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doivent être de bonne heure dressez au joug, tandis qu'ils font jeunes & dociles, & qu'ils font d'âge à changer; c'eft pourquoi on s'y prend de bonne heure, comme on a dit; puis on commence à leur mettre au cou des cordes, & à les attacher ainfi à l'étable, & lorfqu'ils feront accoûtumez à cette premiere fervitude, prenez-en deux qui foient d'égale force, & de même hauteur, puis les accouplant ensemble, faites-les marcher ; qu'ils traînent fouvent des roues feules, enfuine faites-leur tirer une charette pefante l'efpace de trente ou quarante pas; il faut, pour bien faire, que ces jeunes Boeufs ayent deux ans.

Si l'un ou l'autre de ces jeunes Boeufs eft trop fougeux, qu'il ne veuille pas obéir au joug, ou que tous les deux fe rendent difficiles à les y accoûtumer, vous les prendrez l'un après l'autre, & les mettrez entre deux Boeufs foumis depuis long-temps, & de même taille; en trois jours ces animaux indomptables feront tous dreffez.

Il y en a, pour les accoûtumer feuls, qui les accoûtument peu à peu à endurer le lien, & leur ferrent les cornes, puis qui les lient pendant quelques jours à un pieu, où ils les laiffent jeûner quelque temps; s'ils font furieux, & que leur fureur fe paffe, on continue à les amadouer avec la main, puis on leur fait tirer quelque fardeau fous le joug pour les éprouver, en leur parlant à l'ordinaire, & leur faifant quelquefois fentir doucement l'aiguillon, mais rarement.

Il y a quelquefois des jeunes Boeufs fi opiniâtres à ne pas vouloir tirer, que quelque précaution qu'on ait prife, ils ne veulent point démordre de leur opiniâtreté, il faut alors leur donner un peu de l'aiguillon, les animer de la voix ; & fi cela n'y fait rien, on s'arrête, parce que plus on les battroit, plus ils voudroient fecouer le joug: enfuite on leur lie les quatre jambes avec des cordes fi'étroitement qu'ils ne puiffent fe relever, & on les laiffe ainfi jufqu'à ce que la faim & la foif les ayent dompté, ce remede eft plus sûr que tous les coups qu'on leur pourroit donner.

jeunes

C'eft ainfi qu'on apprend à domter les Boeufs, & qu'on fçait les foumet- Il faut métre au joug, foit pour la charrue ou pour le harnois; mais qu'on prenne nager les garde, quand ils font ainfi dreflez, de ne les point d'abord outrer au tra- Bœufs au vail; il faut la premiere année fur tout les ménager, fi c'est à la charrue travail. on leur deftinera les terres les plus legeres, & on ne leur fera faire qu'une demie journée dans les commencemens, crainte de les rebuter; ce qu'on Vache à dit des Boeufs doit s'entendre auffi des Vaches qu'on veut accoûtumer à la charruë, ; puis à mesure qu'ils croiffent, on leur donne le travail égal aux autres qui y font faits depuis long-emps.

Il faut regler le travail des Bœufs felon les faifons,

I Es jeunes Boeufs quelques bien dreffez qu'ils puiffent être, ne travaillent pas comme il faut en toute forte de temps, fur tout quand il faut labourer les terres, qu'il fait trop chaud ou trop froid, que le vent eft trop grand & trop rude, que la nége ou les frimats tombent trop rudement, les jeunes Boeufs ne font leur devoir que nonchalamment.

Durant l'Eté, & au temps des plus grandes chaleurs, il ne faut faire

domter.

Y

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travailler les Boeufs que les matinées & les après dînées, c'est à dire, le matin dès la pointe du jour jufqu'à huit heures, depuis trois heures après midi jufqu'à huit. L'intervale de ce temps s'employe à les bien nourrir, & à leur laiffer prendre du repos ; le refte de l'année la journée fe fera tout d'une traite, en Hyver d'un foleil à l'autre : en Automne & au Printemps, la journée commencera à huit heures du matin, & finira à huit heures du foir.

