ne faut point leur laiffer manquer de nourriture; plus fouvent on leur en porte, plûtôt ils s'accoûtument à voir le monde & à devenir moins fauvages; c'eft ainsi dans les commencemens qu'on veut peupler une Faifanderie, qu'il faut gouverner ces jeunes Oifeaux, qui font comme des étrangers dans des contrées aufquelles ils ne font pas accoûtumez, & où ils ont de la peine à fe faire; car pour les Faifandeaux qui viennent dans la fuite, & qui font originaires de la Faisanderie, on leur laiffe plus de liberté, comme on le dira.

Couvée des œufs de Faifans.

Les Faifanes n'ont pas plûtôt fait leur ponte qu'il faut mettre couver leurs oeufs, ou fous elles-mêmes, ou fous une Poule; celle-ci les conduit plus franchement & les rend moins fauvages; mais enfin, que ce foit l'une ou l'autre, il faut les enfermer dans les loges de la Faifanderie, & ne les point laiffer manquer de nourriture durant tout le temps de l'incubation; c'est le fecret de leur bien faire achever leur ouvrage, & pour cela on ouvre la fenêtre où font les femelles, on les prend & on leur donne à manger à terre, on leur laiffe faire un petit tour, pour les obliger à fienter, puis on les prend,on les remet fur les oeufs & on ferme la fenêtre comme auparavant. Cette incubation dure trente jours; au bout de ce terme on voit éclore les Fajfan- les Faifandeaux, s'il ne leur eft point furvenu d'inconvenient. On gouverdeaux font ne d'abord ces jeunes Oifeaux comme des Pouffins, & pour nourriture on leur donne de la farine d'orge cuite au four, & refroidie; cette coction en détache les parties les plus groffieres, & la rend par là un aliment leger, & facile à digerer, ce qui convient aux jeunes Faifans.

Combien

a éclore.

Ces Oiseaux aiment beaucoup les oeufs de Fourmis, il faut leur en faire chercher autant qu'il eft poffible; cet aliment leur fubtilife les humeurs &

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