Il feroit à propos pour le foulagement des Boeufs, qu'on en eût deux paires, l'une qu'on feroit travailler dès le grand matin jufqu'à onze heures, & l'autre depuis midi jufqu'à la nuit ; ce feroit une heure que le valet-laboureur auroit pour goûter & fe repofer, ayant dîné devant le jour. Il faut que tout autre que lui ait la charge de mener & ramener les Boeufs du pâturage, au champ qu'on laboure, cela avance l'ouvrage, cela ménage les Boeufs qui font toûjours en bon état, & fatigue un peu à la verité le Valet, mais on n'a qu'à le bien nourrir, il achevera toûjours fort bien fa tâche.

Quelques-uns, pour bien accoûtumer un Boeuf au harnois ou à la charruë, veulent qu'on le faffe au bruit qui peut arriver quand il eft attellé, comme par exemple, de lui faire traîner quelque chainon de charrette, ou bien de le faire au tumulte du monde, afin qu'il ne s'effarouche point quand il en voit, ou de l'accoûtumer aux huées qui peuvent arriver quand il est sous le joug; car ce ne font pas les premiers qu'on voit prendre l'épouvante en ces occafions, & brifer tout leur harnois.

Devoirs du Laboureur à l'égard des Bœufs.

IE E Valet qui conduira les Boeufs à la charruë, aura foin de leur fi bien accommoder le joug, qu'il ne les bleffe point dans le travail, ce qu'il préviendra en mettant deffous quelque couffinet de feutre ou d'autre matiere qui foit douce; il vifitera fouvent ces animaux pour voir s'il ne leur furvient point quelque mal, il leur lavera tous les foirs les pieds pour voir s'il n'y a point quelque épine, quelque chicot ou autre chofe qui les leur puiffe bleffer. Il eft bon de prendre des bouchons de paille & de leur en frotter tout le corps, de leur faire bonne litiere, de les étriller un peu le matin, & de leur laver quelquefois la bouche avec du vin tiede, principalement au retour de la charrue, & lorfque les terres qu'ils labourent rendent beaucoup de pouffiere,&fi l'on remarque qu'ils foientdégoûtez à caufe de cela, on leur baffinera la langue avec du vinaigre tiede & un peu de fel. Quand il leur donnera à boire, il pourra tous les huit ou les quinze jours leur donner à chacun dans leur eau deux petites poignées de fel, cela les rend vifs, leur donne de l'appetit, & les garantit des tranchées: on peut fe difpenfer en Hyver de leur en donner, crainte que les alterant trop, ils ne buffent trop d'eau froide, qui pourroit leur caufer la colique, mais en Eté, & lorsqu'ils travaillent, il n'y a rien à craindre.

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Comment nourrir les Boeufs felon les faifons.

N nourrit les Boeufs differemment en Eté qu'en Hyver, on les met au vert dans la premiere faifon, au lieu que dans l'autre ils vivent au vert dans la premiere faifon, au au fec, c'est à dire de foin & de paille, & celui qui a foin des Boeufs doit obferver de ne leur point changer fi-tôt leur nourriture ordinaire, comme par exemple, de ne leur point trop-tôt ôter l'herbe pour les mettre au foin & à la paille, ni de leur changer de même cette nourriture pour leur donner de l'herbe. Celle qui croît d'abord au Printemps n'eft pas affez nour riffante, elle ne fait que paffer dans les inteftins, & rend les Boeufs lâches au travail. Il faut donc encore en ce temps-là les nourrir de foin, cet aliment eft plus folide, & les foûtient bien. Il ne faut les mettre à l'herbe qu' environ vers la fin du mois de Mai, & aux fourages que lorfque les froidures ne permettent plus qu'ils paiffent l'herbe.

Tout l'Eté donc, tout l'Automne, & une partie de l'Hyver les Boeufs feront menez aux pâturages, ou nourris abondamment d'herbe à la maifon, & de fourage durant l'autre partie de l'Hyver, & prefque pendant tout le Printemps. Ces alimens ainfi donnez à propos, & convenant très bien au temperamment des Boeufs, leur fait acquerir un corps robufte & capable de refifter long-temps au travail.

Bœufs

C'eft un avantage pour les Boeufs des les bien établer, & pour cela leur Etable anx étable doit être bâtie de bon moilon, avec un plancher de pavé ordinaire, & qui aille un peu en pente du côté de la cour, afin qu'il n'y refte que très-peu d'humidité : elle doit être chaude en Hyver, & pour cela elle doit avoir fes jours fermez, & en Eté ouverts, afin que les Boeufs y refpirent un bon air,

Il y a differentes matieres dont on nourrit les Boeufs hors des pâturages, on a le foin, les pailles & d'autres fourages mêlez: les pailles different en nature felon la diverfité des grains qui en fortent: la meilleure des pailles, felon un ancien Agriculteur, eft celle de millet, puis la paille d'orge, enfuite celle de froment; la paille d'avoine, de fegle font encore bonnes, celle d'efpeaute, autrement dit orge quarré, peut paffer en petite quantité, faute d'autre.

On tient que les Boeufs mangent avec beaucoup d'appetit la paille d'or ge, mais qu'elle ne les entretient pas bien, qu'elle a peu de substance, & deffeche ceux qui en mangent beaucoup, il ne leur faut gueres donner de paille d'efpeautre, elle vaut mieux en funnier.

Colum. 1. 6. C. 3.

Columelle ordonne à chaque Boeuf par jour un boiffeau de lupins trem- Idem, pez dans de l'eau, ou la moitié de pois chiches trempez de même, avec de la paille en abondance. Le marc de raifin imbibé d'eau leur fert encore de nourriture, on peut leur donner tout fec fi l'on veut, il en a plus de vertu: outre ces alimens il eft bon de les nourrir encore de feuilles feches d'Orme, de Frêne, d'Erable, de Chêne, de Saule & de Peuplier, ils les mangent avec avidité, c'eft pourquoi on ne peut en avoir trop bonne provifion.

Il eft difficile de limiter l'ordinaire d'un boeuf, puifqu'il y en a qui

!

Définition du Poil.

La matiere

mangent plus que les autres, & qu'il faut pour les bien nourrir qu'ils mangent tant qu'ils ayent de l'herbe ou du fourage de refte. Un Boeuf quoique ce foit un fort gros animal, ne mange pas tant qu'on s'imagine, il ne faut qu'une heure pour fon repas, puis il ferepofe & rumine à l'aife fa nourri ture: on dit que c'eft ce qui la lui fait digerer plûtôt.

Du choix que l'on doit faire des Boeufs pour la Charrue, & par rapport à leur poil

Left conftant que dans les pays où on peut élever les Veaux pour en

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en

I
connoît l'efpece, & qu'il femble que cela ne coûte prefque rien à élever:
mais comme il n'y a pas par tout des pâturages affez gras pour cela,& qu'on
eft obligé d'en acheter pour faire aller fa charruë, il eft bon d'en fçavoir
faire le choix, afin de n'y point être trompé,

Ce choix peut fervir même à ceux qui élevent des Veaux, afin qu'ils voyent après à quels ufages ils pourront les employer. Dans les endroits où l'on en nourrit pour en faire commerce, cette confideration fera inutile, parce que tous les Boeufs fe vendent fous quelque poil qu'ils puiffent être; mais quand c'eft pour foi, c'eft autre chofe, on eft bien aife d'aller sûrement dans ce qu'on projette d'en faire ;'ainfi voyons à quelles confide rations nous portent les poils differens des Boeufs.

Pour traiter ce point dès fon origine, on fçaura que les poils font des corps déliez, longs & ronds, fecs, flexibles, formez des fuligines épaiffes du fang, & pouffez par la chaleur vers la fuperficie du corps des animaux pour leur fervir de couverture.

La matiere des poils, felon quelques-uns, eft un fuc épais, visqueux des Poils. terreftres, engendré du fang, ou de quelque autre humeur, & préparé d'une maniere specifique, dont l'épaiffeur paroît par la dureté des poils, par leur vifcidité, par leur fermeté & par leur flexibilité; c'eft ce même fuc qui les nourrit, & qui les fait croître de la même maniere que la féve nourrit les plantes.

Leur forme

La caufe de leur couleur.

Ces poils naiffent fous differentes formes, les uns font longs, recourbez, droits, & les autres crépus, felon les diverses configurations des pores par où ils ont paffé, lefquels s'étendent principalement en long.

?

La diverfité des poils dans les Boeufs, n'eft pas bien confiderable, & fans parler de leur épaiffeur, de leur longueur, & de toutes leurs autres qualitez exterieures, nous nous arrêterons à la couleur feulement qui eft ce que nous frappe d'abord la vûë, & les apparences fur lefquelles on a coûtume d'établir le choix qu'on fait des Boeufs pour les ufages differens aufquels on les deftine. Il y en a fous poil rouge, ou roux, d'autres fous poil noir; les autres font blancs, & les autres blancs & rouges, ou blancs & noirs.

La difference de ces couleurs dans les poils, vient de la diverfité des humeurs qui fe mêlent au fuc dontils font nourris, & c'eft par-là, comme on le vient de dire, qu'on juge qu'un Bœuf est propre à tel ou tel ufage,

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Car, par exemple, le Bauf blanc eft moins propre que tous les autres. Le Boeuf pour la charruë, ou pour le harnois, parce que la pituite, le domine trop; blanc. c'eft pourquoi il naît d'un temperamment froid, lâche & pareffeux, le travail le rebute auffi-tôt, les moindres chaleurs l'abbatent, & quand on le veut pouffer par l'aiguillon, il fe couche par terre plûtôt que d'avancer; ce Boeuf eft pefant, rien ne l'anime, parce que les parties du fang qui devroient l'agiter dans la circulation, fe trouvent embaraffées dans cette humeur pituiteufe, qui leur ralentit confiderablement leur mouvement; ces Boeufs ne font bons que pour engraiffer, & ils engraiffent promptement.

Les Boeufs noirs font plus eftimez, ils font plus laborieux, plus robuftes, Boeuf noir. & plus francs au joug à caufe des fuliginofitez qui s'y mêlent, & qui font comme brûlées par trop de chaleur & trop de coction, ce qui ne peut arriver fans que tout ne foit beaucoup en agitation dans un Boeuf; mais comme il s'y fait une trop grande fermentation dans l'humeur qui eft agi& qu'une grande partie des efprits du fang s'émouffe par-là, il arrive que ce Boeuf n'eft pas fi vif qu'il devroit être, & l'on en voit même quelquefois atrabilaires, c'est à dire fantafques dans le travail, & peu dociles à la voix ; cependant on ne doit point rejetter les Boeufs noirs pour le trait, on peut les corriger de leurs défauts.

tée,

Lorfqu'il s'agit de choisir un Boeuf pour le joug, le Bouf rouge ou roux Bœuf rou eft celui qu'on doit préferer à tous ; la bile qui l'agite le rend vif, robuste, ge infatigable, rien ne le rebute au travail, & quelque fois même il faut prendre garde qu'il ne s'y emporte, lui épargner l'aiguillon; car fouvent c'est affez de la voix de fon conducteur pour l'obliger de faire fon devoir; qu*on le mette à la charrue ou au harnois, il y réüfliit également quand on a pris foin de le bien dreffer, & que la nourriture ne lui manque point.

Si la pituite agit dans un endroit de la peau, & dans une autre les fuli- Boeuf noir ginofitez, le Bœuf deviendra noir & blanc, & il eft plus ou moins robufte & blanc. que ces humeurs prédominent plus ou moins en lui: un tel Boeuf, s'il a plus de noir que de blanc, eft encore fort propre pour la charrue; s'il a beaucoup plus de poil blanc que de noir, il fera bon pour la graiffe, &deftiné pour les Bouchers. Les Boeufs qui ne font bons que pour ces ufages ne doivent pas tant vivre que les autres, parce qu'ils ne rendent point de fibons fervices, il fuffit qu'ils ayent acquis une bonne corpulence & bien de la graiffe pour les eftimer, & pour être bien vendus; c'eft tout ce qu’on en doit attendre; une trop longue vie à ces Boeufs, ainsi qu'aux blancs, eft une nourriture perduë,

: Les Boufs blancs & rouges, appellez ordinairement Boeufs mouchetez, font meilleurs que les précedens, de quelqu'une de ces deux humeurs, dont ils puiffent être prédominez; fi la pituite quelquefois les rend un peu lâches, l'aiguillon, qui les met auffi-tôt la bile en mouvement, les réveille, & ce n'eft que par le fecours de l'aiguillon, appliqué neanmoins à propos, qu'on en fait quelque chofe de bon pour la charrue & le harnois.

Remarque,

Bœuf blanc

& rouge.

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